Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 Alors Pilate prit Jésus et le fit flageller.
2 Et les soldats, ayant tressé une couronne d’épines, la mirent sur sa tête
et le revêtirent d’un manteau de pourpre.
3 Et ils Byz V TR Nesvenaient vers lui et disaient :
— Réjouis-toi, ô
VSalut,
SPaix à toi, roi des Juifs !
et ils lui donnaient des soufflets.
4 Et Pilate de nouveau sortit dehors et leur dit :
— Voici que je vous l’amène dehors
afin que vous connaissiez que je ne trouve en lui aucune raison [de le condamner].
Vaucune infraction.
5 Jésus sortit donc, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre
et il
SPilate leur dit :
— Voici l’homme !
6 Quand donc ils le virent,
VComme donc l'avaient vu les grands prêtres
Vpontifes et les serviteurs
s’écrièrent
Vils s’écriaient en disant :
— CrucifieS-le, crucifieByz S-le !
Pilate leur dit :
— Prenez-le, vous, et crucifiez-le
car moi je ne trouve en lui aucune raison [de condamnation].
Vaucune infraction.
7 Les Juifs lui répondirent :
— Nous avons, nous, une loi, et d’après la
Byz TRnotre
Sce qui est dans notre loi il doit mourir parce qu’il s’est fait Fils de Dieu.
8 Lors donc que Pilate eut entendu cette parole il craignit encore plus.
9 Et il entra de nouveau dans le prétoire et il dit à Jésus :
— D’où es-tu, toi ?
Mais Jésus ne lui donna pas de réponse.
10 Pilate lui dit Byz V TR Nesdonc :
— Tu ne me parles pas, à moi ?
Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher
Byz V TRcrucifier
et que j'ai pouvoir de te crucifier
Byz V TRrelâcher ?
11 Jésus répondit
Sdit :
— Tu n’aurais aucun pouvoir contre moi
s’il ne t’avait été donné d’en haut.
Voilà pourquoi celui qui m’a livré à toi a un plus grand péché.
12 Dès ce moment Pilate cherchait à
Svoulait le relâcher.
Mais les Juifs criaient en disant :
— Si tu relâches celui-là, tu n’es pas ami de César :
quiconque Sen effet se fait roi se déclare contre César.
13 Pilate, ayant entendu ces paroles, amena Jésus dehors
et il s’assit sur son tribunal au lieu dit « La [Cour] Dallée
VLithostrotos
S Le Pavement de pierres »
et en hébreu : « Gabbatha
SGafyfta ».
14 Or c’était la préparation de la Pâque, Byz S Nesc'était environ la sixième heure.
Il dit aux Juifs :
— Voici votre roi.
15 Mais ils criaient :
— Enlève ! Enlève !
VSupprime ! Supprime ! Crucifie-le ! SCrucifie-le !
Pilate leur dit :
— Crucifierai-je votre roi ?
Les grands prêtres
Vpontifes répondirent
Sdirent :
— Nous n’avons de roi que César.
16 Alors donc il le leur livra pour qu'il fût crucifié :
ils prirent donc Jésus Byz V S TRet l'emmenèrent.
17 Et portant par lui-même sa croix il sortit vers le
Vce lieu dit « Le Crâne
VCalvaire », en hébreu « Golgotha
SGagultha »
18 où ils le crucifièrent
et avec lui deux autres, un d'un côté, un de l'autre côté
et au milieu Jésus
SJésus au milieu.
19 Or Pilate écrivit aussi un écriteau et le plaça au-dessus de la croix
et il était écrit : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs. »
V« Jésus le Nazarénien, roi des Juifs. »
S« CELUI-CI EST JÉSUS LE NAZARÉEN, LE ROI DES JUIFS. »
20 Cet écriteau donc, beaucoup de Juifs le lurent
parce que l'endroit où Jésus fut crucifié était près de la ville
et que c'était écrit en hébreu, en latin
Byz V S TRgrec et en grec
Byz V S TRlatin.
