Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 ...
1 Or, le soir du sabbat, alors que [ça] luisait vers le premier [jour] de la semaine,
Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent pour voir le sépulcre
2 ...
2 et voici : il se fit un grand tremblement de terre,
car un ange du Seigneur descendit du ciel
et, s’étant approché, roula la pierre et se tenait assis sur elle.
3 ...
3 Son aspect était comme un éclair
et son vêtement comme la neige.
1–4 Parallèle Dans le récit de la résurrection, l'auteur de l'apocryphe donne une interprétation de l'événement. Il met en évidence que la résurrection du Kurios est associée à sa mort. Pour le moment de la résurrection, le texte est un témoin très ancien d'une exégèse de Mt 28,1, précisant qu'il a eu lieu non pas à l'aube du dimanche, mais bien avant dans la nuit du samedi quand naît le dimanche : pour l'expression cf. →Did. 14,1 et → 9,1. Au lieu du tremblement de terre dont parle Magn.Mt 28,2, c'est une grande voix qui se fait entendre comme en Ap 1,10 que semble suivre notre auteur. Il exprime ainsi la résurrection/gloire en style apocalyptique (cf. Ap 11,13-15 et aussi Ap 12,10 ). Vient ensuite les cieux qui s'ouvrent, image fréquente dans l'Ap. et dans toute la littérature canonique. Enfin, il y une succession de personnages qui descendent du ciel au tombeau et qui en remontent. À l'opposé des évangiles canoniques qui ne décrivent pas la résurrection, mais la présentent entourée de mystère à travers des manifestations, un message, l'év. de Pierre la relate de façon détaillée. La dimension gigantesques des trois personnages et surtout du Kyrios a une valeur ontologique comme dans Ap 10,1-3. Il traduit ainsi le symbolisme du Centre 'l'axe cosmique' de l'histoire des religions. Le Christ se trouve au centre de l'univers et ses dimensions vont jusqu'à embrasser les trois niveaux cosmiques :
1 Marie-Madeleine Cf.Littérature péritestamentaire Mc 16,1–8
1–20 La mort et résurrection dans la mythologie comparée La mort et résurrection de Jésus pourraient évoquer des parallèles avec la thème du Dieu qui meurt dans les mythologies païennes (Osiris, Tammuz, Adonis, Atys, Dionysos). v. →Mythe et évangiles
1s.9 Or sur le tard du sabbat, alors que la journée commençait à poindre ... Sur l'absence d'une manifestation éclatante de la résurrection, → 2,63 avait répondu que Jésus est apparu selon le mérite de la foule des croyants (cf. Cels.1Co 15,3.5-8) et des disciples en progrès et de plus, → 2,65 souligne : 'même aux apôtres eux-mêmes et aux disciples, il n'était pas sans cesse présent et sans cesse visible, parce qu'ils étaient incapables de soutenir sa contemplation sans relâche. Sa divinité était plus resplendissante après qu'il eut mené à terme l'oeuvre de l'Économie' : Cels.
2ss un grand tremblement de terre... un ange du Seigneur... comme un éclair... à cause de la peur, les gardes tremblèrent
2 un ange du Seigneur descendit du ciel... roula la pierre...
Pas de contradiction entre les différents récits évangéliques :
Contre Celse qui se moque du Ressuscité qui n'a pu lui-même enlever la pierre :
27,24s ; 28,1 commence à lui le premier jour de la semaine. je suis innocent du sang de ce juste. son sang sur nous Prière pour Israël pendant la vigile pascale
1 vers le premier jour de la semaine Accomplissement de la prédiction du Seigneur
2.5s Angelus Domini
1–20 De la résurrection du Christ à celle du chrétien
He was, he was in the churchyard — My father was in the first part — He came, he came to my bedroom — But I was asleep —— And he woke me up again to say... —— Halle, halle, hallelujah — Holy, holy is the sound — And I hope, I hope you are tired out — And I know, I know there is joy endowed —— But I was asleep — And he woke me up again — And he woke me up again to say... —— Hold on, hold on to your old ways — Or put off, put off every old face — And I know, I know you are changed out — And I hope, I hope you're arranged out —— But I'm still asleep — And you woke me up again — And I'm still asleep — But you woke me up to be holy.
