La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,27–30

G
V
S

27 Voyez de vos yeux que j’ai peu travaillé

et que j’ai trouvé pour moi-même un grand repos.

27 J’ai dirigé mon âme vers elle

et je l’ai trouvée dans la connaissance :

27 ...

27b trouvé du repos Si 6,28

28 Prenez part à l’instruction à grand prix d’argent

et vous acquerrez beaucoup d’or en elle.

28 j’ai possédé mon cœur avec elles depuis le début

c’est pourquoi je ne serai pas abandonné.

28 ...

28 Valeur de la sagesse Si 41,14 ; Pr 4,7 ; 16,16 ; Mt 13,44-46

29 Que votre âme se réjouisse de sa miséricorde

et ne rougissez pas de sa louange.

29 Mes entrailles ont été émues en la cherchant

c'est pourquoi je posséderai un excellent bien

29 ...

30 Accomplissez votre œuvre avant le temps

et il vous donnera la récompense en son temps.

30 car le Seigneur m’a donné une langue pour ma récompense

et par elle je le louerai.

31. Approchez-vous de moi, ignorants

et assemblez-vous dans la maison de la discipline !

32. Pourquoi tardez-vous encore, et que dites-vous à ceci :

— Vos âmes sont intensément assoiffées ?

33. J’ai ouvert la bouche et j’ai parlé :

— Achetez[-la] pour vous sans argent.

34. Soumettez votre cou à son joug 

et que votre âme accueille la discipline

car on peut la trouver tout près.

35. Voyez de vos yeux que j'ai bien peu travaillé

et que je me suis acquis un grand repos.

36. Saisissez la discipline, qui regorge d'argent

et emparez-vous de l'or qui abonde en elle !

37. Que votre âme trouve sa joie dans sa miséricorde !

Et vous ne serez pas confondus en la louant.

38. Faites votre œuvre avant le temps

et il vous donnera votre récompense en son temps. 

Chapitre 52

1. Et Salomon fléchit les genoux devant toute l'assemblée d'Israël

il tendit ses mains vers le ciel et dit :

2. — Seigneur Dieu d'Israël, il n'y a pas de Dieu comme toi dans le ciel en haut

ni sur la terre en bas

3. toi qui gardes ton alliance et ta miséricorde pour tes serviteurs

qui marchent devant toi de tout leur cœur.

4. Observant pour ton serviteur David ce que tu lui avais dit 

tu as parlé de ta bouche et de ta main tu as tout achevé comme en ce jour.

5. Et maintenant, Seigneur Dieu d'Israël, maintiens ce que tu as dit à ton serviteur David, lui disant :

— Tu ne manqueras pas d'avoir un homme siégeant face à moi sur le trône d'Israël

6. si vraiment tes fils surveillent leur conduite

afin de marcher selon mes préceptes comme ils ont marché devant moi.

7. Et maintenant, Seigneur Dieu d'Israël, la parole que tu as dite à ton serviteur David s'est vérifiée :

8. si Dieu va vraiment habiter avec les hommes sur la terre

9. si le ciel du ciel ne suffit pas, certainement la maison que j'ai bâtie non plus !

10. Mais regarde vers la prière de ton serviteur

et vers sa supplication, Seigneur, pour exaucer la faveur que demande la prière

prononcée par ton serviteur devant toi :

11. que tes yeux soient sur cette maison jour et nuit

sur le lieu où tu as dit que ton nom serait invoqué ;

écoute la prière que ton serviteur prononce dans ce lieu

12. écoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël

quand ils prieront dans ce lieu

13. écoute depuis le lieu de ta demeure dans le ciel

écoute et sois propice si un homme pèche près de toi !

ICI FINIT LE LIVRE DE JÉSUS FILS DE SIRACH

30 ...

30c Sagesse de Jésus fils de Sira Si 50,27

Réception

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.). 

27s Disproportion entre effort terrestre et récompense céleste

  • Gérontius Vita Melaniae 45, en évoquant l’enseignement ascétique, se réfère à Ben Sira : « Bien petit est assurément le labeur, mais grand et éternel le repos ».

Liturgie

13–19a.20.27 Lectionnaire sanctoral romain

  • 26 novembre : Première lecture pour la fête de saint Jean Berchmans, s.j. (mort en 1621 à l’âge de 22 ans). La piété de ce tout jeune saint jésuite a bien actualisé le programme de vie contenu dans ce passage.

Texte

Critique textuelle

28a Écoutez (S) Variante syriaque Codex ambrosien : « Écoute ».