21 Les grands prêtres des Juifs disaient donc à Pilate :
— N'écris pas : « Le roi des Juifs »
mais que « celui-là a dit : "— Je suis roi des Juifs" ! »
22 Pilate répondit
Vdit :
— Ce que j’ai écrit, je l'ai écrit.
23 Les soldats donc, lorsqu'ils eurent crucifié Jésus
prirent ses vêtements et firent quatre parts
une part pour chaque soldat
et la tunique.
Or la tunique était sans couture, tissée depuis le haut d'une seule pièce.
23 Les soldats ,donc lorsqu'ils eurent crucifié Jésus
prirent ses vêtements et firent quatre parts
une part pour chaque soldat
mais la tunique était sans couture
depuis le haut tissée d'une seule pièce.
24 Ils se dirent donc entre eux :
— Ne la déchirons pas
mais désignons par le sort à qui elle sera.
C'était afin que l'Écriture se réalisât,
Ss'accomplît, V TRdisant :
« — Ils se sont partagé mes vêtements et sur mon habit ils ont jeté le sort. »
Les soldats firent donc cela.
25 Cependant près de la croix de Jésus se tenaient sa mère
et la sœur de sa mère, Marie [femme] de Clopas
VCléophas
SCleopha et Marie la Magdaléenne
VMarie-Madeleine
26 Jésus donc, ayant vu la
Ssa mère et se tenant là le disciple qu’il aimait
dit à la
Byz V S TRsa mère :
— Femme, voici ton fils.
27 Ensuite il dit au disciple :
— Voici ta mère.
Et dès cette heure-là le disciple la prit chez lui.
28 Après cela Jésus, sachant que Byz V TR Nesdésormais tout était achevé
Vconsommé
Saccompli
afin que fût parachevée
Vconsommée
Sréalisée l’Écriture, dit : — J’ai soif.
29 Il y avait là un vase plein de vinaigre
ils placèrent une éponge pleine
Byz S TRimbibèrent une éponge de vinaigre autour d’une tige d’hysope et ils l’approchèrent de
V Sla présentèrent à sa bouche.
30 Quand donc Jésus eut pris le vinaigre, il dit :
— C
SVoici, c'est achevé
Vconsommé
Saccompli
et inclinant la tête il livra l’
Sson esprit.
31 Les Juifs donc, comme c’était la Préparation
VParascève,
pour que les corps ne restassent pas sur la croix pendant le sabbat,
(c'était en effet le grand jour ce sabbat)
demandèrent à Pilate que fussent brisées leurs jambes et qu'ils fussent enlevés.
31 Les Juifs donc, comme c’était la Préparation dirent :
— Que ces corps ne restent pas toute la nuit sur la croix puisque le sabbat pointe !
Car c'était un grand jour que le jour de ce sabbat.
Donc ils demandèrent à Pilate que fussent brisées les jambes des crucifiés et qu'on les descendît.
32 Les soldats vinrent donc
et ils brisèrent les jambes du premier puis de l’autre qui avait été
Vfut crucifié avec lui.
33 Mais étant venus
Vcomme ils étaient venus à Jésus
quand ils virent qu'il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes
34 mais l'un des soldats de sa lance lui perça le
Vlui ouvrit le
Sle frappa au côté
et sortit aussitôt
Byz V TR aussitôt sortit du sang et de l’eau.
35 Et celui qui a vu a rendu témoignage
et il est véridique
Vvrai, son témoignage
et celui-là sait qu’il dit vrai pour que vous aussi vous croyiez.
36 Car cela est arrivé afin que l’Écriture s'accomplît :
« Aucun os ne lui sera cassé. »
Vvous ne lui casserez. »
Sne lui sera brisé. »
37 Et encore une autre Écriture dit :
« — Ils regarderont vers
Vverront en celui qu’ils ont
Vauront transpercé. »
38 Après cela, Joseph d’Arimathie
Sde Rama demanda à Pilate
étant
V Sdu fait qu'il était disciple de Jésus
(mais en secret par crainte des Juifs)
d'enlever le corps de Jésus
et Pilate le permit :
il vint donc et enleva son corps.
