La Bible en ses Traditions

Luc 23,33–24,12

Byz V S TR Nes

33 Et lorsqu’ils

Vaprès qu’ils  furent arrivés au lieu appelé Crâne

ils le crucifièrent

ainsi que les malfaiteurs

Vvoleurs, l’un à droite, l’autre à gauche.

34 Jésus disait :

— Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.

Et, se partageant ses vêtements, ils jetèrent les sortsSsur eux.

35 Et le peuple se tenait là, regardant.

Les chefs aussi se moquaient Vavec eux en disant :

— Il en a sauvé d'autres :

qu’il se sauve lui-même

s’il est, lui, le Christ de Dieu, l’Élu

S, l’Élu de Dieu !

36 Les soldats aussi l'insultaient

s'approchant, ils lui offraient du vinaigre

37 en disant : 

— Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même

Vsauve-toi 

Byz V TR
S
Nes

38  Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui en caractères grecs, latins et hébreux :

« Celui-ci est le roi des Juifs. »

38  Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui en grec, en romain et en hébreu : Celui-ci est le roi des Juifs. 

38  Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui :

 Le roi des Juifs [est] celui-ci.

Byz V S TR Nes

39 L’un des malfaiteurs

Vvoleurs suspendus

Vqui étaient pendus Savec lui en croix

blasphémait contre lui, disant :

— N’es-tu pas

Byz V S TR— Si tu es le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi !

Byz S TR Nes
V

40 Mais, prenant la parole et le réprimandant, l’autre déclarait :

— Tu ne crains même pas Dieu

alors que tu es sous la même condamnation !

40 Mais l'autre, prenant la parole, le reprenait, disant : 

— Tu ne crains pas Dieu

alors que tu es sous la même condamnation ! 

Byz V S TR Nes

41 Pour nous, c’est justice ;

car nous recevons ce que nos actes méritent,

mais lui n’a rien fait de mal.

42 Et il disait Byz V S TRà Jésus :

— Jésus, souviens-toi

V— Seigneur, souviens-toi

Byz S TR— Souviens-toi de moiByz S TRSeigneur,

quand tu viendras dans ton royaume.

43  Et il

VEt Jésus

SJésus  lui dit :

— Amen, je te le dis :

Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis.

44 C'était Nesdéjà environ la sixième heure

et survint une ténèbre

Vsurvinrent des ténèbres  sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure,

Byz V S TR
Nes

45 et le soleil fut obscurci,

et le voile du sanctuaire

Vtemple fut déchiré par le milieu.

45 et le soleil s’éclipsa,

et le voile du sanctuaire fut déchiré par le milieu.

Byz V S TR Nes

46 Et criant d’une voix forte, Jésus dit :

— Père, entre tes mains je confie mon esprit.

Ayant dit cela, il expira.

47 Voyant ce qui était arrivé

le centurion glorifiait

Vglorifia Dieu en disant :

— Vraiment, cet homme était un juste !

Byz S TR Nes
V

48 Et toutes les foules, accourues ensemble à ce spectacle

ayant regardé ce qui était arrivé

se frappant la poitrine, s’en retournaient.

48 Et toute la foule de ceux qui assistaient à ce spectacle

et qui voyaient ce qui se passait, 

s'en retournait en se frappant la poitrine.

Byz V S TR Nes

49 Tous ses familiers

ainsi que des femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée

se tenaient au loin, regardant cela.

50 Et Byz V TR Nesvoici un homme, du nom de Joseph, qui était membre du conseil

Vdécurion

S, de Ramta, ville de Judée, c'était un homme bon et juste,

51 — celui-ci n’avait donné son accord ni à leur dessein ni à leur acte !

Vleurs actes ! —

il était d’Arimathie, ville des Juifs

Vde Judée,

et il attendait V lui-même  le royaume de Dieu.

52  Celui-ci, venant 

V vint vers Pilate, Vet réclama le corps de Jésus ;

53 Et l'ayant descendu, il l’enveloppa d’un linceul

Sdrap de lin

et le mit dans une tombe taillée dans le roc,

où personne encore n’avait été déposé.

54 Et c’était un jour de Préparation

et le sabbat commençait à luire. 

55 Les femmes, ayant suivi Joseph,

S s'étant approchées,

elles qui étaient venues avec lui depuis la Galilée, 

regardèrent le tombeau

et comment son corps y été déposé.

