Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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36 Alors Jésus vient avec eux dans un domaine appelé Gethsemani.
Et il dit à ses disciples :
— Asseyez-vous ici pendant que j'irai là-bas et que je prie.
36–41 CONTEMPLATION Tourmente nocturne
La nuit transfigurée. Vincent est à l’asile de Saint-Rémy de Provence, sa chambre devient ainsi la cellule de ses visions. Dans la nuit de ses désespoirs, les étoiles sont des soleils et s’enroulent en des tourbillons de feu, prenant la forme de tournesols ; et la lune elle-même se métamorphose en soleil, dans le ciel nocturne de ses angoisses. Les cyprès semblent une flamme immense, cierges d’une étrange supplique, celle d’une prière où le clocher est comme un doigt levé qui touche le ciel pour y puiser une parcelle d’espérance. Autour de l’église se blottit un petit village où la lumière des foyers émerge des fenêtres.
Voici l’étreinte de la nuit et de la lumière en quête d’une aurore. Mt 26,41) … et la nuit deviendra lumière pour vos yeux obscurcis. Il manifeste ce désir d’absolu par la puissance des couleurs pour chercher à sortir de ses torpeurs. Il nous fait découvrir en ce paysage transfiguré le souffle de vie arraché aux cauchemars de la mort. La lumière a vaincu les ténèbres. (J.-M. N.)
qui voyait dans un arbre tourmenté le Christ en agonie, nous fait découvrir que l’artiste est un prophète qui annonce le jour au cœur de la houle de nos insomnies tourmentées. « Veillez et priez » (36a Gethsémani
Gethsemanê (Vocabulaire Mt 26,36a) pourrait bien être d’abord le nom d’un endroit précis dans le terrain cultivé au-delà du Cédron (Lecture synoptique Mt 26,36a), où l’arrestation eut lieu (cf. Jn 18,4 Jésus sort — exêlthen — de quelque part pour rencontrer les soldats). En effet, les pressoirs à olives ne sont en usage que pendant l’automne et l’hiver, après la récolte des olives. Au printemps (saison de la Pâque), les grottes des pressoirs d’olives sont employées comme dépôts. Jésus y aurait trouvé un endroit accueillant pour passer la nuit : sec et spacieux, avec de l’eau sur place. Vu la fraîcheur des nuits à cette époque, les disciples n’ont probablement pas passé la nuit en plein air, Jésus a pu être arrêté dans la grotte de trahison, après avoir prié sur le site de l’actuelle « église des Nations », peut-être sur l’un des affleurements rocheux qui s’y trouve.
Plus succintement, le toponyme désigne un jardin situé au bas du versant ouest du mont des Oliviers (voir Repères historiques et géographiques 2S 15,30 et suiv.) faisant face à la vallée du Cédron (ou « vallée de Josaphat »), où Jésus pria pendant que ses disciples dormaient, avant d'être arrété suite à la trahison Juda.
Un bel olivier du Jardin des Oliviers des pères franciscains, à Gethsémani, vers 1910. Un dominicain donne l’échelle du gros tronc noueux. À l’époque, aucune église latine n’avait été reconstruite à Gethsémani, et le terrain franciscain n’est qu’un grand jardin. Le cliché est pris d’ouest en est, l’arrière-plan étant le grand mur d’enceinte des moniales russes de Gethsémani, Ste Marie-Madeleine.
Le site traditionnel de l’agonie se trouve tout près de l’ancien chemin conduisant du Temple au sommet du →mont des Oliviers. Plusieurs marches de ce chemin, coupées dans le roc, ont été trouvées dans la propriété de l’église russe de Sainte Marie-Madeleine, au-dessus du site aujourd’hui vénéré comme le « jardin des oliviers ».
Les oliviers de ce jardin, très anciens, ne datent probablement pas du temps de Jésus :
Une première église fut construite entre 379 et 384. Elle était « élégante » (→ 36,1) et centrée sur un affleurement du rocher. Elle fut pillée par les Perses en 614 (le pèlerin Willibald, vers 724/725, est le dernier à la mentionner) et détruite par un tremblement de terre une vingtaine d’années plus tard. Itin.