Byz V S TRle corps de Jésus.
39 Or Nicodème aussi vint, lui qui était venu à lui
Byz V S TRJésus de nuit, au début
apportant un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres.
40 Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de bandelettes avec les aromates
comme c'est la coutume d’ensevelir pour les Juifs.
41 Or au lieu où il
SJésus fut crucifié il y avait un jardin
et dans le jardin un sépulcre neuf où personne n’avait encore été mis.
42 C'est donc là, à cause de la Préparation
VParascève des Juifs, parce que le sépulcre était proche, qu'ils déposèrent Jésus.
42 Ils couchèrent là Jésus, parce que le sabbat approchait et parce que le sépulcre était proche.
30 Les ténèbres se firent
Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. V. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.
Michael
est un compositeur autrichien, né le 14 septembre 1737 à Rohrau (Autriche) et décédé le 10 août 1806 à Salzbourg. Il est le frère cadet de Joseph (1732–1809). Ses œuvres comportent plus de huit cents compositions, essentiellement religieuses.17–34 Représentations de la croix
→PARALITURGIE Reliques de la passion : la vraie croix
26–30 Les sept paroles du Christ en croix
La solitude de Jésus sur la croix est traduite dans l'effectif de cette composition: un violon (ou alto) non-accompagné, abandonné par tout le monde, sans contact avec la terre. La pièce suit les sept dernières paroles à travers sept miniatures. Un "motif de croix" reconnaissable sert comme ponctuation entre les paroles: un accord très court et fort (verticalité) suivi d'une longue seconde soutenue douce (horizontalité).
La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ...") est un jeu très virtuose, diabolique, on dirait fou, dépeignant ceux qui "ne savent pas ce qu’ils font."
Dans la deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.") deux voix chantent librement et paisiblement ensemble.
La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) se traduit en une valse noble, intime, pleine d'une joie intérieure.
Apogée et centre pivot des sept paroles, la quatrième parole "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est mis en musique en glissandi répétés de dissonants criants dans le suraigu.
"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) est évoqué par des sons expérimentaux, imitant des gémissements et des souffles secs.
"Tout est accompli" (Jn 19,30: sixième parole) est reflété par seulement quelques harmoniques, ne donnant que les contours d'une mélodie presque évaporée.
La septième parole (Lc 23,46: "Père, entre tes mains je remets mon esprit." - voir aussi Ps 31,6) est une mélodie sereine, dépassionnée.
Motets en latin sur les sept dernières paroles du Christ en croix. Contrairement aux «The Seven Last Words» qui sont très atonaux et expressionnistes, les «Septem verba Christi» sont dans un langage néo-modal.
La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ..."; "Pater, dimitte illis ...") se concentre sur la proclamation tranquille, paisible du texte.
La deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."; "... Hodie mecum eris in Paradiso") est plus mélismatique, évoquant l'atmosphère céleste.
La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) devient évident avec des mélismes à deux voix, un fleuve tranquille de deux mélodies qui coulent ensemble.
La quatrième parole "Deus meus, ut quid dereliquisti me?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est le centre pivot des sept paroles. C'est pourquoi elle est traitée de manière spéciale, c'est-à-dire dans un langage plus atonal, donnant expression aux mots dramatiques de Jésus. Les dynamiques sont également plutôt dans le forte, tandis que les autres se situent dans les dynamiques douces.
"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) n'est en latin qu'un seul mot: sitio. Des quintes ouvertes et une pédale sur "si" (à la fois la syllabe et la note musicale) créent une atmosphère de désert.
"Tout est accompli", "consummatum est" (Jn 19,30: sixième parole) est une longue séquence d'harmonies qui glissent de manière chromatique en bas.
La septième parole (Lc 23,46: "Père, entre tes mains je remets mon esprit."; "Pater, in manus tuas comendo spiritum meum." - voir aussi Ps 31,6) reprend la musique de la première parole, les deux commencant par l'acclamation "Pater".