56 S’en retournant, elles préparèrent des aromates et des parfums.

Et pendant sabbat elles demeurèrent en repos selon le commandement.

24,1 Et le premier jour de la semaine, à l'aurore profonde,

Sà l'aurore, alors qu'il faisait encore sombre, elles vinrent au tombeau,

apportant les aromates qu’elles avaient préparés.

Byz S TRet il y avait avec elles d'autres femmes.

24,2 Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau.

24,3 Étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus

Sde Jésus.

Byz S TR Nes
V

24,4 Et il advint que, comme elles ne savaient qu'en penser,

voici que deux hommes se présentèrent à elles en habit éblouissant.

Et il advint que, comme elles étaient consternées par cela,

voici que deux hommes apparurent auprès d'elles en habits resplendissants.

Byz V S TR Nes

24,5 Tandis que, saisies de crainte, elles tenaient leur visage baissé vers le sol

Velles baissaient le visage vers la terre,, ils leur dirent :

— Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ?

24,6 Il n’est pas ici, Byz V TR Nesmais il est ressuscité.

Souvenez-vous comment il vous a parlé

quand il était Byz V TR Nesencore en Galilée,

24,7 disant :

— le Fils de l’homme doit être livré aux mains d’hommes pécheurs et être crucifié

et le troisième jour ressusciter.

24,8 Et elles se souvinrent de ses paroles.

24,9 Et, revenues du tombeau,

elles annoncèrent tout cela aux Onze et à tous les

Saux autres.

24,10 C’étaient la Magdaléenne Marie,

VMarie Madeleine, Jeanne, Marie Smère de Jacques

et les autres Vqui étaient avec elles,

qui rapportaient cela aux apôtres.

24,11 Mais ces paroles leur parurent comme du délire

et ils ne les croyaient pas.

24,12 Or Pierre,

SSimon, se levant, courut au tombeau

et, en se penchant,

Sregardant [à l'intérieur], il ne voit que les linceulsByz V S TRposés seuls

et il s’en alla chez lui, s’étonnant

V, s’étonnant en lui-même  de ce qui était arrivé.

Réception

Liturgie

23,46 CHANT GRÉGORIEN Répons Tenebrae

 TEXTE assemblage évangélique de la mort de Jésus

  • OHS 220-221, 5e répons des vigiles du vendredi saint (7e mode) : Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Iesum Iudaei ; et circa horam nonam exclamavit Iesus voce magna : "Deus meus, ut quid me dereliquisti" ? Et inclinato capite, emisit spiritum. V/ Exclamans Iesus voce magna, ait : "Pater, in manus tuas commendo spiritum meum" (« Il y eut des ténèbres pendant que les juifs crucifiaient Jésus ; et vers la neuvième heure Jésus s’exclama d’une voix forte "Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné" ? Et la tête inclinée, il rendit l’esprit. V/ Jésus s’écriant d’une voix forte, dit "Père, dans tes mains je remets mon esprit" »).
  • Le texte de l'office romain actuel ajoute ensuite les versets de Jn 19,34, que des versions anciennes plaçaient entre Mt 27,49 et Mt 27,50 : Critique textuelle Mt 27,49s.

MUSIQUE

 Traditionnel, Répons "Tenebrae" (Vendredi saint, Office des Ténèbres, 2° Nocturne) 

Dom Jean Claire dir., choeur des moines de l'Abbaye de Solesme, Golgotha (CD, 2005), © Abbaye de Solesmes→ ; Mt 27,45-46

Ce célèbre répons, simple récit de la mort de Jésus pris dans l’Évangile, est un pur chef-d’œuvre musical où s’expriment, avec force et simplicité, l’angoisse du cri vers Dieu et la paix confiante du dernier instant. C’est un triptyque dramatique : deux récitatifs très ornés encadrent le cri angoissé du Seigneur.

(1) Le 1er chante simplement le fait de l’enténèbrement de l’univers ; puis sa mélodie monte (et circa horam nonam), se charge de neumes, de la lourde répétition mélodique de voce magna : quelque chose se prépare !

