La Bible en ses Traditions

Matthieu 27,11–14

Byz S TR Nes
V

11 ...

11 Quant à Jésus, il se tint debout devant le gouverneur

et le gouverneur l’interrogea disant :   

— Tu es le roi des Juifs ? 

Jésus lui dit : — Tu dis.

12 ...

12 Et tandis qu'il était accusé par les princes des prêtres et les anciens, il ne répondit rien.

13 ...

13 Alors Pilate lui dit :

— Est-ce que tu n’entends pas combien de témoignages ils portent contre toi ?

14 ...

14 Et il ne lui répondit pas à un seul mot,

si bien que le gouverneur s'étonna à l'extrême.

14 Silence Ps 39,2 ; Is 53,7 ; Mt 26,63

Réception

Tradition chrétienne

14 Argument prophétique Le Ps 21 est cité en entier dans le Dialogue (Dial. 98), et est commenté dans la suite cf. Dial. 99ss. Justin attache à ce psaume un grande importance, il est pour lui une pièce maîtresse dans l'argumentation prophétique. Il a donné le premier commentaire suivi qui nous soit parvenu de ce psaume. 

La citation qui suit montre que les mots du verset 16e 'ma langue s'est collée à mon larynx' sont une prophétie du silence de Jésus devant Pilate :

  • Justin le Martyr  Dial.  102,5 "L'expression : 'Comme un tesson de terre cuite s'est desséchée ... ma langue s'est collée à mon larynx', était encore semblablement une annonce des choses qui selon la volonté du Père devaient s'accomplir par lui [le Christ]. Car la puissance de son verbe vigoureux... s'interrompit ... tandis qu’il se taisait et ne voulait rien répondre à rien devant Pilate, comme il apparaît dans les Mémoires de ses apôtres."
  • → Justin le Martyr  Dial. 103,9 " Le verset : 'comme un tesson de terre cuite s'est desséché ma force, et ma langue s'est collée à mon larynx', comme j'ai déjà dit, était l’annonce à l’avance de son silence, car il ne répondait rien du tout... "

26,59–63 ; 27,11–14.17s.28s.39 Jésus se taisait ... Le silence majestueux de Jésus 

La magnanimité de Jésus 

La majesté du silence de Jésus atteste sa grandeur d'âme. Plus loin durant sa passion, sous la cruauté des bourreaux, il montrera une fermeté et une douceur telles qui surpassent toute virtuosité stoïcienne.

  • Origène  Cels.  Préface 1-2  ''Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d'un faux témoignage, se taisait, accusé, il ne répondait rien, bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. [...] Or Jésus, victime d'un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l'attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n'en trouvèrent pas, bien que beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux qui dirent : Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. (Mt 26,59-61). Le grand prètre se leva et lui dit : Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens témoignent contre toi ? Mais Jésus se taisait (Mt 26,62-63a). En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l'interrogea : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus lui répliqua : Tu le dis. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : N'entends-tu pas tout ce qu'ils allèguent contre toi ? Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l'extrême étonnement du gouverneur (Mt 27,11-14). Quel sujet d'étonnement en effet, même pour des gens moyennement doués : l'accusé, victime du faux témoignage, pouvait se défendre, prouver qu'aucune charge ne l'atteignait, faire un long panégyrique de sa propre vie et de ses miracles, manifestement venus de Dieu, pour frayer au juge la voie d'une sentence favorable : bien loin de le faire, il n'eut que mépris et noble dédain pour ses accusateurs. Et que le juge, à la moindre défense, eût sur-le-champ libéré Jésus, c'est ce que montrent soit la parole qu'on rapporte de lui : Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ou Jésus qu'on appelle Christ ?, soit ce qu'ajoute l'Écriture : Il savait qu'on l'avait livré par jalousie (Mt 27,17s). Or Jésus ne cesse d'être en butte aux faux témoignages, et il n'est pas d'instant, vu la malice qui règne chez les hommes, où il ne soit accusé. Et lui, aujourd'hui encore, se tait devant ces attaques et ne répond point de sa propre voix ; mais il a sa défense dans la vie de ses véritables disciples, témoignage éclatant des faits réels, victorieux de toute calomnie, et il réfute et renverse les faux témoignages et les accusations.'' 
  • Origène  Cels.  7, 55  ''Après la liste de ces grands hommes, il [Celse] ajoute : Qu'est-ce que votre Dieu a dit de pareil dans son supplice ? On peut lui répondre : son silence au milieu des coups et des nombreux outrages (cf. Mt 26,63) manifeste plus de fermeté et de patience que toutes les paroles dites par les Grecs soumis à la torture [...] Même insulté et revêtu de la robe pourpre, la couronne d'épines autour de la tête et à la main le roseau en guise de sceptre (cf. Mt 27,14.28s.39), il garda une extrême douceur sans une parole vulgaire ou indignée contre les auteurs capables de ce forfait.''