Il était, il était dans le cimetière — Mon père était dans la première partie — Il est venu, il est venu dans ma chambre — Mais j'étais endormi — Il m'a réveillé pour dire : — Halle Halle Halleluiah — Saint Saint est le son — Et j'espère, j'espère que vous êtes fatigué — Et je sais, je sais qu'il y a de la joie à recevoir — Mais j'étais endormi — Et il m'a encore réveillé— Et il m'a encore réveillé pour dire — Accrochez-vous à vos anciennes habitudes — Ou repousser chaque vieux visage — Et je sais, je sais que tu as changé — J'espère, j'espère que ça va mieux — Mais je suis encore endormi — Et tu m'as encore réveillé — Et je suis encore endormi — Mais tu m'as réveillé pour être saint.
1–8 Chant de reconnaissance éperdue de la femme qui a rencontré Jésus Une version burlesque, mais non dénuée de tendresse, de l'action de grâces de la femme rachetée par Jésus se fait entendre au cœur du cinéma comique français des Trente glorieuses.
Je vivais comme une ombre — J'avais les idées sombres — Faisant partie du nombre — Des desesperados —— Je ne savais quoi faire — Pour chasser ma misère — Quand on est solitaire — Aïe, on a froid dans les os — — Quand dans une chapelle — Sous la blanche et très belle — Statue de la douce immaculée Concepción — J'ai senti la foi naître — Et au fond de mon être — Du Seigneur Jésus-Christ — J'eus la revelación —— Dans les bras de Jésus — Maintenant tous les jours je danse — Et désormais mon existence — Vaut la peine d'être vécue —— Dans les bras de Jésus — Maintenant tous les jours je chante — Pour moi la vie n'est plus méchante — Et de joie je suis éperdue — Dans les bras de Jésus.
3ss Tropaire pascal de la liturgie orientale
Le 6ème ton du Tropaire de la Résurrection est un chant byzantin très ancien, propre à la célébration de Pâques dans la liturgie orientale. Ses paroles décrivent la scène du Sépulcre victorieusement, dans la louange du Ressuscité: "Les puissances angéliques vinrent à Ton Sépulcre, et ceux qui le gardaient gisaient comme des morts. Marie se tenait près du Tombeau, cherchant Ton Corps immaculé. Toi qui as dépouillé l’enfer, Tu n’as pas été dominé par lui ; Tu es allé à la rencontre de la Vierge, Toi qui donnes la Vie. Ressuscité d’entre les morts, Seigneur, gloire à Toi !"
27,64–28,20 Apparition et apothéose de Romulus
Quelques décennies plus tard, le récit d'apparition post-mortem du fondateur de Rome, relevant de la biographie « archéologique » au sens hérodotien du terme, non de l'historiographie, est amplifié, et assigné à un temoin oculaire autorisé :
1–10 La Résurrection du Christ : comment ça « le troisième jour » ? Pourquoi dit-on que Jésus ressuscite « le troisième jour » après sa mort ? Comment est calculé ce décompte temporel ? Que dit le texte biblique même ?
L’évangile de Matthieu annonce que les femmes se rendent au tombeau « le soir du sabbat ». Pourquoi attendent-elles ce moment-là ? Précisons un peu :
On a donc enseveli Jésus en toute hâte dans l’après-midi du vendredi, parce que pendant le sabbat, il était hors de question de toucher un mort sous peine de ne pouvoir célébrer le sabbat pour cause d'impureté.
Voilà pourquoi les femmes attendent « le soir du sabbat » pour retourner au tombeau. En comptant à partir du jour de la crucifixion, on est donc au début d’une nouvelle journée, le troisième jour.