(2) Coupure nette : attaque brusque à la sixte supérieure à Deus meus (intervalle assez rare), montée à la quarte, ce qui fait un intervalle presque direct de neuvième. Cri — ineffable douleur morale du Seigneur se sentant abandonné de tous, même de son Père dont il est pourtant le Verbe inséparable ! — La voix ne s’appesantit pas sur ce porrectus, bondit au sol aigu à atteindre aussi doucement que possible. Puis elle en appelle douloureusement au Père : ut quid me dereliquisti, d’un accent si chaud, si aimant qui se pose sur le si, donnant l’impression de quelque chose qui ne finit pas. Silence.

(3) Le récit reprend. Attaque sur le fa, par un triton direct, pianissimo, accusant le changement de modalité. La courbe mélodique de et inclinato capite imite le mouvement de la tête qui doucement s’incline. Grande montée douce sur emisit spiritum, et retombée de quinte sur la tonique. 

23,38 PARALITURGIE Reliques de la passion : le titulus de Pilate PARALITURGIE Les reliques de la passion→

Titulus Crucis, relique (gravure sur bois de noisetier, 25 x 14 x 2,6 cm, 1er s.-11e s. ?)

Exposée depuis 1492 dans la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem, Rome © D.R.→ 

Histoire

Depuis 1492, date de sa découverte lors de restaurations dans la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem à Rome (cachée dans une brique marquée TITVLVS CRVCIS), et 1496, date à laquelle le pape Alexandre VI le déclara authentique, on vénère à Rome une tablette de bois de noisetier portant une inscription, comme l’écriteau même placé sur la croix de Jésus. Part du trésor rassemblé par l’impératrice Hélène dans la chapelle de sa demeure devenue la basilique, elle y aurait été cachée vers 455 pour la protéger des invasions wisigothiques.

Caractéristiques

La tablette mesure 25 cm sur 14 cm ; son épaisseur est de 2,6 cm ; elle pèse 687 g et fut attaquée par divers parasites. Une des faces est grossièrement gravée de lettres sur trois lignes : sur la première, des caractères hébraïques très abîmés ; sur la deuxième et sur la troisième, des mots grecs et latins.

Étude scientifique

Plusieurs paléographes et épigraphistes concluent à une certaine authenticité.

  • Les écritures sont datables entre le 1er et le 4e s. ap. J.-C. ;
  • l’araméen de la première ligne peut être reconstitué comme Yšw nṣr m m = Yešû naçarâ malkékōm (« Jésus le Nazaréen, votre roi ») ;
  • les inscriptions diffèrent de toutes les versions évangéliques : NAZARENYS B et US NAZARENUS RE ne correspond à aucun évangile (notamment pas à Jn 19,19, le plus explicite), comme on aurait pu s’y attendre s’il s’agissait d’une forgerie ;
  • le grec et le latin sont écrits de droite à gauche, comme l’araméen. Cela peut correspondre à l'origine du soldat-scribe grossier de l'écriteau (les soldats des troupes auxiliaires étaient recrutés dans les Provinces, vraisemblablement en Syrie, pour la Palestine : Armée romaine au 1ersiècle→. Sémites, ceux qui savaient écrire le faisaient de droite à gauche). 

Cf. Rigato Maria-Luisa, Il titolo della croce di Gesù. Confronto tra i vangeli e la tavoletta-reliquia della basilica Eleniana a Roma (Tesi Gregoriana. Serie teologia 100), Rome : Editrice Pontificia Università Gregoriana, 2005. 

Historicité

Cet objet est-il un morceau de l'écriteau authentique du Christ ? La datation au carbone 14 donne le 11e s. comme période probable (cf. Bella Francesco et Azzi Carlo, « 14C Dating of the 'Titulus Crucis' », Radiocarbon 44 [2002] 685-689). Si la tablette n’est pas originelle, c’est peut-être une réplique scrupuleuse d'un fragment du titulus originel.

Titulus Crucis (essai de reconstitution) © D.R.→ 

Elle constituerait ainsi le premier témoignage écrit sur Jésus.

Musique

23,34–46 Les sept paroles du Christ en croix

21e s.

« The Seven Last Words op.36 »

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), The Seven Last Words op. 36, 2015

Jenny Spanoghe (alto)

© Kris Oelbrandt→, Lc 23,34-46 Jn 19,26-30 Mt 27,46

Composition

La solitude de Jésus sur la croix est traduite dans l'effectif de cette composition: un violon (ou alto) non-accompagné, abandonné par tout le monde, sans contact avec la terre. La pièce suit les sept dernières paroles à travers sept miniatures. Un "motif de croix" reconnaissable sert comme ponctuation entre les paroles: un accord très court et fort (verticalité) suivi d'une longue seconde soutenue douce (horizontalité).

