La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,1–12

G V
S

VDISCOURS DE JÉSUS FILS DE SIRAC

Je te rendrai grâces, Seigneur Roi

et je te louerai, Dieu mon sauveur

Gje rendrai grâces à ton nom

...

G
V
S

car tu as été pour moi protecteur et secours.

Tu as délivré mon corps de la perdition 

du piège de la calomnie de la langue

et des lèvres des fauteurs de mensonge.

Et face à ceux qui étaient présents

tu m'as été un secours, et tu m'as délivré

je rends grâces à ton nom

car tu as été pour moi un secours et un protecteur.

...

2cd Délivrance de l'injure Ps 120,2

selon la grandeur de ta miséricorde et de ton nom

de ceux qui grinçaient des dents prêts à me dévorer 

de la main de ceux qui en voulaient à ma vie

des innombrables tribulations que j'ai subies

Tu as délivré mon corps de la perdition

du piège de la langue injuste

et des lèvres de ceux qui pratiquent le mensonge ;

et face à ceux qui étaient là tu t'es fait pour moi un secours.

...

de la suffocation du feu qui m’entourait et du milieu d’un feu que je n’avais pas allumé

Et tu m’as délivré, selon l'abondance de la miséricorde propre à ton nom

de ceux qui rugissaient, prêts à me dévorer

...

de l’abîme profond du schéol

et de la langue impure et de la parole mensongère

des mains de ceux qui en voulaient à ma vie

et des portes de la tribulation qui m’ont entouré ;

...

5a du ventre de l’Hadès Jon 2,3

calomnie d'une langue injuste envers le roi ;

mon âme s'approchait de la mort

et ma vie était proche du shéol en bas.

de la pression de la flamme qui m'a entouré

(et au milieu du feu je n'ai pas été brûlé) ;

...

Ils m’entouraient de toutes parts et il n’y avait personne pour me secourir 

je regardais vers le soutien des hommes et il n’y en avait pas.

de la profondeur des entrailles de l’enfer

de la langue souillée et de la parole de mensonge

du roi injuste et de la langue injuste.

...

7a personne pour me secourir Ps 22,12 ; Is 63,5

Et je me suis souvenu de ta miséricorde Seigneur

et de ton œuvre de toute éternité

parce que tu sauves ceux qui espérent en toi

et que tu les délivres des mains des ennemis.

Mon âme a loué le Seigneur jusqu’à la mort

...

8a je me suis souvenu Jon 2,8

Et je fis monter de la terre ma supplication

et je priai pour la délivrance de la mort.

et ma vie était proche de l’enfer en bas.

...

10 J’invoquai le Seigneur père de mon Seigneur pour qu’il ne m’abandonnât pas aux jours de ma tribulation

et au temps des orgueilleux : absence de secours.

Je louerai ton nom continuellement

et je le chanterai dans l'action de grâce.

10 Ils m'ont environné de tous côtés et il n’y avait personne pour me secourir ;

j’attendais qu'un secours me vienne et il n'y en avait pas.

10 ...

10a (héb.) Mon père, c’est toi Ps 89,27

11 Et ma prière a été exaucée

car tu m'as sauvé de la ruine

et tu m'as délivré de l'époque du mal.

11 Je me suis souvenu, Seigneur, de ta miséricorde

et de ton œuvre, qui sont depuis l'éternité

11 ...

12  C’est pourquoi je te célébrerai et je te louerai

et je bénirai le nom du Seigneur. 

12 parce que tu délivreras ceux qui t'attendent

et que tu les libères des mains des nations.

12 ...

Texte

Critique textuelle

3cd ma chute de la main (héb.) Conjecture Le texte non modifié (sl‘ wmyd) n’a pas de sens : « (ceux qui guettent) un rocher (sl‘) et de la main ». On propose de modifier en çl‘y myd.

Réception

Intertextualité biblique

12 (héb. 12a-n) Titulature Pratiquement tous les titres de Dieu dans ce poème sont une expression biblique ou ont un ancrage biblique : Références en marge.

Littérature péritestamentaire

10c jour de catastrophe et de cataclysme (héb. 10d) À Qumrân

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.). 

Texte biblique

6c ma vie était toute proche de l’enfer, en bas (V 9) Épreuves endurées par l’auteur comme allusion aux peines de l’enfer

  • Raban Maur Comm. Eccl. « Sa vie approche de l’enfer car, en défaillant, la vie de la chair approche chaque jour de la mort. Ici, on parle de l’enfer pour signifier la mort, car la mort de la chair constitue un châtiment du premier péché, de même que l’enfer représente la peine éternelle des âmes pécheresses. Personne, cependant, n’échappe à la mort de la chair. Quel est en effet l’homme qui pourrait vivre sans connaître la mort ? Voilà pourquoi il est écrit ailleurs : “Nul ne peut vivre à jamais : que [chacun] soit assuré de cette vérité” (V-Qo 9,5). Par la grâce du Christ, les hommes saints peuvent échapper au tourment de l’enfer étant donné qu’ils pérégrineront bientôt vers la joie du ciel, une fois délivrés du lien de la chair » (PL 109,1121A). Intertextualité biblique Si 51,5–9v