Après un oratoire provisoire, les croisés érigèrent une nouvelle église vers 1170. Ils changent un peu l’orientation de l’édifice, afin d’avoir un affleurement du rocher dans chacune des trois absides, pour faire mémoire des trois supplications de Jésus pendant l’agonie. Après le milieu du 14e s., on perd la trace de cette église.
L’actuelle basilique de « Toutes-les-Nations », érigée par les franciscains entre 1919 et 1924 après des fouilles, fait la synthèse des deux premières. Tradition chrétienne Mt 26,36a
Non loin de l’église se trouve la « grotte de la trahison » (conservée par la custodie des franciscains depuis 1392), aujourd’hui transformée en chapelle, où l’on commémore le baiser de Judas à Jésus. On atteint cette grotte par un long corridor, à droite de la cour conduisant au tombeau traditionnel de la Vierge Marie.
L’entrée originale de la grotte, très large (5 m), est au nord. Dès avant la période byzantine, la grotte naturelle fut élargie, mesurant environ 11 m sur 18. Son sol était 1 m au-dessous du niveau actuel. Entailles et cavités dans le roc suggèrent que la grotte fut peut-être employée pour la pression des olives, d’où viendrait le nom Gethsemanê (Vocabulaire Mt 26,36a ; Repères historiques et géographiques Mt 26,36a). Un trou taillé dans le mur sud (à droite de l’autel actuel) est à la hauteur convenable pour fixer la poutre d’un pressoir. À la poutre étaient reliés des poids permettant la pression. (Les pressoirs d’olives à Maresha — quelques siècles av. J.-C. — présentent des pierres de 140 à 500 kg.) Il ne peut pas s’agir d’un pressoir à vin, car de tels pressoirs ne se trouvent jamais au sous-sol ; en revanche, on a plusieurs exemples d’anciens tombeaux taillés dans le roc, réemployés comme pressoirs à huile : la température plus chaude aide le processus de pression.
La grotte actuelle présente :
Des récits de pèlerins du 6e s. jusqu’au Moyen Âge évoquent quatre couches taillées dans le roc de la grotte :
Cela peut avoir partie liée avec les restes de deux pressoirs encore visibles en ce temps-là, interprétés comme les lits des apôtres durant l’agonie. En effet, un pressoir à olives comporte deux couches pour supporter la poutre (cf. les couches des pressoirs à Maresha ont ca. 1 m de large et 1 m de haut, trois personnes peuvent se mettre dessus). Une de ces « couches » dut disparaître vers la fin du 6e s.
Il y avait aussi deux citernes dans la grotte.
Quelques détails textuels, dans les narrations évangéliques des épisodes de l’agonie et de l’arrestation, suggèrent en effet qu’ils se déroulèrent en un lieu dédoublé. Cf. pour Mt : Procédés littéraires Mt 26,36ac.39a.42a ; pour les autres : Lecture synoptique Mt 26,36a ; Lecture synoptique Mt 26,36c.39a.42a. Le lieu saint actuel peut bien être le lieu historique (thèse de Joan E. Taylor).
Le tombeau traditionnel de la Vierge Marie est situé dans la crypte d'une ancienne église romane dont ne subsistent qu'un ensemble de pierres monumentales conservées au musée d'Israël. Sur place, on peut observer :
36s L'agonie de Jésus L'épisode d'angoisse et de solitude du Christ inspira de nombreux auteurs :
"S'il est vrai qu'au Jardin sacré des Ecritures,—— Le Fils de l'Homme ait dit ce qu'on voit rapporté ;—— Muet, aveugle et sourd au cri des créatures,—— Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,—— Le juste opposera le dédain à l'absence—— Et ne répondra plus que par un froid silence—— Au silence éternel de la Divinité."
"Ils dormaient. "Mes amis, savez-vous la nouvelle ?—— J'ai touché de mon front à la voûte éternelle ;—— Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours !—— Frères, je vous trompais. Abîme ! abîme ! abîme !——— Le dieu manque à l'autel où je suis la victime...—— Dieu n'est pas ! Dieu n'est plus !" Mais ils dormaient toujours !..."
