La Bible en ses Traditions

Philémon 1,20–21

Byz V S TR Nes

20 Oui, Smon frère, puissé-je profiter de

Sêtre soulagé par toi dans le Seigneur.

Soulage mes entrailles dans le Seigneur.

S NesChrist.

21 C'est convaincu de

Sconfiant en ton obéissance, que je t'écris

Sai écrit

en sachant que tu feras même au-delà de ce que je demande.

Splus que ce que je dis.

Réception

Liturgie

1–21 Deuxième lecture du 23e dimanche du TO, année C

Lectionnaire œcuménique révisé 

Phm 1-21 est précédé ou bien de Jr 18,1-18 ; Ps 139,1-6.13-18 ou bien de Dt 30,15-20 ; Ps 1 ; et suivi par Lc 14,25-33.

Lectionnaire dominical romain

Phm 9b-10.12-17 est précédé de Sg 9,13-18b ; Ps 90,3-6.12-14.17 et suivi par Lc 14,25-33.

Le rappel à Philémon de considérer Onésime maintenant comme un frère et non plus comme son esclave prépare l’enseignement de Jésus qui invite dans l’évangile ceux qui veulent le suivre à renoncer aux biens matériels. La requête de Paul à Philémon se comprend alors comme le cas particulier d’un enseignement biblique plus général.

7–20 Lectionnaire quotidien romain

Messe du jeudi de la 32e semaine du TO-II

Ce texte se lit avec Lc 17,20-25, où l’enseignement de Jésus sur la venue du fils de l’homme, qui doit souffrir et être rejeté par les hommes, a un lien ténu avec la situation critique d’Onésime.

Contexte

Milieux de vie

7b.12b.20b entrailles Anthropologies comparées

  • Conformément à l’usage de G et à l’anthropologie biblique, les « entrailles » (splanchna) sont le lieu des sentiments de l’homme.
  • C'est souvent rendu en français par le « cœur ». En effet, l'anthropologie moderne situe le siège des sentiments plutôt dans le cœur.
  • En v.12b S comprend « matrice », soit — par métonymie — « progéniture ».

Texte

Vocabulaire

21a obéissance Ou : acceptation Le substantif hupakoê « docilité » venant de l’« écoute » (le verbe hupakouô) peut également être traduit par « obéissance » et par « acceptation ».

Procédés littéraires

20a puissé-je profiter Étymologisme Gr : onaimên permet de filer la métaphore par un retour sur le sens étymologique d’Onèsime-Profitable (Procédés littéraires Phm 1,10b.11b) : les rôles sont dès lors renversés et c’est le maître qui est ici sommé de devenir à son tour profitable pour Paul, dans la mesure où Philémon « est encore redevable » à l’Apôtre des gentils (v.19c prosopheileis : Procédés littéraires Phm 1,18a.19c).

Genres littéraires

20–25 Conclusion La lettre se termine par une conclusion en trois parties :

  • v.20-21 : péroraison rhétorique (et vaguement ironique) qui reprend les principaux arguments : la formule feint de nier le projet épistolaire puisqu’elle affirme la conviction de Paul que Philémon se rendra à ses arguments. Pourquoi écrire dans ce cas ? Bien entendu, c’est une sorte de prédiction qui se veut autoréalisatrice pour manifester encore un peu plus les obligations de Philémon envers Paul.
  • v.22: une nouvelle occurrence des projets de voyage de Paul, qui renforce le poids de la présence de l’Apôtre : d’ici peu, c’est en chair et en os qu’il pourra formuler sa demande.
  • v.23-25 : conclusion commune à toutes les lettres de la main de l’Apôtre : envoi de salutations de la part des personnes qui entourent l’Apôtre et brève formule de conclusion, en fait une bénédiction. L’ « Amen » final induit un usage liturgique.