6c ma vie était toute proche de l’enfer, en bas (V 9) Épreuves endurées par l’auteur comme allusion aux peines de l’enfer

  • Raban Maur Comm. Eccl. « Sa vie approche de l’enfer car, en défaillant, la vie de la chair approche chaque jour de la mort. Ici, on parle de l’enfer pour signifier la mort, car la mort de la chair constitue un châtiment du premier péché, de même que l’enfer représente la peine éternelle des âmes pécheresses. Personne, cependant, n’échappe à la mort de la chair. Quel est en effet l’homme qui pourrait vivre sans connaître la mort ? Voilà pourquoi il est écrit ailleurs : “Nul ne peut vivre à jamais : que [chacun] soit assuré de cette vérité” (V-Qo 9,4). Par la grâce du Christ, les hommes saints peuvent échapper au tourment de l’enfer étant donné qu’ils pérégrineront bientôt vers la joie du ciel, une fois délivrés du lien de la chair » (PL 109,1121A). Intertextualité biblique Si 51,5–9v

Tradition juive

4b un feu qui ne fut pas allumé (héb. 5a) La géhenne Le traité Semaḥot, consacré à la mort et aux funérailles, raconte l’histoire d’un rabbin condamné à mort par le feu. Celui-ci, se basant sur Jb 20,26 (reprise ici en Si), dit préférer être consumé par un feu allumé (par l’homme) plutôt que par un feu non allumé, c'est-à-dire celui de la géhenne :

  • Sem. 8,12 « Quand ils le brûlèrent, ils l’enveloppèrent dans un rouleau de la Tora et y mirent le feu. Sa fille pleurait, se lamentait et se jeta à terre devant lui. À quoi il répliqua : “Ma fille, si c’est pour moi que tu pleures et te lamentes, sache qu’il est préférable que je sois consumé par un feu qui est allumé [de main d’homme] plutôt que par un feu qui ne l’est pas ; car il est écrit : un feu non allumé va le consumer” ».

Liturgie

1–8 Lectionnaire sanctoral romain : victoire du martyr

  • 7 août : Première lecture pour la fête de saint Sixte II, pape, et ses compagnons, martyrs en 258.

Comparaison des versions

6b s’approcha : G héb. | V : loua | S : arriva

Texte

Critique textuelle

4b de la brûlure d'un feu (héb. 5a) Conjecture ms.B : mkbwt ’š, « de l’extinction d’un feu », sens qui n’est accepté par personne : ce n’est pas de l’extinction d’un feu que Ben Sira demande d’être délivré mais du feu lui-même. Plutôt que mittôk ’ēš (« du milieu d’un feu ») ou que mibénôt ’ēš (sens analogue), on préférera la proposition mimmikwat ’ēš (mmkwt ’š « de la brûlure d’un feu »), expression attestée en Lv 13,24.

5a abîme (héb. 5b) Conjecture Ms.B préserve seulement la fin du mot : -wm. On propose les consonnes t et h en début du mot, ce qui donne tᵉhôm « abîme ».

Vocabulaire

2b fosse (héb. 2a) Ou : « destruction » Le terme šaḥat a les deux sens. À Qumrân le terme šaḥat est associé à la corruption.

9b la délivrance Sens exceptionnel G : ruseôs ; hapax dans toute la langue grecque (sauf une occurrence dans une inscription trouvée sur l’île de Kos) au sens de « délivrance » (du verbe ruomai « délivrer »). Le sens habituel du substantif rusis est « écoulement ».

10c refuse tout secours Terme rare G : aboêthêsias « manque de secours », deux occurrences dans la langue grecque : ici et chez Olympiodore le Diacre Fr. Lam. 4,3 (PL 93,752).

12 louanges (héb. 12b) Terme rare ms.B : htšbḥwt. Le terme tišbaḥôt n’est pas biblique, mais se trouve à Qumrân (1QM 4,8) et dans le Rituel de prières (avant la récitation du Šᵉma‘ le matin).

Grammaire

5b.6a lèvres méchantes + langue trompeuse — (héb. 5cd) Génitifs de qualité Litt. « lèvres de méchanceté » et « langue de tromperie » (états construits).

8cd : Il (héb.) w explicatif ms.B : wyg’lm, rendu par nos deux points ( : ).

Texte biblique

12 (héb. a-o) Psaume authentique ?  Quoi qu’il en soit de son origine incertaine (Critique textuelle), ce psaume, à la place que lui confère le manuscrit, pourrait constituer la louange que Ben Sira avait annoncée au v.12cd : il y a pleinement son sens, rejoignant la structure traditionnelle de l’action de grâces qui finit par l’action de grâces proprement dite. Genres littéraires Si 51,1–12-héb ; Genres littéraires Si 51,8–12-héb

Procédés littéraires

2–5 (G) Anaphore G : ek / apo, caractéristique du rythme oratoire.

2a .2f Chiasme G : boêthos egenouegenou boêthos.

2b.12a destruction (G) Inclusion.