Vous trouvez ça clair ? Alors vous n'avez pas bien lu !
Le résumé chronologique qu'on vient de vous faire est bien clair et pratique mais le problème, c’est qu’il se fonde seulement sur la première partie de la phrase : « le soir du sabbat »... et qu’on oublie la fin de la phrase, qui complique tout.
Déjà comme ça, c'est difficile : « Le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] de la semaine »
Mais en plus, en grec, on lit, très littéralement : « Le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] du sabbat »
On est d’accord, en français, « le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] du sabbat », ça ne veut rien dire et c’est même assez moche. C’est comme si on disait « le dimanche soir alors que le dimanche matin allait commencer ». C’est sans doute pour cette raison que la majorité des traductions françaises « grand public » de cette phrase la simplifient, pour lui rendre une cohérence chronologique :
Cette traduction simplifiée est possible, car il se trouve que le mot grec « sabbatôn » peut signifier « sabbat » ou « semaine », mais c'est bien le même mot qui est répété au début et à la fin de ce verset.
Si le texte biblique nous donne une phrase aussi obscure en apparence, c’est peut-être qu’il y a un mystère à creuser : soit le texte biblique est débile, soit il est prodigieux. On est d'accord, il est pro-di-gieux.
Délibérément, l’Évangile intensifie l'obscurité sur ce point pour forcer notre intelligence à chercher le sens. Après avoir donné une mention chronologique claire (le soir du sabbat), le texte brouille les repères temporels.
Ce brouillage signale un mystère divin : il inaugure une nouvelle temporalité à l'intérieur de nos journées.
Et justement, le sabbat est le jour où Dieu lui-même s'est reposé ! Et pour l'humanité, jour de la joie de la communion, temps consacré à Dieu.
Si la résurrection a lieu le soir du sabbat alors que le sabbat va commencer, cela veut dire qu’elle nous fait entrer dans un temps circulaire qui n’a pas de fin : celui du grand Repos de Dieu lui-même. C'est comme si, dès que le dimanche prenait fin, il recommençait aussitôt (avouez que c’est alléchant !). C’est l’avènement du jour sans déclin, de la lumière qui ne s’éteint jamais.
1–20 La Résurrection est-elle représentable visuellement ? La résurrection, qui n’est guère matière à récit (Genres littéraires Mt 28,1–20), et dont l’appréhension repose sur la foi aux dires de témoins, eux-mêmes « prouvés » par les Écritures (→Résurrection, Écritures et parole de Jésus), est encore moins matière à représentation visuelle. Avant les grandes « machines » qui remplissent notre mémoire avec des images représentant les apparitions du Christ ressuscité, quand ce n'est pas le Christ en train de ressusciter (!), les artistes se sont posé la question de la représentation de l’Irreprésentable.
L’on n’est guère étonné que les évocations visuelles du Ressuscité aient commencé par la reprise de symbolismes conventionnels de victoire (Arts visuels Mt 28,6b).
De l'irreprésentabilité de la résurrection, les plasticiens anciens eurent la profonde conviction, surtout lorsqu'ils travaillèrent au service de la liturgie. La description d’une de leurs plus belles réussites, vaut bien tous les discours théoriques :
Son innovante base hexagonale est posée sur une colonne centrale (à la base sculptée de trois atlantes) et six colonnes latérales (à chapiteaux représentant les vertus de charité, force, humilité et foi, ainsi que les hérauts du jugement saint Jean Baptiste et l’archange Michelet) qui abritent des arceaux trilobés à écoinçons sculptés représentant des prophètes et des évangélistes. Sur le monument hexagonal, cinq panneaux en bas-relief représentent les scènes principales de la vie du Christ, du point de vue de l’humain sur le point d’être baptisé : nativité, adoration des mages, présentation au Temple, crucifixion et même, bien sûr, le Jugement dernier ; à l’exception de la résurrection.