Mt 27,59 ; Jn 19,40 ; Lc 23,53 ; Mc 15,46 l'enveloppa d'un drap Saint Suaire
Au centre, accompagnée de l'inscription Il verissimo ritratto del Santissimo Sudario (représentation véridique du Saint Suaire), se trouve une reproduction fidèle de la relique contenue dans le reliquaire : le fameux linceul dans lequel le Christ aurait été enveloppé avant d'être mis au tombeau. À gauche, la colonne de la flagellation ; à droite, la croix ainsi que deux des instruments de la Passion, l'éponge au bout du la branche d'hysope et la lance de laquelle un soldat aurait transpercé le corps du Christ selon Jn 19,34.
17 PARALITURGIE Chemin de croix : deuxième station
« Voici l’Homme ! » Voici une foule, cette foule que l’on remarque derrière la croix, cette croix qui semble être le sceptre dérisoire de sa royauté, mais dans les yeux levés et en cette couronne d’épines, il y a vraiment un roi qui va s’acheminer sur l’unique trône de la vie, qui est celui de cette présentation, de cette mort. Oui, le Christ dénudé, presque squelettique, va s’avancer. Derrière lui, sur la gauche, il y a les deux larrons, l’un est habillé en prisonnier, l’autre avec le vêtement que l’on donnait dans les camps de concentration. Il y a quelqu’un qui est en fauteuil roulant ; mais regardez bien tout au fond, ces cannes : tous ces estropiés de la vie sont représentés. Dans ce Chemin de croix, on reconnaît effectivement un style que l’on pourrait qualifier d’expressionniste, mais c’est un expressionisme inspiré, c’est un expressionisme associé à la vie : un homme, un ouvrier, avec son débardeur, porte une croix autour du cou ; mais regardez bien cette femme, sur la droite : elle vend des chapelets. Pour vivre donc ce Chemin de croix, il y a véritablement ce don, cette présence, cet accompagnement de la prière des pauvres, mais cette prière si riche de la vie des êtres qui égrènent le temps des hommes et des femmes, qui égrènent le temps de ceux et de celles qui ne savent plus comment prier ni pour qui prier. (J.-M. N.)
16 PARALITURGIE Chemin de croix : première station
Il est devant Pilate, mais il a le dos tourné à Pilate. Car la sentence vient d’être prononcée. Pilate, qui est représenté non pas en ecclésiastique comme on pourrait le croire, mais comme un juge. Un juge qui est aveugle : ce qu’il porte sur les yeux n’est pas le signe du bandeau de la justice dans son impartialité, il est vraiment aveugle, il a une canne blanche. Et l’actualité de l’événement du Christ est associée à l’actualité des hommes qui cherchent, à travers celui qui a entre ses mains un micro et qui regarde le Christ s’en aller vers la Passion, mis en scène, sous les projecteurs, sous les perches des micros, l’actualité de ceux qui cherchent la vérité. Mais « qu’est-ce que la vérité ? ». Face à la question de Pilate, la représentation met en scène des hommes et des femmes. Au plan stylistique, vous verrez : des visages ressemblent à des têtes inspirées du folklore populaire polonais, de ces têtes d’argile, de ces marionnettes polonaises. Mais prenons conscience qu’à côté de cette canne, il y a un homme à genoux et une jeune fille. Entre le Christ et cet homme dont le cierge est éteint, il y a cet agneau pascal qui est couché, et des femmes : une femme qui médite devant ce qu’elle vend, simplement deux écuelles de soupe ; et sous les projecteurs de l’actualité, le Christ s’en va, les yeux fermés, car la vérité ne saurait se dire, la vérité réellement va s’éprouver dans le don de cet homme-Dieu. (J.-M. N.)
18 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station
Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.
Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.
C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.
Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.