6bc Mon âme + ma vie — Chiasme.

Réception

Comparaison des versions

1a Roi : G V S | héb. : Ø

1ab rendre grâces et louer : G V S | héb. : louer et rendre grâces L’ordre des deux premiers stiques est renversé.

2e–3b Et face à ceux qui étaient .... et de ton nom — G V | héb. G (v.2e-3b) et V (v.3d-4a) étendent sur trois stiques le distique de l’héb. (v.3ab) et ajoutent « de ton nom ».

8–12 Cadre énonciatif À partir du v.8, l'héb. et S désignent le Seigneur à la 3e pers. du sg., tandis que G et V, conservant le système d’énonciation précédent, continuent de lui adresser le discours à la 2e pers., sauf aux v.10a et v.12d.

11c G V | héb. S (11cd) — Versification G et V réduisent à un stique le distique de l'héb. et de S, en retenant le mot du début du premier stique et celui de la fin du second.

Texte

Procédés littéraires

1s.6 (héb.) Inclusions qui soulignent le péril mortel encouru : « ma vie » (héb. 1a.6b), « mon âme » (héb. 1b.6a), « la mort » (héb. 1b.6a »), « shéol » (héb. 2b.6b). 

Grammaire

11c fut entendue (G V) Passif théologique Cf. ms.B et S : « YYY/le Seigneur entendit ». 

Réception

Intertextualité biblique

12 (héb. 12o) Citation littérale de Ps 148,14. Grammaire Si 51,12 (héb. 12o)

4–5a feu + enfer — (V-6-7a) Le feu de l'enfer Le NT présente le lieu destiné aux personnes coupables d’injustice comme la géhenne « dans le feu qui ne s’éteint pas » (Mc 9,43) où « seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 13,42 ; cf. Mt 25,30.41). L’Apocalypse représente de façon expressive dans un « étang de feu » ceux qui se soustraient au livre de la vie, allant ainsi à la rencontre de la « seconde mort » (Ap 20,13-14). Tradition chrétienne Si 51,6c ; Arts visuels Si 51,3–6

Arts visuels

3–6 Imagerie traditionnelle des peines dans l’au-delà Des expressions comme « ceux qui rugissent prêts à dévorer » (V-4b), « mains de ceux qui cherchent mon âme » (V-5a), « portes de la tribulation » (V-5b), « suffocation d’un feu tout autour » (V-6a) trouveront des échos dans la représentation traditionnelle de l’enfer. Intertextualité biblique Si 51,4–5a ; Tradition chrétienne Si 51,6c

Tradition chrétienne

10a le Seigneur, père de mon seigneur Polémique christologique Guillaume de Bourges, un juif converti au christianisme, dans un ouvrage daté d’environ 1235, mène une polémique anti-juive en prenant à témoin les Écritures, dont deux versets de Ben Sira (en latin), compris dans une lumière christologique :

  • Guillaume de Bourges Liber bell. 30,384-387 « Vous avez occulté aussi le livre de la Sagesse du fils de Syrac, parce qu’il a écrit ceci : “J’ai invoqué le Seigneur, le Père de mon Seigneur” (Si 51,10 [V-51,14]) ; ou bien cela : “Le Christ a nettoyé les péchés de David lui-même” (Si 47,11 [V-47,13]) » (SC 288,241).

Texte

Procédés littéraires

12 car pour toujours est son amour (héb. 12a-n) Refrain Répétition de  caractéristique du style hymnique.

Réception

Intertextualité biblique

12 rocher d’Isaac (héb. 12k) Innovation à partir d'un motif connu Le titre « rocher d’Isaac » n’est pas biblique mais le titre divin de Rocher est bien usité : Dt 32,4.15.18.30-31 ; Ps 18,3 ; Is 30,29 ; etc.

12 Rendez grâce à YYY car il est bon (héb. 12a) Citation Ce premier verset est une citation littérale de l’ouverture des Ps 106-107 ; 118 ; 136.

Texte

Procédés littéraires

3a tu m’as libéré Soulignement du verbe « libérer » par accumulation des compléments d'objet Le verbe commande les neuf stiques qui suivent : immense fut la libération !

Réception

Comparaison des versions

7 G V heb. | S : Simplification G, V et l'héb. mentionnent dans chaque stique l’absence de secours, tandis que S ne le fait qu’au v.7b.

Intertextualité biblique

5a ventre de l’Hadès Allusion à Jonas ? Cf. M-Jon 2,3 mibbeṭen šᵉ’ôl « du ventre du shéol ».

12 qui rassemble les dispersés d’Israël + qui bâtit sa ville et son temple — (héb. 12f-g) : Citation ? Dans Ps 147,2 Dieu bâtit Jérusalem et rassemble les dispersés d’Israël.