C’est que le sixième côté de l’ambon est ouvert pour donner accès à la plateforme d’où le ministre peut, depuis l’aigle-pupitre à la charnière de la crucifixion et du Jugement dernier, proclamer l’Écriture — comme si l’annonce de la Parole était la seule « présentation » possible de la résurrection, l’expérience même, avec le baptême qu’on est en train de célébrer, de la rencontre avec le Ressuscité (→Phénoménologie des rencontres avec le Ressuscité; Théologie Mt 28,17 Voir, adorer ou douter).
Le maître lissier (sans doute flamand) auteurs des célèbres tapisseries de la Chaise-Dieu (France), donne à voir plusieurs des témoignages de rencontres du Ressuscité depuis la visitation de la Cité sainte jusqu'aux disciples d'Emmaüs, en passant par l'apparition à Madeleine, autour du Christ ressuscitant, sur sa composition sur la Résurrection.
Gustave Doré peignit la scène de la résurrection quelques jours avant sa mort.
Jésus Christ est proclamé Dieu fait homme. Il s’est laissé condamner et tuer sur la croix. Mourant dans son humanité, il descend jusqu’aux enfers où l’homme était enfermé depuis le péché d'Adam et Ève. La résurrection du Christ est pour les croyants cette espérance folle : la mort est vaincue par la Vie, puisque Dieu libère la création des enfers.
Sur le mur droit de la chapelle, Desvallières représente le mystère glorieux, la Résurrection, dans un grand panneau faisant face à celui de la Nativité, complété par la suite de trois vitraux. Les mêmes rayons de lumière descendent du vitrail central du Cœur du Christ et irradient du tombeau vide dans une représentation proche de de la Résurrection réalisée par Desvallières pour la chapelle de Saint-Privat (CR 1653). La scène est fixée à l’instant où le flamboiement du tombeau vide saisit les femmes recueillies dans la prière. L’évènement mystérieux prend place dans un jardin fleuri et luxuriant, Paradis retrouvé, où l’annonce de l’ange est accueillie dans un tourbillon de grâce. Sous cette scène biblique, l’artiste proclame l’ultime étape du salut : « IL EST RESSUSCITÉ. »
Les trois vitraux délivrent le même message : « PAR MOI – VOUS VIENNENT – LUMIÈRE ET VIE. » Ces verrières, comme celles du mur gauche, sont réalisées en 1933, après celles de Marguerite Huré pour le chœur. On ignore le nom du verrier et leurs dessins ne suivent pas les esquisses du maître qui reprenaient en fait les rayonnements et les nuées des décors (CR 2115).
À la suite du panneau de la nativité achevé à l’automne 1941, Desvallières continue la décoration entreprise pour la cathédrale d’Arras avec le panneau de droite où il représente un mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau. Le 25 octobre 1941, George écrit à sa fille France dans le Limousin : « […] Pour ma part, j’ai attaqué ma seconde grande toile très humblement, très tranquillement m’en remettant à la volonté du bon Dieu pour sa réussite ou non réussite. » Il traverse chaque jour la Seine pour se rendre dans son atelier non chauffé de Saint-Fargeau. Marguerite raconte à sa fille le 6 novembre les conditions dans lesquelles il travaille : « Papa exécute son deuxième panneau de 9 m, de l’autre côté de l’eau et il a oublié tout à l’heure la paire de chaussettes de laine qui lui sert de gants ».