Réception

Tradition chrétienne

20a puissé-je profiter de toi La distinction augustinienne entre « jouir de quelque chose » (frui) et « utiliser quelque chose » (uti) V : ego te fruar porte le verbe frui. Augustin pose une distinction cardinale entre « utiliser » (en lat. uti) les choses et « en jouir » (en lat. frui). On ne doit jouir que des choses éternelles et immuables ; tout le reste doit être utilisé. Mais qu’en est-il de nos semblables ? Nous avons l’ordre de les aimer. Mais doivent-ils être aimés pour eux-mêmes ou en vue de quelque chose d’autre ? La réponse d’Augustin est claire :

  • Augustin d’Hippone Doctr. chr. 1,37 « En outre, quand tu jouiras de l’homme en Dieu, ce sera de Dieu plutôt que de l’homme que tu jouiras. Tu jouiras en effet de celui qui te rendra heureux, et tu seras dans la joie d’être parvenu à celui en qui tu mets ton espoir. Ce qui fait dire à Paul, écrivant à Philémon : “Ainsi, frère, je jouirai de toi dans le Seigneur” (Phm 20). S’il n’avait pas ajouté “dans le Seigneur,” s’il avait dit seulement : “je jouirai de toi,” c’est en ce dernier qu’il eût mis l’espoir de son bonheur » (BA 11/2,125).

Propositions de lecture

1–25 Supplique d'un apôtre devenu pater familias

Structure

Adresse (v.1-3)

À son accoutumée, Paul profite de l’adresse pour transmettre une bénédiction aux destinataires de l’épître : Genres littéraires Phm 1,1ss.

Action de grâces (v.4-7)

L’épître est l’occasion de féliciter Philémon de sa foi et de sa charité, qui provoquent joie et consolation à l’Apôtre : Genres littéraires Phm 1,4–7. Elle est mobilisée au service de l'argumentation de Paul : il rappelle que la communion dans la foi ne peut rester une simple adhésion intellectuelle mais doit s’épanouir dans une réflexion éthique (la connaissance du bien qui est en nous pour le Christ) et de véritables actions (la charité qui produit le réconfort).

Demande (v.8-19)

L’essentiel du corps de l’épître est consacré à la requête de Paul. Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (v.8), l’Apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir. Paul présente ainsi sa demande : que Philémon ne tienne pas rigueur à Onésime de s’être enfui de chez lui pour se réfugier chez Paul. En effet, converti par Paul et devenu chrétien, il est bien plus que le simple esclave de son maître : il est comme son propre frère.

Conclusion (v.20-22) et salutations (v.23-25)

L’épître se clôt par l’assurance d’être entendu de Philémon (v.20-21), une promesse de voyage (v.22), un échange de salutations de la part des collaborateurs de Paul (v.23-24) et une bénédiction finale (v.25) : Genres littéraires Phm 1,20–25.

Caractérisation de Paul : apôtre, père, commerçant, ironiste ?

On peut se lancer dans des considérations de morale sociale (Théologie Phm 1,12), peut-être anachroniques (Milieux de vie Phm 1,16a) ; on peut aussi être sensible à la subtilité des relations humaines tissées par Paul.

Père et victime

Deux thèmes sont à l’œuvre : la prison et les entrailles (le cœur : Milieux de vie Phm 1,7b.12b.20b). Ils construisent une figure subtile d’autorité de l’Apôtre, qui apparaît à la fois comme un modèle de souffrance pour la foi et comme un modèle de paternité. Paul devient pater familias de Philémon et d’Onésime, qui sont maintenant frères (c.-à-d. la paternité de Philémon est relativisée). Plutôt que de faire appel à son autorité apostolique (v.8), Paul préfère se présenter comme un père et comme une victime (v.9).

Négociateur madré

Il le fait avec une tendre ironie (Procédés littéraires Phm 1,8s), feignant la négociation commerciale (Milieux de vie Phm 1,19ab), multipliant les arguments jusqu’aux limites de la préciosité (comme le jeu de mots sur le nom de l'esclave : Procédés littéraires Phm 1,10b.11b ; Procédés littéraires Phm 1,20a), comme s'il ne voulait pas imposer sa volonté, malgré son insistance (Phm 20-21) et alors qu'il rappelle à Philémon qu'il ne lui doit rien moins que... lui-même : Procédés littéraires Phm 1,19c !