4b qui ne fut pas allumé (héb. 5a) Motif du feu inextinguible Le sens de l’expression (Procédés littéraires Si 51,4b) — non sa référence — rejoint celui d’expressions plus usuelles dans la Bible :

Texte

Procédés littéraires

12 corne (héb. 12h, o) Métaphore de la vigueur. Intertextualité biblique Si 51,12 (héb. 12h, o)

Réception

Comparaison des versions

2b destruction : G V S | héb. : fosse La polysémie du terme hébreu šaḥat (Vocabulaire Si 51,2b) est supprimée dans G : apôleias ; V : perditione ; S : ḥbl’ « destruction ».

11b chanterai : G | V : le glorifierai | héb. S : me souviendrai de toi

  • G : humnêsô et V : conlaudabo illum supposent l’héb. ’zmrk (« je psalmodierai pour toi ») ;
  • héb. : ’zkrk ; S : ’tdkrk.

Texte

Procédés littéraires

2cd.5b–6a de la calomnie de la langue + de mensonge + de mensonge + de la calomnie d’une langue — (G) Échos en chiasme v.2cd : diabolês glôssês pseudos ; v.5b-6a : pseudous… diabolê glôssês. Critique textuelle Si 51,6a

2e présents (G) Nuance adversative ? Peut-être avec une nuance d’opposition, comme en héb.

Vocabulaire

3b perdition (S) Polysémie S : ’bdn’ (racine « perdre »), également un autre nom du Shéol.

Procédés littéraires

10c de catastrophe et de cataclysme (héb. 10d) Allitération ms.B : šw’h wmšw’h (šô’â ûmᵉšō’â). Intertextualité biblique Si 51,10c

Réception

Intertextualité biblique

10a Mon père, c’est toi (héb.) Expression davidique Dans Ps 89,27 déjà, Dieu place l’expression sur les lèvres du jeune David. La royauté faisait de lui le fils du Seigneur à un titre particulier (2S 7,14 ; Ps 2,7). L’invocation au Dieu-Père d’un simple individu au v.10 marque une évolution spirituelle. Le passage souligne l’intimité de la relation entre Dieu et l’orant : Références en marge Si 51,10a ; Critique textuelle Si 51,1ab ; Théologie Si 51,1b.10a.

Contexte

Repères historiques et géographiques

12 Çadoq (héb. 12i) Prosopographie Le prêtre désigné par Salomon après la destitution d’Ébyatar (1R 2,27-35).

Milieux de vie

1–12 Anthropologie Les mentions « ma vie », « mon âme », « ma chair », « mon pied » n’impliquent pas une anthropologie dualiste. C’est la personne même de Ben Sira qui est sauvée de la mort, comme l’atteste le pronom personnel 1e pers. sg. (les expressions « tu m’as libéré », « tu m’as protégé », « tu m’as sauvé »). Au v.6 « mon âme » et « ma vie » sont parallèles. 

Réception

Intertextualité biblique

12 corne (héb. 12h, o) Symbole de vigueur (Procédés littéraires Si 51,12 [héb. 12h, o]) Ben Sira invite à louer Celui qui « fait pousser » ou « élève » la corne, c’est-à-dire la vigueur, qu'elle soit celle de la maison de David (héb. 12h) ou du peuple (héb. 12o). Dieu en assure la pérennité. Au temps passé, il a fait pousser la corne de David en lui assurant une lignée, mais même au temps de Ben Sira où le trône a échappé à la lignée davidique, Dieu est celui qui par principe vivifie cette « vigueur ». L’expression « celui qui fait pousser la corne de la maison de David » (héb. 12h) est directement inspirée du Ps 132,17 « là je ferai pousser la corne de David » (cf. Ez 29,21). Cf. « faire lever (rûm) la corne » dans 1S 2,10 ; Ps 148,14

Liturgie

12–20 Lectionnaire quotidien romain : la joie dans la sagesse

  • Eucharistie, samedi de la 8e semaine du TO-I : La première lecture est Si 51,12b-20 (12e et dernier passage de Si dans le lectionnaire quotidien), suivi de Ps 19,8-11, qui souligne la joie que donnent les préceptes du Seigneur. L’Évangile du jour est Mc 11,27-33, 48e passage d’une séquence semi-continue. Le rapprochement est fortuit, mais souligne la sagesse de Jésus.

Propositions de lecture

1–12 Action de grâces au terme d'une terrible épreuve

Argument général

Ben Sira rend grâces au Seigneur qui, d’une véritable descente aux enfers, l’a fait remonter à la vie. Une calomnie l’avait mis en péril (v.1-7 décrivent les dangers dont le Seigneur l’a délivré ; v.8-12 rendent grâces au Seigneur sauveur). Il montre que son enseignement de Si 2 est fondé sur sa propre expérience, autant que sur celle des aïeux, tels Josué (Si 46,5), Samuel (Si 46,16-18) et autres.

Variations entre versions

Les coupes observées dans les versions ne sont pas identiques.

  • G et V omettent l’un ou l’autre demi-vers de l'héb.
  • S est plus court : sept demi-vers de moins dans la première partie (v.2cde.4b.5ab.6a). En supprimant toute allusion à la calomnie, S rend cette prière plus générale, utilisable pour toutes actions de grâces individuelles au sortir d’une épreuve mortelle. La seconde partie suit davantage le texte hébreu.