Elle ajoute le 16 novembre « Papa est tellement acharné à sa grande toile afin de la terminer comme la première en deux mois qu’il vaudrait mieux pour lui ne pas s’absenter. » Et pourtant il fait quand même ses expéditions à Paris entre temps, puisqu’elle signale le 22 : « Papa est parti ce matin à 7 h 1/2 par une nuit étoilée pour son Institut, l’École des Beaux- Arts, ses 2 ateliers. » Le jour de Noël, George avoue à sa fille « Le bon Dieu me donne la force et la joie pour À la suite du panneau de la Nativité achevé à l’automne 1941, Desvallières continue la décoration entreprise pour la cathédrale d’Arras avec le panneau de droite où il représente un mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau. Le 25 octobre 1941, George écrit à sa fille France dans traverser tous les jours la Seine, pour travailler à ma Résurrection au milieu de toutes les fleurs du printemps. »
Le tableau prend forme. Le Christ ressuscité au cœur rayonnant de lumière domine le trou noir du tombeau qu’il a quitté et dans un merveilleux paysage de renaissance de végétation, il brandit le drapeau de la victoire sur la mort. La nature luxuriante qui environne le Christ libéré de son suaire illumine ce mystère glorieux. Le 23 mars 1942, l’artiste écrit au directeur général des Beaux- Arts : « Cher Monsieur Poli, Voudrez- vous dire à M. Hautecoeur que mon second panneau de l’église d’Arras est terminé aussi, c’est la “Résurrection”. Vous avez pu voir la “Nativité” au dernier Salon d’Automne. […] Ma toile est malheureusement ici à Seine-Port. Étant donné les dimensions, je n’ai pu la peindre que par terre comme les décorateurs de théâtre, les murs de mon atelier n’ayant pas les 9 mètres de hauteur voulus. » (Arch. Nat. Lettre manuscrite de G. Desvallières, F. 21/6/1737.) Desvallières expose les deux grands panneaux imaginés pour la cathédrale d’Arras au Salon d’automne 1942.
1–20 Pâques avec Jean Chrysostome Premiers et derniers, recevez le salaire ! Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble ! Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour ! Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l'avez point fait, réjouissez-vous aujourd'hui ! La table est prête, mangez-en tous ! Le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun ! Jouissez tous du banquet de la foi ! Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous. Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau. Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés. Il a détruit la mort, celui qu'elle avait étreint. Il a dépouillé l'enfer, celui qui est descendu aux enfers. Il l'a rempli d'amertume, pour avoir goûté de sa chair. Isaïe l'avait prédit en disant : — L'enfer fut rempli d'amertume lorsqu'il t'a rencontré rempli d'amertume, car il a été joué bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti. Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu. Il prit de la terre et rencontra le ciel. Il saisit ce qu'il voyait, et tomba sur celui qu'il ne voyait pas. Ô mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire?
Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé. Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie. Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau, car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles Amen.
St Jean Chrysostome, Homélie de Pâques, trad. M. Jeannin , Bar-le-Duc : Guérin, 1864.
1–20 La fête de Pâques depuis l'Eglise d'Orient Comment la Résurrection du Christ est-elle annoncée ? Quels sont les mots choisis ? Quel regard porte l'église d'Orient sur la fête de Pâques ?
L'ange de Pâques dit aux femmes d'aller dire qu'Il est ressuscité comme il l'avait dit et comme il vient de le dire, lui, l'ange.
La résurrection se rencontre d'abord dans une heureuse, une incroyable annonce placée par Dieu dans la bouche de ses témoins. L'un d'eux a si bien proclamé l'annonce qu'on l'a appelé « la Bouche d'Or », en grec : Chrysostome. Jean Chrysostome a été l'archevêque de Constantinople — aujourd'hui Istanbul au IVe siècle.
Voilà l’homélie que saint Jean Chrysostome écrivit pour le jour de Pâques. Dans les rites orientaux, elle est proclamée durant les Matines de Pâques, sous le doux nom de Hieratikon Tradition chrétienne Mt 28,1–20.
1–20 Représentations du Ressuscité
Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques (pseudo-Épiphane, Homélie pour le Samedi Saint, cité selon
, Dieu et l’homme d’aujourd’hui, 1956) décrit cette descente du Christ aux enfers :« Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla : — J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. […] Et lui ayant saisi la main, il lui dit : — Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton Fils. Lèves-toi, toi qui dormais car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image […] Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi, qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle des noces est préparée. Les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend. »
Pour retrouver une spiritualité moins doloriste, plus authentiquement pascale, de nombreux artistes occidentaux ne s'arrêtent pas à la mise au tombeau de Jésus et ajoutent des stations à la dévotion si populaire du →chemin de croix.