  • I. (00:00 - 00:40)

La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ...") est un jeu très virtuose, diabolique, on dirait fou, dépeignant ceux qui "ne savent pas ce qu’ils font."

  • II. (00:40 - 02:12)

Dans la deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.") deux voix chantent librement et paisiblement ensemble.

  • III. (02:12 - 03:50)

La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) se traduit en une valse noble, intime, pleine d'une joie intérieure.

  • IV. (03:50 - 05:19)

Apogée et centre pivot des sept paroles, la quatrième parole "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est mis en musique en glissandi répétés de dissonants criants dans le suraigu.

  • V. (05:19 - 07:20)

"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) est évoqué par des sons expérimentaux, imitant des gémissements et des souffles secs.

  • VI. (07:20 - 08:01)

"Tout est accompli" (Jn 19,30: sixième parole) est reflété par seulement quelques harmoniques, ne donnant que les contours d'une mélodie presque évaporée. 

  • VII. (08:01 - 10:05)

La septième parole (Lc 23,46:  "Père, entre tes mains je remets mon esprit." - voir aussi Ps 31,6) est une mélodie sereine, dépassionnée.

« Septem verba Christi op.38 »

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), Septem Verba Christi op. 38, 2015

Abdij Maria Toevlucht

© Kris Oelbrandt→, Lc 23,34-46 Jn 19,26-30 Mt 27,46

Composition

Motets en latin sur les sept dernières paroles du Christ en croix. Contrairement aux «The Seven Last Words» qui sont très atonaux et expressionnistes, les «Septem verba Christi» sont dans un langage néo-modal.

  • I. (00:00 - 01:12)

La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ..."; "Pater, dimitte illis ...") se concentre sur la proclamation tranquille, paisible du texte.

  • II. (01:12 - 02:00)

La deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."; "... Hodie mecum eris in Paradiso") est plus mélismatique, évoquant l'atmosphère céleste.

  • III. (02:00 - 03:06)

La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) devient évident avec des mélismes à deux voix, un fleuve tranquille de deux mélodies qui coulent ensemble.

  • IV (03:06 - 03:59)

La quatrième parole "Deus meus, ut quid dereliquisti me?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est le centre pivot des sept paroles. C'est pourquoi elle est traitée de manière spéciale, c'est-à-dire dans un langage plus atonal, donnant expression aux mots dramatiques de Jésus. Les dynamiques sont également plutôt dans le forte, tandis que les autres se situent dans les dynamiques douces.

  • V. (03:59 - 05:00)

"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) n'est en latin qu'un seul mot: sitio. Des quintes ouvertes et une pédale sur "si" (à la fois la syllabe et la note musicale) créent une atmosphère de désert.

  • VI. (05:00 - 05:59)

"Tout est accompli", "consummatum est" (Jn 19,30: sixième parole) est une longue séquence d'harmonies qui glissent de manière chromatique en bas.

  • VII. (05:59 - 07:42)

La septième parole (Lc 23,46:  "Père, entre tes mains je remets mon esprit."; "Pater, in manus tuas comendo spiritum meum." - voir aussi Ps 31,6) reprend la musique de la première parole, les deux commencant par l'acclamation "Pater".

Partition→

Arts visuels

Mt 27,59 ; Jn 19,40 ; Lc 23,53 ; Mc 15,46 l'enveloppa d'un drap Saint Suaire

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Saint Suaire de Turin (17e s.), reliquaire à papiers roulés, France

© Photo : Trésors de ferveur→

Description

Au centre, accompagnée de l'inscription Il verissimo ritratto del Santissimo Sudario (représentation véridique du Saint Suaire), se trouve une reproduction fidèle de la relique contenue dans le reliquaire : le fameux linceul dans lequel le Christ aurait été enveloppé avant d'être mis au tombeau. À gauche, la colonne de la flagellation ; à droite, la croix ainsi que deux des instruments de la Passion, l'éponge au bout du la branche d'hysope et la lance de laquelle un soldat aurait transpercé le corps du Christ selon Jn 19,34.

Art contemporain

Szymon Ryczek (1991 - ), Sans titre, (linogravure, 2020), (120 x 80 cm)

© Courtesy Vera Icon→, Mc 15,46

Liturgie

23,33 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station

CONTEMPLATION Jésus cloué sur la croix

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 11 — Jésus est cloué à la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,35-44 ; Mc 15,23-28 ; Lc 23,33 ; Jn 19,18

 Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.

Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.

C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.

Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.

On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)

23,44–48 PARALITURGIE Chemin de croix : douzième station

CONTEMPLATION Jésus et les ténèbres autour de la croix jusqu'à la fin du monde

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 12 — Jésus meurt sur la croix, entouré de trente saints polonais, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 234 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Mt 27,45-50 ; Mc 15,33-39 ; Lc 23,44-48 ; Jn 19,25-30

Jésus meurt sur la croix : il est étendu sur la croix, et il est étendu sur la Pologne ; sur toute l’histoire de la Pologne. Ce qui va des premiers martyrs jusqu’à Jean-Paul II. L’artiste meurt en 2004 ; Jean-Paul II est mort en 2005. Et lorsqu’on voit Jean-Paul II au pied de la croix, ce n’est pas simplement un portrait de Jean-Paul II, c’est le portrait de l’Eglise ; et la multitude de croix, ce foisonnement de croix au fond, manifeste que tous ceux qui sont saints et tous ceux qui sont baptisés portent la croix. Et toujours Marie au pied de la croix : l’icône de Notre Dame de Czestochowa. Il y a une intelligence de cette présence, de cette vie et de ce Christ dont le sang coule toujours sur ce peuple ; et ce peuple a aussi, avec d’autres, versé son sang pour la patrie. C’est donc effectivement le Golgotha de Jasna Gora, le Golgotha du sanctuaire de la Pologne. Comme disait Jean-Paul II, Jasna Gora, le sanctuaire, c’est le lieu de la liberté des Polonais. Tout est mêlé, associé : on voit Saint Venceslas, on voit la multitude des saints et des saintes, des ermites, des pasteurs, des prêtres, des fidèles qui sont là, tout le peuple est en marche parce qu’une nation n’existe qu’à travers et que par son histoire. Et Marie dans sa fidélité associe cette présence, où l’Emmanuel qu’elle porte, cet enfant Jésus, prouve sa révélation dans la croix. (J.-M. N.)

23,50 PARALITURGIE Chemin de croix : treizième station, Jésus est descendu de la croix

Peinture française du 20e s.

George Desvallières (1861-1950), Treizième station : Jésus est déposé de la Croix (huile sur toile marouflée, 1931), 150 x 361 cm

Eglise Sainte-Barbe→, Wittenheim

 © P. Lemaitre

La descente de Croix de l’église, couvrant une partie du bas-côté droit de la nef, révèle l’« horreur tragique » (Ritter). Au pied de la Croix, Marie-Madeleine, tend ses mains jointes vers Jésus, et Marie, évanouie, tombe, la face douloureuse renversée vers son Fils dont le visage invisible est volontairement tourné vers la Croix. La toile est exposée au Salon des Tuileries et remarquée par tous les critiques avant de partir à Wittenheim. « Simple hasard, évidemment, mais enfin il n’y a que peu d’œuvres proprement religieuses au Salon des Tuileries. Peu d’œuvres... et toutefois deux chefs-d’œuvre nous arrêtent dès l’entrée. Ce sont deux panneaux de notre grand et cher Desvallières, stations d’un Chemin de Croix pour une église d’Alsace ». Maurice Brillant rappelle les deux toiles découvertes au dernier Salon d’automne. Maurice Denis choisit d’illustrer, entre autres son livre Histoire du monde religieux avec cette station peinte par Desvallières à propos duquel il écrit : « Au courant Romantique, celui qui s’apparente au baroque, au Greco, à la piété espagnole, impossible de ne pas y rattacher l’oeuvre immense de George Desvallières, le représentant génial du lyrisme et du mysticisme d’après-guerre, l’un des plus grands noms de l’art d’aujourd’hui. Il avait peint un Christ à la colonne, un Sacré-Cœur pathétique comme un Grünewald. Mais c’est après quatre années de vie héroïque face à l’ennemi dans un secteur des Vosges, qu’il a peint son Drapeau de Sacré-Cœur (à Verneuil-sur-Avre), plusieurs ex-voto, plusieurs Chemins de Croix. » (Denis, 1939, p. 297)

George Desvallières (1861-1950), Treizième station : Jésus est descendu de la Croix (huile sur toile marouflée, 1935), 125 x 252 cm

Eglise du Saint-Esprit→, Paris 12e arrdt.