La numérotation des versets en hébreu, grec et latin est différente. La version syriaque suit la numérotation du grec.

Structure : variations dans le cadre d’énonciation

Particulièrement claire en hébreu, la structure littéraire reste ferme dans les versions aussi :

  • Une grande inclusion (vv.1 et v.12) englobe le poème (composé en heb. de deux parties de 10 distiques) dans une action de grâces adressée à Dieu.
  • Première partie : v.1-5 (heb. 50,28c-51,5c) : Ben Sira s’adresse à Dieu à la deuxième personne (« tu »). L'héb. contient 3 strophes de 3 distiques. Au centre de la 2e strophe (héb. 3ab), l’auteur reconnaît l’intervention divine.
  • Pivot : v.6bc-7 (2 distiques) : Le tournant du texte correspond au fond de la descente aux enfers : Dieu y est absent.  Le v.6bc (heb. 6) renvoie aux versets qui précèdent, en particulier les v.1b.2b de l'héb. Le v.7 ouvre les v.8-12 (3 strophes de 3 distiques). 
  • Seconde partie : v.8-12 : La seconde partie parle de Dieu à la 3e pers. dans l'héb. (« il ») — tout en intégrant l’anamnèse d’une prière en « tu » (héb. 10-11ab) — tandis que G et V continuent à la 2e pers. (sauf aux v.10a et v.12d : Comparaison des versions Si 51,8–12). Les v.8-11 font l’anamnèse d’une prière passée et de son exaucement, puis rendent grâces, comme promis. En héb., la strophe centrale de l'action de grâces se trouve en v.10-11b, évocation de la prière prononcée naguère dans la détresse, qui place en son centre une unique demande, négative : « Ne m’abandonne pas » (cf. Ne 9,32). 

Narration : temporalité : analepses et prolepses

  • La prière en héb. couvre tout le cours du temps : elle est passée (sous forme d’anamnèse, v.10-11b), présente (v.1-5) et promise (v.12cd).

Texte

Critique textuelle

1–12 Le texte héb. du ms.B est bien transmis, hormis quelques détails. Propositions de lecture Si 51,1–12

1ab Dieu de mon salut + mon Dieu, mon père — (héb. 50,28cd) Vocalisation ?

  • ms.B : ’lhy ’by (héb. 50,28d) : ’Ĕlōhay ’ābî (« mon Dieu, mon père » ; cf. v.10a) ou ’Ĕlōhé ’ābî (« Dieu de mon père » ; cf. Ex 15,2 ; Jdt 9,12). Le texte hébraïque de Ben Sira n’étant pas vocalisé, le texte consonantique permet les deux lectures.
  • ms.B : ’lhy yš‘ (héb. 50,28c) : De la même manière, « Dieu de mon salut » (’Ĕlōhé yiš‘î ; cf. Ps 18,47 ; 25,5 ; 27,9 ; Mi 7,7 ; Ha 3,18) peut être lu « mon Dieu, mon salut » (’Ĕlōhay yiš‘i) ; cf. 4Q372 fr. 1,16.

Procédés littéraires Si 51,1ab ; Théologie Si 51,1b.10a

2b mon pied (héb.) Vocalisation ? raglî « mon pied » ou raglay « mes pieds ». Le texte consonantique permet les deux lectures. Probablement raglî (assonance avec la fin des deux versets précédents : ’ābî, napšî). 

2cd (héb.) Glose Ms.B propose en fait trois stiques : « Tu m’as libéré de la calomnie du peuple, / du fouet de la calomnie de la langue / et de la lèvre des fauteurs de mensonge ». Les tristiques sont toujours problématiques chez Ben Sira. L’expression « de la calomnie du peuple », empruntée peut-être à Ez 36,3, est vraisemblablement une glose. Nous l'omettons dans la traduction.

Procédés littéraires

1ab (héb. 50,28cd) Parallélisme ? Lire « Mon Dieu, mon salut… mon Dieu, mon père » ou « Dieu de mon salut… Dieu de mon père » (Critique textuelle Si 51,1ab) soulignerait un parallélisme de structure entre les deux stiques. Néanmoins,

  • l’expression « Dieu de mon salut » est traditionnelle dans la Bible hébraïque, de sorte que la 1e option soit peu probable ;
  • l’expression « Dieu de mon père », au sg., est rare, de sorte que la 2e option soit improbable de même.

1ac Je te rendrai grâces + Je rends grâces — Anaphore G : exomologêsomai... exomologoumai, caractéristique du rythme oratoire et de l’amplification propres à une prière d’action de grâces.

Vocabulaire

2a Très-Haut (S) Propre à S Cf. S-10a « mon père d’en haut ». 

2d fauteurs de mensonge (héb.) ms.B : śṭy kzb. L’expression śāṭé kāzāb « fauteurs de mensonge » est un hapax dans la Bible hébraïque (Ps 40,5). Cf. héb. 5c : « plâtriers de mensonge ».