Et voici la station de la Résurrection : Jésus est vivant ! Il est vivant au milieu de cette constellation, de cet univers. De haut en bas, d’un vêtement blanc, de la gloire de cette blancheur ineffable, il bénit la Pologne, tout le peuple. Le Christ s’incorpore au corps de la nation ; de cette force et de ce regard, de cette intensité et de cette puissance. Mais l’artiste va encore poursuivre le commentaire. Et là, il va dépasser les stations traditionnelles d’un chemin de croix. (J.-M. N.)
1–10 La fête de Pâques vue d'Orient : message divin, calme et volupté
Comment la Résurrection du Christ est-elle annoncée ? Quels sont les mots choisis ? Quel regard porte l'Église d'Orient sur la fête de Pâques ?
Pour se plonger au cœur de la fête de Pâques, nous vous proposons une petite pépite : une compilation du chant « Le Christ est ressuscité » de la tradition orthodoxe en 16 langues (arabes, russe, français mais aussi coréen ou japonais). Enregistré çà et là avec les moyens du bord, des voix fluettes de l’Afrique aux profondes basses russes, il y en a pour tous les goûts.
Hymne chrétien orthodoxe parmi les plus connus et le plus beaux, il est chanté lors de la Fête des Fêtes - la Sainte Pâque, c'est-à-dire la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, le tropaire est ici chanté par différents chœurs dans différentes mélodies et dans différentes langues : slavon, espagnol, arabe, grec, anglais, araméen, japonais, vieux slavon, lugandien, français, coréen, estonien, latin, turc, hongrois, ethiopien, serbe, polonais, macédonien, biélorusse, géorgien, roumain, albanais, allemand, chinois, hongrois.
À noter : les chrétiens orthodoxes célébrent la Résurrection une semaine après les catholiques et les protestants. Une histoire de calendriers julien ou grégorien — on vous passe les détails pour cette fois !
Résumons : d'aller dire qu'Il est ressuscité comme il l'avait dit et comme il vient de le dire, lui, l'ange ... La résurrection se rencontre d'abord dans une heureuse, une incroyable annonce placée par Dieu dans la bouche de ses témoins.
L'un d'eux a si bien proclamé l'annonce qu'on l'a appelé « la Bouche d'Or », en grec : Chrysostome. Jean Chrysostome a été l'archevêque d’une ville qui au 4e s. portait le nom de Constantinople — et qui aujourd'hui s’appelle Istanbul.
La basilique Sainte-Sophie de Constantinople, construite entre 532 et 548, transformée en mosquée après la prise de la ville par les Ottomans en 1453, et devenue musée de l'Aya Sofya depuis 1934.
Voilà l’homélie qu’il écrivit pour le jour de Pâques. Dans les rites orientaux, elle est proclamée durant les Matines de Pâques, sous le doux nom de Hieratikon :
Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu'il reçoive aujourd'hui le juste salaire !
Celui qui est venu après la troisième heure, qu'il célèbre la fête dans l'action de grâce !
Celui qui est arrivé après la sixième heure, qu'il n'ait aucun doute, il ne sera pas lésé.
Si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, qu'il approche sans hésiter !
S'il a traîné jusqu'à la onzième heure, qu'il n'ait pas honte de sa lenteur,
car le Maître est généreux,
il reçoit le dernier comme le premier,
il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui de la première.
Il fait miséricorde à celui-là, et comble celui-ci.
Il donne à l'un, il fait grâce à l'autre.
Il accueille les œuvres, il apprécie le jugement ; il honore l'action et loue l'intention.
Aussi, entrez tous dans la joie de notre Seigneur ! »
Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble !
Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour !
Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l'avez point fait, réjouissez-vous aujourd'hui !
La table est prête, mangez-en tous ! Le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun !
Jouissez tous du banquet de la foi !Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous.
Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau.
Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés.
Il a détruit la mort, celui qu'elle avait étreint.