Propositions de lecture

13–30 Confession et exhortation

Structure 

  • Dans les versions grecque, hébraïque (ms.B), latine et syriaque, même si le caractère alphabétique est perdu et que l’un ou l’autre verset manquent ou sont intervertis, l’ordonnancement des deux ou trois parties demeure.
  • Chacun des trois strophes des v.13-30 culmine dans la louange (v.17b.22b.29b) ; de même pour l'héb. : autant qu’au v.29b l’on modifie širâ (ms.B) en tᵉhillâ, ou que l’on donne à širâ le sens de chant de louange. C’est le but final de toute vie de sage (cf. Si 15,10).
Confession (v.13-22)

En première partie, l'auteur raconte sa propre recherche de la sagesse. Son propos peut être scindé en deux sections :

  • l’une (v.13-17) davantage consacrée aux débuts de l’itinéraire,
  • l’autre (v.18-22) davantage à la persévérance dans la recherche au fil du temps.
Exhortation (v.23-30)

Cette seconde partie invite les « gens sans instruction », ceux qui n’ont pas encore suivi cet itinéraire de sagesse, à suivre son exemple et son enseignement.

Authenticité : ajout ou appendice ?

Considéré souvent comme un appendice, ce poème faisant l’éloge de la quête de la sagesse est bien dans la manière de Ben Sira.

  • En Si 6,18-37, il avait déjà développé une longue exhortation (sans confession préalable) invitant à une semblable recherche de la sagesse. 
  • Si 24,30-34 montrait déjà le rôle médiateur du sage dans la diffusion de la sagesse. 

L'auteur accumule ici des indices autobiographiques (Milieux de vie Si 51,13–30), exceptionnels dans la Bible. 

Critique textuelle

13–30 Présentation générale Du point de vue de la critique textuelle, ce poème final se présente différemment du reste du livre : aucun des manuscrits n’est totalement fiable.

Le grec

La version grecque, le meilleur témoin, présente plusieurs difficultés : v.15a est difficile à interpréter ; v.26c ne donne qu’un stique ; v.28a semble contredire v.25b (cf. Grammaire Si 51,28a, où la contradiction est levée).

Le latin

La Vulgate suit le grec. La plupart et les meilleurs manuscrits latins ne s’achèvent pas sur Si 51 mais sur Si 52,1-13, qui reprend la prière de Salomon de 1R 8,22-31 ; 2Ch 6,12-22. V-Si 52 n’est cependant pas le texte de ces deux passages en V mais retraduit le grec.

L'hébreu

Les témoins de l’hébreu sont problématiques :

  • le manuscrit ms.B, trouvé au Caire, est la rétroversion de la version syriaque. Cette rétroversion, qui présente des rabbinismes, est manifestement tardive. Nous ne proposons pas une traduction de ce ms.
  • le manuscrit 11Q5 (11QPsa), trouvé à Qumrân, est accidentellement incomplet. Le texte apparaît dans un rouleau constituant principalement une compilation de psaumes ou de morceaux de psaumes. Dans la seconde moitié du rouleau, entre des versets du Ps 138 et une apostrophe à Sion, figure ce poème. Il est rédigé non pas en stiques mais en continu.

À partir de toutes les versions il est possible de reconstituer le texte héb. original, en respectant le caractère alphabétique du poème (Genres littéraires Si 51,13–30). Néanmoins, en plusieurs versets cette reconstitution demeure conjecturale. La première partie (v.13-17 : Propositions de lecture Si 51,13–30) correspond à 11Q5 (11QPsa), en complétant le v.13b avec « (je l’ai demandée) et j’ai beaucoup prié » (Critique textuelle Si 51,13b).

Le syriaque

La version syriaque est une traduction assez libre de l’héb. : elle ne suit pas le caractère alphabétique du poème, saute les v.14-15ab (Comparaison des versions Si 51,13–17) et modifie des pronoms.

Genres littéraires

13–30 Poème alphabétique Le livre se conclut, comme le livre des Proverbes, par un poème alphabétique, c'est-à-dire un poème dont la première lettre de chaque verset (ou strophe selon le cas) suit l’ordre de l’alphabet. Ce procédé poétique est considéré comme recherché. On trouve d’autres poèmes alphabétiques en Ps 9-10 ; 25 ; 34 ; 37 ; 111-112 ; 119 ; 145 ; Pr 31,10-31 ; Lm 1-4 ; Na 1,2-8. Ici,

  • 11Q5 atteste le caractère alphabétique du poème dans le fragment qui est préservé jusqu’à la lettre kaph.
  • ms.B a conservé quelques versets dans l’ordre alphabétique (aleph, ḥèt, yod, mem, nun, aïn, , qoph, resh, tav), c'est-à-dire surtout dans la 2e moitié de l’alphabet.

