La Bible en ses Traditions

Matthieu 26,13

Byz S TR Nes
V

13 ...

13 Amen je vous dis :

— Partout où sera proclamé cet évangile, dans le monde entier,

sera raconté aussi ce qu’elle a fait, en mémoire d’elle.

Réception

Musique

6–13 La femme avec le vase d'albâtre

20e s.

Arvo Pärt (b. 1935), The Woman With the Alabaster Box, 1997

Paul Hillier (dir.), Estonian Philharmonic Chamber Choir, Theatre of Voices, Pro Arte Singers

© Licence YouTube standard→, Mt 26,6-13

Compositeur

Arvo Pärt né le 11 septembre 1935 à Paide, en Estonie, est un compositeur estonien de musique contemporaine vivant à Tallinn. Il est souvent associé au mouvement de musique minimaliste qui s'est formé à partir des années 1960. Créateur d'une musique épurée, d'inspiration profondément religieuse, il est de confession chrétienne orthodoxe, et les chants orthodoxes ainsi que les chants grégoriens ont influencé son style sur la modulation lente des sons. Associé par certains à la musique postmoderne, Arvo Pärt creuse à présent le sillon de son style tintinnabuli. Ses œuvres ont été jouées dans le monde entier et ont donné lieu à plus de 80 enregistrements, ainsi qu'à de très nombreuses utilisations pour la bande sonore de films et de spectacles de danse.

Tradition chrétienne

13 partout où sera prêché cet évangile dans le monde, ce qu'elle a fait sera raconté aussi, en mémoire d'elle Une seule et même femme Origène considère dans ce passage les différentes scènes de Lc, Jn et Mt concernant une seule et même femme :

  • Origène  Comm. Jn  1,67  « Il faut savoir que toute bonne action accomplie à l'égard de Jésus est inscrite dans l'Évangile éternel : ainsi, celle de la femme qui s'était mal conduite, s'était repentie et avait pu, grâce à son sincère éloignement du vice, verser du parfum sur Jésus (cf. Lc 7,37s) et répandre dans toute la maison l'odeur de la myrrhe (cf. Jn 12,3) que percevaient tous ceux qui s'y trouvaient. C'est pourquoi il est écrit : "Partout où sera prêché cet évangile — parmi toutes les nations —, ce qu'elle a fait sera raconté aussi en mémoire d'elle" (Mt 26,13). »

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

Texte

Procédés littéraires

13b évangile Vocabulaire Mt 26,13b ; Genres littéraires Mt 26,13b ; →Le genre littéraire « évangile »

COMPOSITION Mise en abyme

Jésus semble s’extraire lui-même de son statut de personnage dans le récit pour décrire la destinée du récit comme s’il y était extérieur. Dans son contexte immédiat, la « bonne nouvelle » en question est le témoignage favorable que Jésus rend à cette femme. Mais c’est aussi l’annonce messianique concernant Jésus, qui inclura le récit de sa passion, et finalement l’évangile que le lecteur a dans les mains.

PRAGMATIQUE Métalepse actualisante totale

Cet évangile est destiné à être proclamé partout (cf. Mt 24,14 « Cette bonne nouvelle [ou "évangile"] du royaume sera proclamée dans le monde entier »), jusqu’au lieu où je me trouve au moment où je lis ou entends cette parole performative, vérifiée à chaque fois qu’elle est lue ou entendue. Procédés littéraires Mt 28,16–20

Pere Borrell del Caso (1835–1910), Huyendo de la crítica [Échapper à la critique], (huile sur toile, 1874), 75.7 x 61 cm

Collection Banco de España, Madrid © Domaine public→

Sur ce trompe-l'œil ironique, où la peinture semble sortir de son cadre pour échapper à la critique, c'est aussi le (modèle du) peintre qui sort du cadre de la « fiction » artistique pour rejoindre la réalité de celui qui regarde. Les emplois du mot euaggelion dans les évangiles, dans la mesure où ils s'irisent de connotations métalittéraires et peuvent désigner le livre même qu'on est en train de lire, relèvent de ce « glissement » (lepsis) d'un niveau encadré à un niveau encadrant (meta) : le personnage qui les emploie est à la fois dedans et dehors.

Réception

Arts visuels

6–13 Onction à Béthanie et repas chez Simon L’onction de Béthanie est une scène complexe, relatée différemment par chaque évangéliste. Elle fait intervenir un personnage très nébuleux du NT, une femme pénitente (Milieux de vie Mt 26,7a ; Tradition chrétienne Mt 26,7a), qui fut majoritairement identifiée comme Marie Madeleine au Moyen Âge (surtout dans les images). L’iconographie de cet épisode a toujours compilé différents éléments mentionnés par différents évangélistes.