On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)
23s Vêtements de Jésus PARALITURGIE Chemin de croix : dixième station
Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)
25–30 PARALITURGIE Chemin de croix : douzième station
Jésus meurt sur la croix : il est étendu sur la croix, et il est étendu sur la Pologne ; sur toute l’histoire de la Pologne. Ce qui va des premiers martyrs jusqu’à Jean-Paul II. L’artiste meurt en 2004 ; Jean-Paul II est mort en 2005. Et lorsqu’on voit Jean-Paul II au pied de la croix, ce n’est pas simplement un portrait de Jean-Paul II, c’est le portrait de l’Eglise ; et la multitude de croix, ce foisonnement de croix au fond, manifeste que tous ceux qui sont saints et tous ceux qui sont baptisés portent la croix. Et toujours Marie au pied de la croix : l’icône de Notre Dame de Czestochowa. Il y a une intelligence de cette présence, de cette vie et de ce Christ dont le sang coule toujours sur ce peuple ; et ce peuple a aussi, avec d’autres, versé son sang pour la patrie. C’est donc effectivement le Golgotha de Jasna Gora, le Golgotha du sanctuaire de la Pologne. Comme disait Jean-Paul II, Jasna Gora, le sanctuaire, c’est le lieu de la liberté des Polonais. Tout est mêlé, associé : on voit Saint Venceslas, on voit la multitude des saints et des saintes, des ermites, des pasteurs, des prêtres, des fidèles qui sont là, tout le peuple est en marche parce qu’une nation n’existe qu’à travers et que par son histoire. Et Marie dans sa fidélité associe cette présence, où l’Emmanuel qu’elle porte, cet enfant Jésus, prouve sa révélation dans la croix. (J.-M. N.)
38–42 PARALITURGIE Chemin de croix : treizième station, Jésus est descendu de la croix
La descente de Croix de l’église, couvrant une partie du bas-côté droit de la nef, révèle l’« horreur tragique » (Ritter). Au pied de la Croix, Marie-Madeleine, tend ses mains jointes vers Jésus, et Marie, évanouie, tombe, la face douloureuse renversée vers son Fils dont le visage invisible est volontairement tourné vers la Croix. La toile est exposée au Salon des Tuileries et remarquée par tous les critiques avant de partir à Wittenheim. « Simple hasard, évidemment, mais enfin il n’y a que peu d’œuvres proprement religieuses au Salon des Tuileries. Peu d’œuvres... et toutefois deux chefs-d’œuvre nous arrêtent dès l’entrée. Ce sont deux panneaux de notre grand et cher Desvallières, stations d’un Chemin de Croix pour une église d’Alsace ». Maurice Brillant rappelle les deux toiles découvertes au dernier Salon d’automne. Maurice Denis choisit d’illustrer, entre autres son livre Histoire du monde religieux avec cette station peinte par Desvallières à propos duquel il écrit : « Au courant Romantique, celui qui s’apparente au baroque, au Greco, à la piété espagnole, impossible de ne pas y rattacher l’oeuvre immense de George Desvallières, le représentant génial du lyrisme et du mysticisme d’après-guerre, l’un des plus grands noms de l’art d’aujourd’hui. Il avait peint un Christ à la colonne, un Sacré-Cœur pathétique comme un Grünewald. Mais c’est après quatre années de vie héroïque face à l’ennemi dans un secteur des Vosges, qu’il a peint son Drapeau de Sacré-Cœur (à Verneuil-sur-Avre), plusieurs ex-voto, plusieurs Chemins de Croix. » (Denis, 1939, p. 297)
Cette station pathétique se déploie sous la grande fresque d’A.-H.
, L’Église qui anime l’ordre social par la charité. Après sa mort, le Christ est descendu de la croix avec des cordes dans une composition mêlant l’horizontalité du corps de Jésus à la verticalité des échelles et des pieds des deux croix. Comme à Wittenheim les deux bras pendants du Christ encadrent la figure de sa mère. La Vierge de douleur montre son visage de face, alors que Marie-Madeleine renverse sa tête vers l’arrière et saint Jean soutient le corps du Christ à côté d’elle.Il y a là une idée spirituelle de génie, où l'on retrouve l’icône de Notre-Dame de Czestochowa : c’est le thème de la Pietà, c’est à-dire la descente de croix, où Marie porte le Christ soutenu sous les aisselles par une main qui sort de l’icône : Marie donne cette main, alors que de cette main elle montrait l’enfant Jésus, pour révéler que cet Emmanuel, c’est Dieu au milieu de ce peuple. Et la tête du Christ mort est à la place de l’enfant, avec son auréole ! Un ermite blanc, tonsuré, soutient l’icône : le sanctuaire de Czestochowa est confié à un ordre religieux, les Paulins, et c’est l’habit de chœur des Paulins. Et l’on voit des soldats, derrière, et aussi un soldat à genoux, avec le sabre dans son dos : il risque d’être exécuté… Mais il y a des soldats qui ressemblent à des cadavres, des soldats morts, exécutés.