Le caractère alphabétique du poème avait déjà été détecté sur la base de G et S, avant la découverte des mss. hébreux du Caire et de Qumrân.

Contexte

Milieux de vie

13–30 Traits autobiographiques exceptionnels La pointe du poème est une invitation à se mettre à l’école du maître, ce qui n'est pas sans parallèles : Intertextualité biblique Si 51,23–28. Il est remarquable ici que pour justifier cette invitation, les deux premières strophes soient une auto-présentation de celui qui parle. Ben Sira parle souvent de lui-même dans son livre : 

Aucun sage de la Bible avant lui n’avait agi de la sorte.

Réception

Littérature péritestamentaire

13–30 et 11Q5 : Une composition énigmatique On s’interroge sur la fonction que pouvait remplir le florilège d’extraits de psaumes et de ce poème alphabétique découvert à Qumrân.

Tradition juive

13–30 Deux œuvres appelées l’Alphabet de Ben Sira La première œuvre appelée Alphabet de Ben Sira est un opuscule qui se compose d’une liste de 22 sentences en araméen, rangées selon l’ordre alphabétique et agrémentées d’un commentaire en hébreu. Listes de sentences (au plus tôt fin de la période des amoraïm ou même la période des gaonim) et commentaire (11e s. ?) ne relèvent pas de la même composition. Il ne semble pas que l’origine de l’opuscule soit liée au poème alphabétique qui clôt le livre de Ben Sira. Il n’est même pas certain que les auteurs de ce pseudépigraphe aient lu l’œuvre de Ben Sira, même si l’on peut trouver une communauté d’esprit entre le livre et la liste. En revanche, cet Alphabet de Ben Sira atteste que la tradition juive attribuait à Ben Sira une série de sentences qui lui étaient plus ou moins étrangères, comme le montre également le Talmud de Babylone (b. Sanh. 100b). Le commentateur de la liste alphabétique des sentences attribue à Ben Sira la paternité de cinq livres, dont la Pesiq. Rab.

Le second Alphabet de Ben Sira (liste alphabétique de 22 sentences en hébreu et commentaire), postérieur au premier, rapporte une série de légendes relatives à Jésus Ben Sira, dont le récit de la naissance virginale, dans une sorte de parodie de la naissance d’un autre Jésus, de Nazareth.

Texte

Critique textuelle

23–30 (héb. reconstitution)

  • Samek Tournez-vous vers moi, insensés / et demeurez dans ma maison d’étude.
  • Aïn      Jusques à quand vous en priverez-vous / et votre âme sera-t-elle si assoiffée ?
  •       J’ai ouvert ma bouche et je dis par elle : / Acquérez pour vous la sagesse sans argent.
  • Çadé   Faites entrer vos cous dans son joug / et que votre âme porte son fardeau.
  • Qoph    Elle est proche de ceux qui la demandent / et qui donne son âme la trouve.
  • Resh    [discuté] Voyez de vos yeux : j’étais jeune (/ j’ai peu peiné) / (J’ai tenu bon en elle) et je l’ai trouvée (en abondance).
  • Shin      Écoutez (nombreux) mon enseignement / et vous acquerrez argent et or en moi.
  • Tav       [discuté] (Que) mon âme se réjouisse de mon salut (/Que votre âme se réjouisse de son salut) / et vous ne serez pas déçus (/n’ayez pas honte de mon chant/de le louer).

Réception

Intertextualité biblique

23–28 Invitations de/à la Sagesse Deux poèmes peuvent être rapprochés de celui-ci : Pr 8,4-36 et surtout Si 24,3-22 font parler la Sagesse qui, pour inviter ses auditeurs à se mettre à son écoute, se présente elle-même.

Texte

Critique textuelle

29a conversion (S) Vorlage héb. ? Ms.B a traduit par yšybty. Le mot yᵉšîbâ étant un terme rabbinique, l’original hébreu devait comporter un autre mot, peut-être tᵉšûbâ, en suivant S : tybwt’ ? Mais le poème ne signale pas de faute dont Ben Sira aurait à se repentir. Supposer yᵉšû‘â « salut », plus proche de la « miséricorde » de G et V : « mon salut » ou « son salut » (c.-à-d. le salut de Dieu) ?

30b Béni soit Dieu pour toujours et loué soit son nom de génération en génération (S-30cd) Supplément ? Ce v. n’appartient ni au poème alphabétique ni davantage à la souscription (cf. ms.B : Critique textuelle Si 51,30c).