© P. Lemaitre

Cette station pathétique se déploie sous la grande fresque d’A.-H. Lemaître, L’Église qui anime l’ordre social par la charité. Après sa mort, le Christ est descendu de la croix avec des cordes dans une composition mêlant l’horizontalité du corps de Jésus à la verticalité des échelles et des pieds des deux croix. Comme à Wittenheim les deux bras pendants du Christ encadrent la figure de sa mère. La Vierge de douleur montre son visage de face, alors que Marie-Madeleine renverse sa tête vers l’arrière et saint Jean soutient le corps du Christ à côté d’elle.

21e s. CONTEMPLATION Une actualisation polonaise

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 13 — Jésus est descendu de la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Ga 4,4-5 ; Mt 27,57-59 ; Mc 15,42-45 ; Lc 23,50-53 ; Jn 19,38-42

Il y a là une idée spirituelle de génie, où l'on retrouve l’icône de Notre-Dame de Czestochowa : c’est le thème de la Pietà, c’est à-dire la descente de croix, où Marie porte le Christ soutenu sous les aisselles par une main qui sort de l’icône : Marie donne cette main, alors que de cette main elle montrait l’enfant Jésus, pour révéler que cet Emmanuel, c’est Dieu au milieu de ce peuple. Et la tête du Christ mort est à la place de l’enfant, avec son auréole ! Un ermite blanc, tonsuré, soutient l’icône : le sanctuaire de Czestochowa est confié à un ordre religieux, les Paulins, et c’est l’habit de chœur des Paulins. Et l’on voit des soldats, derrière, et aussi un soldat à genoux, avec le sabre dans son dos : il risque d’être exécuté… Mais il y a des soldats qui ressemblent à des cadavres, des soldats morts, exécutés.

Le Christ regarde, il porte tout cela, il porte à la fois ceux qui exécutent et ceux qui meurent. C’est bien pour cela que lorsqu’on prie pour les victimes, il faut aussi prier pour les bourreaux, pour leur conversion. La main tendue de cette Mère qui présente le Christ est prière, et lorsqu’on prie Notre Dame de Czestochowa, on prie à travers et par tout ce chemin de croix.

Ainsi les choses s’accomplissent, ainsi la vie se révèle, ainsi tout se dit : Marie est là, Marie est présente, mais ce n’est pas que Marie, c’est Marie mère de Dieu et mère de l’Église, et c’est l’Église qui porte le Christ souffrant, pour porter toute souffrance. (J.-M. N.)

23,34 PARALITURGIE Chemin de croix : (neuvième et) dixième station

Peinture française du 20e s.

George Desvallières (1861-1950), Neuvième et dixième stations : La troisième chute et Le dépouillement du Christ (huile sur toile marouflée, 1931), 150 x 360 cm

église Sainte-Barbe→, Wittenheim 

© P. Lemaitre

Les deux stations réunies couvrent une partie du bas-côté droit de la nef. Le Christ tombe, sur le globe terrestre, pour le monde entier, puis est dépouillé de ses vêtements par un bourreau. « De l’affaissement universel, seul, émerge le bourreau - bêtise et bassesse - la foule ! Il vient de dépouiller Jésus. Son ricanement insulte à la nudité minable de ce corps que blêmit et raidit une mort anticipée, acceptée. [...] En vérité, le peintre qui a équarri cette forme douloureuse a souffert, en son âme et sa chair. Il a souffert en peignant la Face effrayante et si douce, brouillée par la douleur, où s’enfoncent, à grands trous d’ombre, la bouche et les yeux. Il s’est substitué au Christ et il a prévu toutes les calamités, tous les maux qui allaient frapper l’homme. Car, dans un pieu, planté au premier plan de son Dépouillement de Jésus, j’ai salué une vieille connaissance, le piquet de réseau. Son obliquité, due sans doute à quelque éclatement voisin et l’enroulement d’une liane précisaient la ressemblance. J’ai interrogé l’artiste. Ainsi l’avait-il voulu. L’étroite et cruelle ressemblance du fil de fer barbelé et de l’épine était apparue, impérieusement, au commandant Desvallières, un jour que, dans une tranchée de première ligne, il ramassa cinquante centimètres de fil de fer barbelé, tressés en couronne. Il a connu, soudain, que ce symbole de la férocité humaine pouvait au front du Christ remplacer l’épine. Ceci l’a persuadé de ne pas séparer le meurtre de son Dieu du souvenir de l’affreuse tuerie. À propos de celui-là, il a évoqué celle-ci. Ce piquet, Jésus le prévoit et il ajoute à sa misère. » (Vallon) Oui, le peintre place, au premier plan à droite, le piquet de réseau de fil de fer barbelé des champs de bataille, façon de rappeler les souffrances des poilus, associées à la souffrance du Christ. Le large déploiement sur la gauche du grand manteau rouge, rappel de la pourpre impériale, sur lequel le corps blanc de Jésus se démarque, symbolise, malgré le ricanement du bourreau, la dignité du Seigneur dans l’épreuve.