"Alors il s'éloigna de près d'un jet de pierre,Et se mit à genoux, et fit une prière.—— Il resta longtemps seul et comme plein d'effroi.—— Il disait: - « Ecartez ce calice de moi,—— « Seigneur! S'il faut mourir pourtant, que la mort vienne!—— « Que votre volonté soit faite, et non la mienne. »—— Le reste dans le ciel ténébreux se perdit. —— Les disciples dormaient. Christ revint, et leur dit: —— - Quoi donc! vous n'avez pu même veiller une heure!—— Il reprit: —— - C'est ainsi qu'il convient que je meure.—— Cela doit être, et nul au monde n'y peut rien.—— Je suis venu pour être abandonné. C'est bien.—— Il faut qu'on me rejette ainsi qu'un misérable. —— On distinguait au loin le temple vénérable—— Bâti par Salomon sur le mont Moria. —— - Pardon pour tous! dit Christ. Mais Pierre s'écria: —— - Si quelqu'un vous délaisse et vous quitte, ô mon maître, —— Ce ne sera pas moi, car je suis votre prêtre. —— Que le tombeau pour vous s'ouvre, j'y descendrai. —— Jésus lui répondit, calme, tandis qu'André,—— Jude et Thomas tournaient vers lui leurs têtes grises: —— - Vous m'aurez renié, vous Pierre, à trois reprises —— Que le coq n'aura pas encor chanté trois fois. ——"
36–46 J'attends la mort comme en Gethsémani
Dans ce morceau composite (« Mosaïque ») aux accents mystiques et religieux forts,
traite de son rapport aux autres et du sentiment de solitude qui l'habite depuis son accession au statut d'artiste, thème récurrent chez les rappeurs, notamment sur le mode de l'hypocrisie des relations et de la trahison. Pour exprimer ce sentiment d'abandon et de solitude, il recourt à la figure du Christ isolé et à l'agonie à Gethsémani, attendant avec angoisse la trahison de Judas, l'arrestation, la torture et la mise en croix. Ainsi, commence son morceau en écrivant :M'd'mandez pas c'que je fais dans la vie / C'est si noir, vous s'rez pris de panique / Quelque part, loin de toute compagnie / Batterie Faible m'a fait perdre beaucoup d'amis / Me serre pas la main, fais-moi un #Vie / J'attends la mort comme en Gethsémani.
Les deux premiers vers peuvent faire à la fois écho à son passé sombre aux yeux de la société (cf. le morceau « Débrouillard » dans son album précédent Batterie Faible, d'où est issu le premier vers : D'mandez pas c'que je fais dans la vie / J'suis fonce-dé avec 2-3 you-vois du quartier / J'fume un pilon sur l'toit de la ville), mais également à sa carrière d'artiste, qui le conduit dans des milieux dangereux (ceux du show-business et des maisons de disque), ou dans les tréfonds de l'âme humaine par son travail d'écriture.
Après cet avertissement apotropaïque accentué par l'intensif si noir et l'évocation d'un sentiment fort tel que la panique, placée en fin de vers,
introduit alors le thème de la solitude, en premier lieu à travers l'isolement spatial : le Quelque part, lieu qui préfigure l'arrivée de Gethsémani, est placé en tête de vers, au point qu'on pourrait le confondre avec une locution à valeur logique (quelque part pouvant être l'équivalent à l'oral de « de toute façon »), mais cette ambiguïté est immédiatement levée par la suite : loin de toute compagnie.À l'isolement spatial succède l'isolement social, conséquence étroite et directe de sa nouvelle vie d'artiste, puisque c'est son premier album même, Batterie Faible, qui l'a conduit à de nombreuses trahisons en raison d'un « manque de reconnaissance » dont il aurait fait preuve envers certains de ses proches (cf. Commentaire de Damso à ce sujet→). Ces trahisons et ce sentiment d'abandon le conduisent donc à refuser la poignée de main traditionnelle, symbole d'une alliance ou d'un lien qui s'est avéré décevant, pour lui préférer le #Vie, signe de la main popularisé par l'artiste lui-même dans l'un de ses morceaux précédents, « BruxellesVie », comme un nouveau signe de paix, qui pourrait annoncer une fois de plus en filigrane la figure du Christ.