11 Barabbas Tu es rex Judaeorum ? Dicit illi Jesus : Tu dicis ; inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Vers 1100 : France, Toulouse (31), Saint-Sernin, plaque pourtour du coeur : "R[EX]" CIFM 7, 32.
  • Ibid, porte de Miègeville, tympan, sur le nimbe crucifère "R/E/X" CIFM 7, 43.
  • début 12e s. : France, Conques (12), tympan : "[R]ex" CIFM 9, 19.
  • France, Bouzon-Gellenave (32), chrisme de tympan :  CIFM 10, n°71, 77.
  • France, Fourcès (32), Moulin de Sainte-Gemme, chrisme : , n° 77, 81.
  • France, Lagardère (32), chrisme : CIFM 10, 83.
  • France, Lahitte (32), chrisme : CIFM 10,n° 82, 84.
  • France, Marcilhac-sur-Célé (46), chapiteau, nimbe crucifère : "R/E/X" CIFM 9, 103.
  • France, Périgueux (24), Musée, croix d'absolution en plomb : CIFM 5, 48.
  • France, Saint-Gladie-Arrive-Munien (64), chrisme : CIFM 10, n° 185 bis, 259.
  • Espagne, Saint-Jacques -de-Compostelle, cathédrale, musée, dans le nimbe crucifère : "R/E/X" →Galice romane, pl.28.

1–66 La mort de Jésus. Clamans voce magna : inscriptions médiévales.

15e siècle : 

  • Vers 1400 : Allemagne, Lüneburg, Kloster Ebstorf, vitrail : "jhesus pendens in cruce tradidit spiritum" DI 76, n° 27, 87.
  • Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, cathédrale, croix : "clamans voce magna emisit spiritum"  DI 26, n° 36, 45.
  • 4e quart du 15e s. :  Allemagne, Hanovre Musée Auguste Kostner, antependium : "Jhesus clamans voce magna emisit spiritum" DI 76, n° 62, 142.

Arts visuels

13 Quand le Christ devient objet de militance

Peinture contemporaine 

Blanchard Doug (âge: non renseigné), The Passion of Christ : A Gay Vision (pigments sur toile), 2014

 Collection privée © Droits réservés→

La symbolique du Christ en croix au 21e s. ne se suffit pas à des lectures religieuses : pour preuve, nombre d’artistes s’en saisissent pour exprimer l’universalité de la souffrance humaine et appuyer diverses militances, dont la cause des homosexuels. Prenant pour toile de fond le décor d’une ville moderne, ce tableau dénonce les visages haineux qui crucifient cet homme. (V.L.)

1–66 Ecce homo

19e s.

Antonio Ciseri (1821-1891), Ecce homo, (huile sur toile, 1860-1880), 292 x 380 cm

Galleria dell'Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence, © Domaine public→, Jn 19, Mt 27

Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan, à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.