Premières images à partir du 9e siècle

Modelées sur la Cène

Les premières figurations médiévales sont conçues sur le modèle de la →Cène telle qu’elle est conçue dès le 9e s. Le Christ est assis en bout-de-table, alors que les convives sont réunis, de face, d’un côté de la table. La femme à l’onguent est présentée inclinée, le plus souvent à genoux, devant la table (du côté visible par le spectateur), pour oindre les pieds. Judas est de même présent. L'épisode est intégré à la scène du repas chez Simon le Lépreux, et sa composition ressemble à celle de la Cène, montrant la communion de Judas (Arts visuels Mt 26,21–25). C’est sous cette forme que le passage se transmet durant tout le Moyen Âge :

  • Linteau de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Neuilly-en-Donjon, La Cène et L'Onction de Béthanie (ca. 1140).

Portail et linteau de l'église Ste-Marie-Madeleine de Neuilly en Donjon

Photo: Richard03, © CC BY-SA 3.0→

Sur le linteau sont représentés à droite Adam et Eve entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et à gauche la cène où l'on reconnait, attablés, Jésus, les apôtres et Marie de Béthanie aux pieds de Jésus.

Parfois des rapports sont aussi dressés entre l’onction des pieds de Jésus pendant un banquet et le lavement des pieds des apôtres lors de la Cène.

Préférence pour Jean...

L'Évangile selon Jean (avec l’onction des pieds par la femme, Jn 12,3) est la source privilégiée au Moyen Âge car elle donne un sens précis à l’épisode. Les pieds de Jésus (et cela en général dans l’iconographie chrétienne) se rapportent à son humanité et donc à sa mortalité. L’onction des pieds annonce la mort et la sépulture de Jésus. La résurrection de Lazare (Jn 11), qui côtoie cette représentation, apporte plus qu’un simple lien narratif : elle complète l’évocation de la mort et de la résurrection.

  • Les Homélies de Grégoire de Nazianze (ca. 879-883, ms. réalisé à Constantinople, Paris Bnf, Ms Grec 510 f. 196v). Dans cette miniature la scène se passe durant le repas chez Simon le lépreux. Elle présente l’onction des pieds et est couplée avec la résurrection de Lazare. Judas se trouve à la même place que celle qu’il occupe souvent à table lors de la Cène : le dos au spectateur (Arts visuels Mt 26,21–25 ; →Cène [arts visuels]).
  • Codex Egberti (ca. 985, Bibliothèque municipale de Trèves, Cod. 24 f. 65r). La légende de cette scène à la table de Simon le lépreux identifie les personnages : Marthe (légendée Martha, Jn 12,2) tient un vase d’onguent alors que Marie de Béthanie (qui n’est pas légendée) se prosterne aux pieds de Jésus. Jésus est hissé sur un immense trône, si bien que la femme opère quasiment un geste d’un culte impérial. Judas (Ivdas) est lui aussi présent. Cette miniature lie à nouveau l’onction des pieds et la résurrection de Lazare.
... par rapport aux Synoptiques

L’onction de la tête (Mt 26,7 ; Mc 14,3) est beaucoup plus rare dans l’iconographie :

  • Le Psautier de Besançon (composé vers 1260 pour un monastère cistercien, folio 7) montre pour la première fois le motif de l’onction sur la tête. L'épisode est pourtant encore associé à celui de l’onction des pieds : deux femmes sont simultanément représentées, l’une oignant la tête et l’autre les pieds de Jésus. L’artiste associe Marthe et Marie et attribue à chacune un acte distinct d’onction, représentant ainsi différentes expressions de la vénération due au Christ. Tradition chrétienne Mt 26,7a huile de parfum : Bernard de Clairvaux
  • Manuscrit Den Haag, 15e siècle

Maître François, Onction de Jésus extrait de la cité de Dieu d'Augustin,  manuscrit Den Haag (Enluminure miniature, 1475-1480)

Musée Meermanno Westreenianum, La Haye, © Domaine public→

Mt 26,6-13; Mc 14,3-9; Jn 12,1-8

15e-18e siècle

Le geste de l’onction des pieds fut privilégié et a suscité les plus belles créations dans tous les foyers artistiques, p. ex. :

  • Jean Fouquet (1452-1460, Chantilly) ; Dieric Bouts (1440, Berlin) ;

Dirk Bouts, Le repas chez Simon, (1440)

Gemäldegalerie, © Domaine public→

  • Tintoret (1562, Padoue) ; Véronèse (16e s., le salon d'Hercule au château de Versailles) ;

Paolo Véronèse, Le repas chez Simon le Pharisien, (1570)

 Pinacothèque de Brera, © Domaine public→ 

  • Pierre-Paul Rubens (1618-1620, Saint-Pétersbourg) ;
  • Philippe de Champaigne (1602-1674, Nantes) ; Jean Jouvenet (1706, Lyon).

20e siècle

Le texte synoptique parfois apparaît comme source iconographique :

  • Eric Gill (1926), Éric de Saussure (1968), Arcabas (abbaye de Leffe) et Macha Chmakoff choisissent explicitement le geste de l’onction de la tête.