George Desvallières (1861-1950), Neuvième station : Jésus tombe pour la troisième fois (huile sur toile marouflée, 1935), 125 x 250 cm

église du Saint-Esprit→, Paris 12e arrdt.

© P. Lemaitre

Cette troisième chute du Christ lui semble fatale : Il est tombé face contre terre, et la Croix, bascule en avant, écrasant ses deux bras. Au loin, sur la gauche, la silhouette de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, symbole pour l’artiste croyant de la compassion du Christ à toutes les misères humaines, apparaît devant un coucher de soleil qui illumine tout le fond de la toile. Au-dessus, la grande fresque lumineuse d’André Meriel-Bussy représente quatre grands témoins chrétiens, sainte Jeanne d’Arc et saint Michel encadrés par sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Marguerite. Une variante de cette scène, CR 2331, a été peinte par Desvallières où le décor à l’arrière-plan est foisonnant de détails. Cette autre version a été acquise dès l’origine par le musée du Luxembourg.

Peinture polonaise du 21e s.

CONTEMPLATION

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 10 — Jésus est dépouillé de ses vêtements, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Ph 2,5-11 ; Mt 27,35-36 ; Mc 15,24 ; Lc 23,34 ; Jn 19,23-24

Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)

23,53–56 PARALITURGIE Chemin de croix : quatorzième station, Jésus est mis au tombeau

CONTEMPLATION Une actualisation polonaise

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 14 — Le Christ au tombeau, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Jn 19,41-42 ; Mt 27,57-61 ; Mc 15,46-47 ; Lc 23,50-56

Le Christ au tombeau : dans quel tombeau ? Il est dans le tombeau des camps de concentration. On y voit les fils barbelés ; on y voit les livres qui ont été brûlés, des livres où l’on a voulu effacer la mémoire de la vie. Des cierges entourent Celui qui est au tombeau, enfoui dans l’horreur de cette humanité. Dans ce fatras de piliers qui encerclaient les hommes à l’intérieur des camps et dont plusieurs ont la forme de croix, tout s’écroule, mais aussi tout se libère. Car c’est bien dans le tombeau que tout se libère. Aujourd’hui au cimetière polonais d’Oswiecim, c’est la montagne des croix profanes : on voit une montagne où sont plantées une succession de croix, de croix qui disent la vie des êtres, de communautés, l’histoire de ceux et de celles qui ont combattu pour la liberté, des croix que l’on dépose encore. Les croix de la mémoire qui ne sont pas simplement un enfouissement au cœur de la mort, parce que si on regarde une croix, c’est parce qu’on a foi en la résurrection : on ne croit pas en un Dieu mort mais en un Dieu vivant ! Ce troisième jour, « ô mort, où est ta victoire ? » ; « En mourant il a détruit notre mort et en ressuscitant il nous a redonné la vie ». (J.-M. N.)

24,1–11 Représentations du Ressuscité

ICÔNE : Art byzantin

15e s.

Andreï Roublev, La descente aux Enfers ou Descente aux Limbes (tempera sur tilleul, 1408-1410)

Galerie Tretiakov, Moscou (Russie)

© Domaine public→

Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques (pseudo-Épiphane, Homélie pour le Samedi Saint, cité selon Hans Urs von Balthasar, Dieu et l’homme d’aujourd’hui, 1956) décrit cette descente du Christ aux enfers :

« Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla : — J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. […] Et lui ayant saisi la main, il lui dit : — Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton Fils. Lèves-toi, toi qui dormais car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image […] Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi, qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle des noces est préparée. Les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend. »

PARALITURGIE occidentale. Chemin de croix contemporain : une quinzième station !