Genres littéraires

1–12 (heb.) Action de grâces individuelle — inversée En commençant par l’action de grâces adressée à Dieu proprement dite, la structure normale de ce genre littéraire (connue surtout par Ps 116 ; 118 ; Is 38,10-20) est inversée. Généralement elle se présente ainsi :

  • elle commence par le récit de la détresse où sombrait le psalmiste, adressé aux témoins ;
  • elle se continue dans un morceau liturgique, adressé directement au Seigneur et rappelant la prière prononcée dans la détresse et la promesse de rendre grâces ;
  • ellese termine avec le psalmiste exécutant sa promesse, remerciant le Seigneur libérateur.

Ben Sira en bouleverse le cadre énonciatif et l'ordre :   

1. Apostrophe au Dieu sauveur (v.1-7)

L’auteur s’adresse d'emblée au Seigneur pour le remercier de l'avoir libéré.

2. Innovation : hésitations énonciatives (v.8-12)

Ben Sira ne s’adresse pas au Seigneur mais plutôt à des tiers, quitte à citer sa prière dans la détresse. En inversant les sections « tu » et « il » (Propositions de lecture Si 51,1–12), Ben Sira opère un choix : non plus une liturgie, mais une action de grâces privée.

3. Psaume de louange (héb. 12a-o)

Le Ps de louange qui suit, quelle que soit l’hypothèse rédactionnelle retenue, rejoint la 2e partie de la structure traditionnelle (cf. Ps 118,29).

Réception

Comparaison des versions

2a G V | héb. G et V sont plus courtes que l’héb. :

  • le mot « protecteur » (G-2a et V-2b) renvoie à l’héb. « refuge de ma vie » (héb. 1a) ;
  • le mot « secourable » (G-2a et V-2b) renvoie à l’héb. « tu as racheté mon âme » (héb. 1b) ; repris partiellement en G-3a et V-4a.

Intertextualité biblique

1–12 Scenario du juste en détresse Bien des citations ou des références à l’Écriture renvoient à des situations de détresse critique et exemplaire : Job, le psalmiste en péril (Ps 25 et autres psaumes de détresse), Jérémie persécuté, Jonas dans le ventre du grand poisson, Sophonie devant le Jour de YHWH, etc. Références en marge

Littérature péritestamentaire

1bc mon Dieu, mon père. Je veux raconter ton nom (héb. 50,28d-51,1a) Prière du patriarche Joseph

  • 4Q372 fr. 1 « (14) ... Et en tout cela Joseph [fut livré] (15) aux mains des étrangers dévorant sa force et brisant ses os jusqu’au temps de sa fin. Et il cria [d’une voix forte] (16) et il appela le Dieu vaillant de le délivrer de leurs mains en disant : "Mon père et mon Dieu (’by w’lhy), ne m’abandonne pas dans la main des nations […] (25) … et je raconterai [tes] tendresses […] (26) je te louerai YHWH, mon Dieu, et te bénirai." »

Théologie

1b.10a mon Dieu, mon père + Mon père, c’est toi — (héb. 50,28d ; 51,10a) Innovation théologique : Dieu, Père des personnes individuelles ? Une lecture ’Ĕlōhay, ’ābî « mon Dieu, mon père » (ms.B : ’lhy ’by) dans héb. 50,28d (Critique textuelle Si 51,1ab) permet de voir ici l’idée de Dieu comme père non plus seulement du roi (cf. 2S 7,14) ni du peuple mais de la personne privée ; cf. héb. 51,10a « Et j’ai exalté YYY : Mon père, c’est toi » ; Si 4,10 (surtout héb.) ; Si 23,1.4. Intertextualité biblique Si 51,10a

Texte

Critique textuelle

4a […] (héb. 4b) Conjecture Un mot de quelques lettres manque dans le manuscrit, déchiré. Il pourrait s’agir du terme sabîb, « tout autour ». Cf. G, V et S, et Lm 2,3.

5a […] (héb. 5b) Conjectures Le manuscrit, altéré, propose les trois premiers lettres d’un mot inachevé,  l’m. Propositions :

  • lᵉ’immî « (du ventre de l’abîme), ma mère » ; 
  • lᵉ’ūmmî « (du ventre de l’abîme) de mon peuple » (cf. « la calomnie du peuple » en héb. 2c, mais ce qui est probablement une glose : Critique textuelle Si 51,2cd) ;
  • lᵉ’ūmmîm « des peuples » ;
  • lᵉ’ămiteka « selon ta fidélité » ;
  • lᵉ’ēmîm « (du ventre de l’abîme) des terreurs », notre proposition (cf. Si 40,5 ; Jb 20,25).

Procédés littéraires

4b qui ne fut pas allumé (héb. 5a) Désignation métonymique du résultat par le processus ? Litt. « qui ne fut pas soufflé » (lᵉ’én pūḥâ) ; cf. Jb 20,26 ; Sg 17,6 ; Sem. 47b. On souffle sur un feu pour le faire démarrer. L’expression signifie « un feu qui ne fut pas allumé » par l’homme, un feu immaîtrisable, terrible, peut-être la foudre. Intertextualité biblique Si 51,4b ; Tradition juive Si 51,4b

Réception

Comparaison des versions

3e nombreuses : G | V : des portes Plutôt que pleionôn (« nombreuses »), V a dû lire pulônôn  (« des portes » de l’adversité ; gén. pl. de pulôn « porte », « portail »).