Cette dernière apparaît donc en point d'orgue de ces six vers, dans une acmè caractérisée par l'agonie, cette « attente de la mort » qui caractérise les instants du Christ à Gethsémani. Ainsi, les développements des vers précédents annonçaient en creux un parallèle avec la figure du Christ à l'agonie : la solitude du destin prophétique/messianique, l'isolement dans l'espace (Mt 26,36), puis la trahison et l'abandon des amis (Mt 26,20,25 ; 26,30-35) et le refus d'un signe d'affection trompeur (Mt 26,48-50). Ainsi, la mention de Gethsémani, lieu qui renvoie de façon précise à la vie du Christ, vient clore le parallèle établi entre la solitude et le sentiment d'abandon de l'artiste et celui de Jésus à ses derniers instants.
36–46 L’agonie du Christ à Gethsémani Dans l’art occidental et dans des cycles christologiques, l’abondante iconographie emprunte aux différents évangiles synoptiques (celui de Jn se faisant moins volontiers le support d’une représentation imagée), sans se limiter à un seul évangile (Lecture synoptique Mt 26,36–46).
L'épisode est peu présent en tant que tel dans les images antiques, qui préfèrent au cycle de la passion les miracles du Christ. Il arrive cependant que la scène dans le jardin de Gethsémani soit évoquée. Parmi les plus anciens exemples références se trouvent :
Toutes les parois de la boite sont sculptées. Le couvercle, face la plus importante, présente les plus grands reliefs, avec cinq scènes de la Passion du Christ en deux registres et un petit registre supérieur avec une frise d’oiseaux. Jésus au jardin de Gethsémani —— Arrestation —— Trahison de Pierre, avec le coq —— Jésus devant Anne et Caïphe —— Ponce Pilate se lave les mains.
Cette époque favorisa une iconographie beaucoup plus littérale et exégétique que celle développée par les artisans ravennates.
Considéré comme le plus ancien des manuscrits illustrés du Nouveau Testament, le Codex Purpureus Rossanensis, ou L'Évangéliaire de Rossano, se compose de 188 folios, écrits sur deux colonnes, 20 lignes par colonne. Il présente l'Évangile selon Matthieu et l'Évangile selon Marc avec une lacune (Mc 16,14-20).
La mise en image conforme à Mt tend à disparaître, au profit de représentations du Christ agenouillé, détail de Lc 22,41 (Lecture synoptique Mt 26,39a).
Les concepteurs d’images privilégient les représentations de l'ange consolateur de Lc 22,43. Le Christ est presque toujours agenouillé en présence de l'ange, qui lui présente, ou non, un calice ou une croix :
Cette mise en image se diffuse abondamment, d'autant plus que les cycles de la passion se multiplient à partir du 13e s. Ces productions permettent la diffusion très large de la dévotion au Christ à l'agonie.
Pour autant la représentation majestueuse du Christ à l'agonie prêchant continue :
L’accent sur la solitude du Christ et la consolation apportée par les anges se renforce. La scène disparaît peu à peu des cycles de la passion, moins fréquents. Elle devient un événement isolé où s’offre à la méditation la souffrance du Christ et son consentement.
Le plus souvent les artistes mettent l’accent sur un dialogue entre le Christ et l’ange :
Aux 17e et 18e s., l’accent porte sur la consolation apportée par le ou les messagers du Père. Outre
(1590, Londres),Les œuvres de Nicolas Poussin en témoignent :
La représentation ou l’accentuation de ce détail, donné par Lc 22,43, peut aller jusqu’à l’omission ou le rejet dans l’ombre du reste de l’épisode. Se développe ainsi une iconographie représentant le Christ consolé ou servi par les anges au mont des Oliviers :
Exceptionnels, dans le corpus ancien et classique, sont les artistes qui ignorent la présence de l’ange et accentuent ainsi la solitude du Christ (
, 1502, Venise).Le nouveau Christ tourmenté des Romantiques apparaît. Outre ; (1855), les approches successives de Delacroix sont éloquentes :
(1843)Cependant, des mises en scène plus traditionnelles continuent. Outre
(1889) :Du 6e s. à nos jours, l’évolution est sensible : l’aspect dogmatique de l’Antiquité tardive, l’aspect narratif et moralisateur du Moyen Âge (où le déroulement des différents moments du passage scripturaire est d’autant plus visible que l’événement se situe sur une montagne) furent peu à peu remplacés, à partir du 15e s., par un aspect plus méditatif et contemplatif que des œuvres récentes n’ont pas démenti. La création contemporaine, dans son souci de dépouillement, est cependant parfois revenue à Mt :
26,1–27,66 Les lieux de la Passion
Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.
Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.