Le Christ regarde, il porte tout cela, il porte à la fois ceux qui exécutent et ceux qui meurent. C’est bien pour cela que lorsqu’on prie pour les victimes, il faut aussi prier pour les bourreaux, pour leur conversion. La main tendue de cette Mère qui présente le Christ est prière, et lorsqu’on prie Notre Dame de Czestochowa, on prie à travers et par tout ce chemin de croix.
Ainsi les choses s’accomplissent, ainsi la vie se révèle, ainsi tout se dit : Marie est là, Marie est présente, mais ce n’est pas que Marie, c’est Marie mère de Dieu et mère de l’Église, et c’est l’Église qui porte le Christ souffrant, pour porter toute souffrance. (J.-M. N.)
41s PARALITURGIE Chemin de croix : quatorzième station, Jésus est mis au tombeau
Le Christ au tombeau : dans quel tombeau ? Il est dans le tombeau des camps de concentration. On y voit les fils barbelés ; on y voit les livres qui ont été brûlés, des livres où l’on a voulu effacer la mémoire de la vie. Des cierges entourent Celui qui est au tombeau, enfoui dans l’horreur de cette humanité. Dans ce fatras de piliers qui encerclaient les hommes à l’intérieur des camps et dont plusieurs ont la forme de croix, tout s’écroule, mais aussi tout se libère. Car c’est bien dans le tombeau que tout se libère. Aujourd’hui au cimetière polonais d’Oswiecim, c’est la montagne des croix profanes : on voit une montagne où sont plantées une succession de croix, de croix qui disent la vie des êtres, de communautés, l’histoire de ceux et de celles qui ont combattu pour la liberté, des croix que l’on dépose encore. Les croix de la mémoire qui ne sont pas simplement un enfouissement au cœur de la mort, parce que si on regarde une croix, c’est parce qu’on a foi en la résurrection : on ne croit pas en un Dieu mort mais en un Dieu vivant ! Ce troisième jour, « ô mort, où est ta victoire ? » ; « En mourant il a détruit notre mort et en ressuscitant il nous a redonné la vie ». (J.-M. N.)
5 Voici l'homme Ecce homo
Le seul personnage véritablement lumineux et droit est le même qui est auréolé : le Christ.
Ce Jésus de granit, comprimé entre les gardes, est exposé à la dévotion des fidèles et aux vents marins comme il fut exposé aux huées de la foule réclamant sa condamnation à mort.
En cours de restauration (mai 2020) cette petite porte avait été couverte d'un moulage industriel de calice et d'un enduit gris au 19e s. Noter l'inscription « Ecce Homo » au-dessous de l'image.
Le gouffre obscur au seuil duquel se tient le Christ accentue la solitude dans laquelle il se trouve à ce moment, quoiqu'il soit au centre de tous les regards (des balcons jusqu'à la chaussée).
Le dais en haut à droite n'est pas sans rappeler le mobilier liturgique catholique, tandis que la difformité des malfrats qui s'extraient du gouffre indifférencié de la foule évoque les représentations de l'enfer auquel Jésus, lumineux et les yeux levés au ciel, est absolument étranger.
Ici, le Christ est seul, sanguinolent, à la fois majestueux et vulnérable. Est-il assis comme un roi siège sur son trône ou comme quelqu'un de trop faible pour se tenir debout et qui se repose, affligé par les coups ?
Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière-plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.