4b je n’ai pas brûlé : G | V : je n’ai pas été consumé | héb. : qui ne fut pas allumé Alors que G et V soulignent la façon dont l’énonciateur a surmonté le mal qui l’affligeait, l'héb. souligne le caractère terrible et immaîtrisable du feu.

Tradition chrétienne

3c de ceux qui rugissent prêts à dévorer (V-4b) Topos V : a rugientibus praeparatis (/paratis) ad escam ; expression reprise fréquemment pour évoquer les menaces, avec ou sans l’idée de délivrance.

3e–4a et des portes de la tribulation qui m’ont entouré de la suffocation d’un feu qui m’a entouré (V 5b-6a) Citation

Texte

Critique textuelle

6a auprès du roi, de la calomnie Conjecture ? Ainsi les mss. grecs : basilei diabolê (cf. V : a rege iniquo). Ziegler lit kai bolidos « et d'une flèche », conjecture d’après l’héb.

Réception

Tradition chrétienne

7b Je cherchais du regard mon secours et il n’y en avait pas (V 10b) Citations

Texte

Critique textuelle

10c au temps où l’arrogance refuse tout secours Variante grecque G : en kairôᵢ huperêphaniôn/huperêphanôn aboêthêsias , litt. « à un moment d’arrogances (huperêphaniôn) de non-assistance » ou « à un moment de non-assistance des arrogants (huperêphanôn) ».

Grammaire

10ab J’ai supplié + de ne pas m’abandonner — (G) Construction classique G : epekalesamên... mê me egkatalipein ; le verbe epikaleomai + un infinitif a le sens de « supplier… de... » dans toute la littérature grecque classique, biblique (koinè) et patristique ; cf. 2M 3,15. L’infinitif qui suit n’est donc pas à comprendre comme un ordre (« ne m’abandonne pas »).

Réception

Comparaison des versions

9a ma supplication : G | V : ma demeure En raison de iotacisme, le latin a compris « J’exalterai sur terre ma demeure » (le grec oiketia pour iketeia). 

10 Cadre énonciatif

  • G et V ne contiennent pas le 2e stique de l'héb. et S (v.10b).
  • Dans l'héb., la prière, évoquée en anamnèse (v.11ab), débute dès la fin du v.10a (cf. S).

Intertextualité biblique

8d Il les rédime (héb.) La racine g’l ms.B : wyg’lm ; pour le Dieu-gō’ēl, voir Jb 19,25 ; pour le gō’ēl, Nb 35,12-27.

10c au jour de catastrophe et de cataclysme (héb. 10d) Citation ms.B : bywm šw’h wmšw’h ; cf. M-So 1,15 yôm šô’â ûmᵉšō’â ; M-Jb 30,3 ; 38,27 šô’â ûmᵉšō’â. Procédés littéraires Si 51,10c

Tradition chrétienne

8c car tu délivreras ceux qui t’espèrent (V-12a) Citation

6c ma vie était toute proche de l’enfer, en bas (V-9) Épreuves endurées par l’auteur comme allusion aux peines de l’enfer

  • Raban Maur Comm. Eccl. « Sa vie approche de l’enfer car, en défaillant, la vie de la chair approche chaque jour de la mort. Ici, on parle de l’enfer pour signifier la mort, car la mort de la chair constitue un châtiment du premier péché, de même que l’enfer représente la peine éternelle des âmes pécheresses. Personne, cependant, n’échappe à la mort de la chair. Quel est en effet l’homme qui pourrait vivre sans connaître la mort ? Voilà pourquoi il est écrit ailleurs : “Nul ne peut vivre à jamais : que [chacun] soit assuré de cette vérité” (V-Qo 9,4). Par la grâce du Christ, les hommes saints peuvent échapper au tourment de l’enfer étant donné qu’ils pérégrineront bientôt vers la joie du ciel, une fois délivrés du lien de la chair » (PL 109,1121A). Intertextualité biblique Si 51,4–5a

Texte

Critique textuelle

12 (héb. 12a-o) Plus héb. Ms.B insère ici un psaume de louange de quinze versets. 

Propositions de lecture

12 (héb. 12a-o) Psaume authentique ? Quoi qu’il en soit de son origine incertaine (Critique textuelle Si 51,12), ce psaume, à la place que lui confère le manuscrit, pourrait constituer la louange que Ben Sira avait annoncée au v.12cd : il y a pleinement son sens, rejoignant la structure traditionnelle de l’action de grâces qui finit par l’action de grâces proprement dite (Genres littéraires Si 51,1–12). Son attribution à Ben Sira est discutée. Sa facture et nombre de ses expressions sont empruntés aux Psaumes : Intertextualité biblique Si 51,12.

Grammaire

12 car (héb. 12a-n) Explication ou exclamation ? Selon l’interprétation donnée à la conjonction ,

  • soit la motivation de la louange (« car »),
  • soit une exclamation (« Rendez grâce au Seigneur : éternel est son amour ! »), peut-être l’équivalent de « oui ».