Pour retrouver une spiritualité moins doloriste, plus authentiquement pascale, de nombreux artistes occidentaux ne s'arrêtent pas à la mise au tombeau de Jésus et ajoutent des stations à la dévotion si populaire du →chemin de croix.

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 15 — Jésus ressuscité !, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Mt 28,1-20 ; Mc 16,1-8 ; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1.11-18

Et voici la station de la Résurrection : Jésus est vivant ! Il est vivant au milieu de cette constellation, de cet univers. De haut en bas, d’un vêtement blanc, de la gloire de cette blancheur ineffable, il bénit la Pologne, tout le peuple. Le Christ s’incorpore au corps de la nation ; de cette force et de ce regard, de cette intensité et de cette puissance. Mais l’artiste va encore poursuivre le commentaire. Et là, il va dépasser les stations traditionnelles d’un chemin de croix. (J.-M. N.)

Musique

23,43 Aujourd'hui tu seras avec moi L'espérance au cœur du memento mori de Jean-Sébastien Bach : son Actus Tragicus (BWV 106) Cette parole joue un rôle-clé dans la cantate de Jean-Sébastien Bach nommée Actus Tragicus (BWV 106). Presque à la fin de cet étonnant memento mori, composé à Mühlhausen entre septembre 1707 et juin 1708, alors qu'il était âgé d'à peine vingt-deux ans, la promesse de Jésus résonne comme une promesse de bonheur ultime.

Johann Sebastian Bach (1685-1750), Cantate Gottes Zeit..., dite 'Actus Tragicus' - BWV 106,  1707-1708,

Enregistré le 16 mai 2015, Oostkerk, Middelburg, Pays-Bas .  Jos Van Veldhoven dir. ; Netherlands Bach Society : Dorothee Mields, soprano ; Alex Potter, alto ; Charles Daniels, tenor ; Tobias Berndt, basse) — Plus d'informations sur BWV 106 et cette production ici→ 

© Licence YouTube standard, Gn 2,17 ; Is 38,1 ; Lc 2,29-32 ; Lc 23,43 ; Ap 22,20

Sommaire (Texte et traduction complets de la cantate ici→)

0:00 Sonatine — 2:42 Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit (Chœur) — 4:49 Ach, Herr, Lehre uns bedenken (Arioso) — 7:06 Bestelle dein Haus (Aria) — 8:11 Es ist der alte Bund (Chœur et arioso) — 12:00 In deine Hände (Aria) — 14:19 Heute wirst du mit mir im Paradies sein (Arioso) — 17:55 Glorie, Lob, Ehr und Herrlichkeit (Chœur).

Un memento mori vétéro- et néo-testamentaire

Elle comprend deux parties : la première envisage la mort du point de vue de l'Ancien Testament ; la seconde, du point de vue du Nouveau. La séparation de l'ancienne et de la nouvelle alliance détermine la structure symétrique de la cantate.

  • La première partie expose l'ancienne alliance (Es ist der Alte Bund) : la mort est inévitable, l'Homme doit mourir (Mensch, du mußt sterben), au temps choisi par Dieu (zur rechten Zeit, wenn er will). L'Homme doit s'y préparer. C'est ici que la sentence d'Is 38,1 résonne avec force, comme expression caractéristique de l'antique conception de la mort : « — Mets en ordre ta maison car tu vas mourir et tu ne vivras pas » (Bestelle dein Haus, denn du wirst sterben und nicht lebendig bleiben). Cette première partie s'achève sur un appel au Messie, pris en Ap 22,20 : « — Oui, viens, Seigneur Jésus, viens ! » (Ja, komm, Herr Jesu, komm !).
  • La seconde partie expose la « nouvelle alliance ». L'exemple de la mort du Christ en croix  « — Je remets mon esprit entre tes mains » (In deine Hände befehl ich meinen Geist) - est offerte à l'homme sauvé (Du hast mich erlöset). Désormais, la mort de l'homme mène à sa résurrection au Paradis : « — Aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Heute wirst du mit mir in Paradies sein Lc 23,43). Ainsi envisagée en Jésus-Christ, la mort peut être acceptée avec paix et joie et l'homme peut faire siennes les paroles du vieillard Siméon : « — Dans la paix et dans la joie je m'en vais » (Mit Fried und Freud ich fahr dahin Lc 2,29-32).