6 Voici l'homme Ecce homo
Le seul personnage véritablement lumineux et droit est le même qui est auréolé : le Christ.
Ce Jésus de granit, comprimé entre les gardes, est exposé à la dévotion des fidèles et aux vents marins comme il fut exposé aux huées de la foule réclamant sa condamnation à mort.
En cours de restauration (mai 2020) cette petite porte avait été couverte d'un moulage industriel de calice et d'un enduit gris au 19e s. Noter l'inscription « Ecce Homo » au-dessous de l'image.
Le gouffre obscur au seuil duquel se tient le Christ accentue la solitude dans laquelle il se trouve à ce moment, quoiqu'il soit au centre de tous les regards (des balcons jusqu'à la chaussée).
Le dais en haut à droite n'est pas sans rappeler le mobilier liturgique catholique, tandis que la difformité des malfrats qui s'extraient du gouffre indifférencié de la foule évoque les représentations de l'enfer auquel Jésus, lumineux et les yeux levés au ciel, est absolument étranger.
Ici, le Christ est seul, sanguinolent, à la fois majestueux et vulnérable. Est-il assis comme un roi siège sur son trône ou comme quelqu'un de trop faible pour se tenir debout et qui se repose, affligé par les coups ?
Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière-plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.
27 Voici ta mère Let it be
Une célèbre chanson du célèbre groupe britannique, morceau initialement très intime, a rapidement été considérée par beaucoup comme l'équivalent d'un gospel, un hymne à la Vierge Marie.
Lorsque la frénésie de la Beatlemania commençait à s'estomper et que les relations au sein du groupe se détérioraient, annonçant une fin imminente, Paul McCartney fit un rêve marquant : sa mère Mary, décédée depuis une douzaine d'années, lui apparut. Dans ce rêve, elle lui offrit la consolation d'une rencontre inattendue et lui transmit ces paroles apaisantes : Let it be – « qu'il en soit ainsi », « ainsi soit-il », amen – ou, plus simplement « lâche prise », « accepte que ce qui est, est ». Et le cœur troublé du jeune homme retrouva la paix.
Ce fut le dernier grand succès du groupe, qui, sans le prévoir, produisit une œuvre résonnant comme un écho à l'un des préceptes les plus célèbres de Jésus : « — Que votre parole soit oui, oui ; non, non » (Mt 5,37), peut-être en rétroversion araméenne : « Dis ce qui est est, ce qui n'est pas n'est pas » (cf. Eric Jésus parlait araméen, Paris : Les éditions du Relié, 2000, 206-209). En ce sens, Let it be exprime une invitation à l’acceptation complète de la réalité.
Sans en avoir conscience, les Beatles ont laissé un héritage musical transcendant les frontières de la pop et abordant indirectement la figure de la Vierge, incitant les auditeurs à tourner leur regard vers la Reine du ciel. Le choix de McCartney d’employer l’expression « Mother Mary », sans utiliser de possessif, ouvre cette figure à une interprétation universelle, et facilite l’association avec Marie. Comme souvent avec les grandes œuvres, celle-ci échappe à son auteur et acquiert un caractère universel, abordant des thèmes qui semblent dépasser les intentions initiales.
L'association entre la figure maternelle et la souffrance rappelle également, à une autre échelle, les paroles adressées par Jésus à Jean depuis la croix : « Voici ta mère » (Jn 19,27). Cependant, la chanson s'achève sur un passage des ténèbres vers la lumière, un thème central dans la Bible, d'Isaïe à la Résurrection. La mélodie de Let it be, évoquant pour McCartney l’aube d’un jour nouveau, semble ainsi renvoyer à cette symbolique de renaissance et de paix.
Ces dynamiques, exprimées de manière simple mais puissante dans cette chanson, trouvent un écho dans les paroles du frère Roger : « Avec Marie (…) attendre dans la paix des nuits […] comme aux heures des plus grands combats intérieurs, attendre que fleurissent nos déserts » (
, Marie, mère de réconciliation, Les Presses de Taizé / Le Centurion, 1989, 24).