12 gloire à tous ses fidèles (héb. 12o) Apposition ou objet direct ? ms.B : thlh lkl ḥsydyw. Autre traduction possible : « la gloire de tous ses fidèles », comme 2e complément du verbe « il élève » (et non comme apposition du substantif « corne »). Intertextualité biblique Si 51,12 (héb. 12o)

Réception

Intertextualité biblique

12 (héb. 12a-o) Centon des Ps 132 et Ps 136

  • Le Ps 136 donne la forme littéraire à notre psaume : chaque premier stique est suivi de la même explication/exclamation (Grammaire Si 51,12 [héb. 12a-n]) : « car pour toujours est son amour ».
  • Le Ps 132 en donne une partie de la matière. Ce psaume évoque David (Ps 132,1.10-11 ; cf. v.12h), le puissant de Jacob (Ps 132,2.5 ; cf. v.12l), les prêtres revêtus de justice (Ps 132,9 ; cf. v.12i), le Seigneur qui a fait choix de Sion (Ps 132,13 ; cf. v.12m) et fera pousser la corne de David (Ps 132,17 ; cf. v.12h, o) et les fidèles du Seigneur (Ps 132,16 ; cf. v.12o). Autant de traits présents dans ce psaume, au mot près.

Texte

Procédés littéraires

12 (héb. 12c-i et m) Parallélisme étendu Construction parallèle dans 8 versets : préposition l- + une participe (celui qui garde, qui façonne, qui rachète, qui rassemble, qui bâtit, qui fait pousser, qui choisit [2x]).

Réception

Intertextualité biblique

12 roi des rois des rois (héb. 12n) Titre divin Dans la Bible, Dieu est « roi » (Si 50,15 ; Ps 98,6 ; 145,1), « roi de gloire » (Ps 24,7-10) et « grand roi » (Ps 47,3). Selon Dt 10,17, Dieu est « le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs » (’ĕlōhé hā’ĕlōhîm wa’ădoné hā’ădōnîm). Nabuchodonosor II est déclaré « roi des rois » (Ez 26,7). Tradition juive Si 51,12 (héb. 12n)

Littérature péritestamentaire

12 fils de Çadoq (héb. i) À Qumrân Expression proche d’expressions qumrâniennes, ce qui, selon certains, conforterait l’hypothèse d’une origine qumrânienne de cette pièce. Les « fils de Çadoq » apparaissent en CD-A 3,21-4,3, citant Ézéchiel.

Tradition juive

12 (héb. 12a-o) Les Dix-huit bénédictions Le psaume héb. est proche du rituel juif, en particulier de la prière des Dix-huit bénédictions (Šᵉmōnê ‘eśré) ou ‘ămîdâ, dont la mise en forme remonterait, selon le Talmud de Babylone (b. Meg. 17b ; b. Ber. 28b), à la fin du 1er s. (à la demande de Gamaliel). Les finales (eulogies) des bénédictions sont proches de plusieurs versets du psaume, sans que l’on puisse déterminer l’origine de cette proximité. Ainsi :

  • héb. 12j-l // 1re bénédiction : « Béni sois-tu, Seigneur, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob ».
  • héb. 12e // 7e bénédiction : « […] Béni sois-tu, Seigneur, rédempteur d’Israël ».
  • héb. 12f // 10e bénédiction : « […] Béni sois-tu, Seigneur, qui rassembles les dispersés du peuple d'Israël ».
  • héb. 12g // 14e bénédiction : « […] Béni sois-tu, Seigneur, qui bâtis Jérusalem ».
  • héb. 12h // 15e bénédiction : « Tu fais pousser la pousse de David […]. Béni sois-tu, Seigneur, qui fais pousser la corne du salut ».

12 gardien d’Israël + créateur de tout — (héb. 12c-d) La liturgie du Šema‘

  • héb. 12c : Le titre « gardien d’Israël » est repris dans l’eulogie de la prière qui suit la récitation du Šᵉma‘ le soir : « Béni sois-tu, Seigneur, qui gardes ton peuple Israël à jamais ».
  • héb. 12d : Pour le titre « créateur de tout » ; cf. l’eulogie qui précède la récitation du Šᵉma‘ le matin : « Béni sois-tu Seigneur notre Dieu […] qui façonnes la lumière et crées les ténèbres, qui fais la paix et crées le tout ». Citations d'Is 45,7, qui finit par « et crée le mal ». Selon b. Ber. 11b, le rituel a changé « le mal » en « le tout », qui ne serait qu’un euphémisme.

12 roi des rois des rois (héb. 12n) Superlatif sémitique Le titre divin « roi des rois des rois » n’est pas biblique (Intertextualité biblique Si 51,12 [héb. 12n]) mais se retrouve dans m. ’Abot 3,1 ; 4,22 et dans la liturgie juive (office de Mussaf pour la fête de Rosh Hashana). La formule doublée ou triplée est une forme de superlatif sémitique.