30c Sagesse de Jésus fils de Sira Ajouts héb. La souscription héb. est ainsi développée :

  • ms.B : « Jusqu’ici les paroles de Simon fils de Jésus, qui est appelé Ben Sira / Sagesse de Simon fils de Jésus, fils de Éléazar, fils de Sira. / Que le nom du Seigneur soit béni, dès maintenant et à jamais. »

30a à contretemps (S) Vorlage héb. ? S : dl’ b‘dnh, litt. « qui n’est pas en son temps ». Comment comprendre ? Ms.B a traduit bçdqh (biçᵉdāqâ) « dans la justice ». Il est le seul à ne pas mentionner l’idée du temps dans ce stique, par ailleurs parfaitement compréhensible sans changement. Faut-il s’aligner sur les versions ?

  • Certains proposent bᵉlō’ ‘ēt, proche de S, mais l’expression signifierait « sans le temps » ou « à contretemps » (cf. Si 32,4).
  • Faut-il supposer plutôt ‘ad ‘ēt « jusqu’au temps fixé » (cf. Si 20,6) ?  
  • lᵉpî hā‘ēt « selon le temps » (cf. 1QS 9,13 = 4Q259 (4QSe) 3,9, au pluriel) ?
  • lipné hā‘ēt « avant le temps fixé » ? Ce temps coïnciderait-il avec la mort (cf. Si 9,12) ? Procédés littéraires Si 51,30a

Grammaire

28a elle vaut beaucoup d’argent L'argent : moyen ou valeur ? G : en pollôᵢ arithmôᵢ arguriou. On peut comprendre :

  • « (Prenez part à l’instruction) au prix de beaucoup d’argent » (cf. V : in multo numero argenti), en contradiction avec v.25b mais conformément à la poétique de l’antithèse de tout le passage (Procédés littéraires Si 51,27 ; Procédés littéraires Si 51,30a).
  • que la préposition grecque en + datif introduise un attribut du mot « instruction ». On pourrait alors traduire : « elle vaut une fortune ! ». S’il n’y avait le 2e stique, on traduirait : « qui vaut son pesant d’or ».

30a Accomplissez votre œuvre Accusatif d’objet interne G : ergazesthe to ergon humôn ; V : operamini opus vestrum, litt. « œuvrez votre œuvre » ; comme en ms.B : m‘śykm ‘św ; S : ‘bdw ‘bdkwn.

Procédés littéraires

27 peu peiné + bien du repos — Antithèse entre les deux stiques. Comparaison des versions Si 51,27b

30 Verset de clôture : composition savante Le verset précédent (Tav = v.29) clôt le poème alphabétique de 22 lettres (Critique textuelle Si 51,13–30).

  • Comme les Ps 25 ; 34, ce poème alphabétique est suivi d’un dernier verset (v.30) devant commencer en hébreu par un (cf. Ps 25,22 ; 34,23), lisant probablement pa‘ălû (Critique textuelle Si 51,23–30).
  • Ce , avec la première lettre de l’alphabet (aleph) et celle du milieu (lamed), forme ensemble la lettre aleph, désignant l’ensemble de l’alphabet — lequel, avec son symbolisme d'exhaustivité, se trouve ainsi doublement représenté dans le poème.

30a avant le temps fixé G : pro kairou ; V : ante tempus.

Énigme

L’expression est obscure. Faut-il comprendre « pour le temps fixé » ? ; ou que « le temps fixé » dont il s’agit soit celui de la mort ? (cf. Si 11,28 pro teleutês). Critique textuelle Si 51,30a

+ en son temps (v.30b) — Antithèse

entre les deux stiques : « avant le temps fixé... en son temps ».

Réception

Comparaison des versions

27b bien du repos : G V | S : beaucoup d'elle

  • G et V renforcent l'antithèse entre les deux stiques : peu de peine pour beaucoup de repos.
  • Cette antithèse est présente en S, mais sans l’idée de repos : peu de peine pour beaucoup de découverte de la sagesse. Toute la partie « confession » du poème atteste plutôt l’effort soutenu dans la recherche de la sagesse (seul le v.16a [G V : « un peu » ; 11Q5 « à peine »] pourrait aller dans le sens d’une légèreté dans l’effort).

30c Sira Orthographe du nom propre En héb. et S, le nom de Sira s’achève par la gutturale aleph (Sîra’). G l’a translittérée par la consonne khi (Sirach), et V lui a emboîté le pas (Sirach).