Il a dépouillé l'enfer, celui qui est descendu aux enfers.
Il l'a rempli d'amertume, pour avoir goûté de sa chair.
Isaïe l'avait prédit en disant :
— L'enfer fut rempli d'amertume lorsqu'il t'a rencontré
rempli d'amertume, car il a été joué
bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti.
Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu.
Il prit de la terre et rencontra le ciel.
Il saisit ce qu'il voyait, et tomba sur celui qu'il ne voyait pas.
Ô mort, où est ton aiguillon ?
Enfer, où est ta victoire ?
Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé.
Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie.
Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie.
Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau,
car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis.
A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles Amen. »
(trad. M. Jeannin, Bar-le-Duc : Guérin, 1864)
1–7 Les myrophores Les myrophores (du grec muron, « parfum liquide » et du verbe phoreo, « porter ») sont les femmes qui , à l'aube du Troisisème jour, viennent au tombeau de Jésus avec des onguents pour embaumer son corps. L'identité de ces femmes et leur nombre varint selon les évangiles:
La présence de Marie Madeleine au tombeau est donc attestée par les 4 évangelistes, ce qui fait d'elle le personnage principal des Myrophores.
Bien qu'il soit difficile dans les oeuvres des premiers siècle de déterminer, parmi les femmes venant au tombeau, qui est Marie de Magdala, on peut supposer qu'étant toujours citée en premier dans les évangiles, elle tient aussi la première place dans l'iconographie. Ici elle est représentée avec une torche et un onguent.
Dans le manuscrit de l’Évangile de Rabbula la scène du dessous représente la Résurrection du Christ selon Mt 28: deux femmes parlent à un seul ange puis voient Jésus ressuscité devant qui elles se prosternent. Bien que Matthieu identifie les deux femmes à Marie Magdeleine et à "l'autre Marie", l'identité de ces femmes dans l'evangiles de Rabula n'est pas claire. Qui est la femme avec l'auréole? Serait-ce la Vierge Marie comme dans la scène du haut où elle est représentée avec le même type de vêtement, auprès de st Jean? Serait-ce Marie Magdeleine avec son flacon de parfum?
Avec le 14e siècle, les émotions des personnages transparaissent d'avantage. Ici, dans la scène de la Resurrection en bas , les saintes femmes se rendent au lieu de la sépulture où, sur un cercueil en pierre ouvert, un ange leur indique de la main que Jésus n'est plus ici. Marie madeleine, toujours vêtue de rouge, s'agenouille aux pieds de Jésus ressuscité. Dans cette représentation sont donc représentées 4 femmes qui correspondraient aux 4 noms donnés en adittionnant les 4 évangiles: Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, Salimé et Jeanne.
Encore dans la pénombre, les femmes arrivent au tombeau où elles trouvent assis sur la pierre , un ange tout illuminé qui leur indique que celui qu'elles cherchent n'est plus ici. Toute l'expression des personnages passe par les mains et non par les visages qui restent dans l'ombre. Tout près de l'ange, se tient Marie de Magdala habillée de rouge et les cheveux découverts. Elle tient de ses deux mains un grand vase de parfum, attribut qui lui est propre.
Dans son tableau Les saintes femmes au Sepulcre, Rubens a réprésenté deux anges et non un seul, à l'entrée du tombeau ouvert du Christ. Seule la lumière émanant du tombeau permet d'éclairer la scène. Ce n'est plus deux ou trois femmes qui sont là pour l'enbaumement mais six. Qui parmi elles est Marie Madeleine? Peut etre cette femme à la robe rouge qui tourne le dos et ne porte pas de voile? A moins que ce soit celle qui se penche en avant et qui tient en ses mains un onguent ?
26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).
La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.
De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.
La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.
Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.
Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.
La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.
Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.
À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.
La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.
Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.
Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :
Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?
Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.
Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.
Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :
En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)
Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.
Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.
Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :
Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.
La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.
Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.
Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.
Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.
(avec fr. Benoît Ente o.p.)