La Bible en ses Traditions

Exode 6,0 ; 28,1–7,29 ; 7,7

M S Sam
G
V

Et Moïse avait quatre-vingts ans

et Aaron avait quatre-vingt-trois ans

quand ils parlaient à Pharaon.

Moïse avait quatre-vingts ans

et Aaron son frère avait quatre-vingt-trois ans

quand il parla à Pharaon.

Moïse, quant à lui, avait quatre-vingts ans

et Aaron quatre-vingt-trois

lorsqu'ils parlèrent à Pharaon.

Réception

Arts visuels

14,19 Puzzle hiéroglyphique

Thomas Bewick (1753-1828); Rowland Hill (1744-1833), New Hieroglyphical Bible, (Impression au plomb et gravure sur bois, 14 cm x 9 cm)

Thomas Fisher Rare Book Library, Toronto, © Public Domain - Photo : Dr. Ralph F. Wilson

23,16s la fête de la moisson Sukkot à la synagogue

19e s.

Leopold Pilichowski (1869 - 1934), Sukkot à la synagogue (huile sur toile, 1894), 109,2 x 138,4 cm

Lodz, Pologne, Jewish Museum, New York→

© Domaine public, Ex 23,16-17 ; Ex 34,22 ; Lv 23,34-43 ; Nb 29,12 ; Dt 16,13-16 ; Jg 9,27

Composition

Leopold Pilichowski est un peintre juif réaliste polonais, apprécié pour ses peintures de scènes hébraïques et leurs personnages typiques. Ici, les deux hommes à droite sont vêtus de manière traditionnelle, ils portent des châles de prières et ont la tête couverte. Ils donnent à examiner au rabbin une branche de saule, et une palme de dattier et observent eux-même un cédrat : il s'agit là pour eux de respecter la prescription des quatre espèces faite en Lv 24.

12,8 herbes amères Plus amère encore : la femme !

Enluminure juive de la Renaissance

Yoel Ben Shimon, Enluminure (détrempe sur parchemin), commande de Moses ben Yekutiel Hakohen, Italie du Nord, 1479

« Rothschild Haggadah », Musée d'Israël, Jérusalem © Domaine public→  Qo 7,26 ; Ex 12,8

Une coutume veut que l'homme désigne sa femme quand il prononce le mot maror (« herbes amères ») selon le verset de Qo 7,26.

Liturgie

24,4s Moïse bâtit un autel pour le Seigneur

« Sanctificavit »

Traditionnel, Offertoire - Sanctificavit

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ex 24,4s

Arts visuels

14,21–15,13 Moïse figure du prêtre

20e s.

Vitrail

Raymond van Bergen (1883-1978), vitraux des confessionnaux, 

Troisième vitrail, verrière droite, église du couvent dominicain de Zwolle, Pays-Bas

© BEST a.i.s.b.l. ; D.R. photo Joop Van Putten, Mt 9,20-22 ; Ex 14,21-31 ; Ex 15,13

Prêtre dominicain du couvent de Zwolle (Pays-Bas) l'artiste a peint de nombreuses œuvres d'arts : peintures, gravures, mais surtout des vitraux dans de nombreuses églises hollandaises. Ces vitraux présentent soit des saint(e)s dominicain(e)s, soit des passages bibliques. Les « vitraux des confessionnaux » dans son église maternelle, l'église du couvent dominicain de Zwolle, relèvent du second genre. Les commentaires sont basés sur les recherches de Cees Brakkee o.p., confrère-dominicain de Zwolle.

À droite, la traversée de la mer Rouge. Le placement du vitrail dans le cadre des confessionnaux s'explique par son sous-titrage d'Ex 15,13 : « Par ta fidélité tu conduis ce peuple. » Le prêtre devient un guide spirituel pour celui qui se confesse et par là atteint la libération de la servitude du péché. Cela explique la concentration sur Moïse, dépeint très grand, et l'absence des Égyptiens.

Liturgie

13,9–16 tu les attacheras sur ta main pour te servir de signe LITURGIE JUIVE Institution des tephilin

Définition

Les tephillin (judéo-araméen : תפילין, tefillin, singulier hébreu : tefilla), dits « phylactères » (grec ancien : φυλακτήριον phylacterion, « amulettes ») dans les sources chrétiennes, sont des objets de culte du judaïsme rabbinique. Il s’agit de deux petits cubes contenant quatre passages bibliques (Ex 13,9.16 ; Dt 6,8 ; 11,18).

Rituel

On les attache au bras (lié au cœur et à la force de travail) et sur le front (lié à l’esprit), par des lanières de cuir, durant la lecture du Shema et pendant  la prière matinale des jours profanes par les hommes ayant atteint leur majorité religieuse.

Institution

Outre les passages bibliques sus-mentionnés : m.Menaḥ. 3:7 ; b.‘Erub. 95b, b.Sanh. 4b, b.Menaḥ. 34a-37b.

Père et fils portant des Tephilin, (2011)

CC BY-SA 3.0→© photo יעקב  Ex 13,9.16 ; Dt 6,8 ; 11,18

Tel père, tel fils : ce touchant cliché illustre admirablement l'idéal de transmission de génération en génération de Dt 6,2.7. Le père est gaucher, son tephilin est  sur sa main droite. Le fils est droitier : ils le porte sur la main gauche.

Description

Le respect de la lettre scripturaire touche les moindres détails :

  • Le tefillin du bras, parce qu'il est désigné au singulier en hébreu (’ôt, signe) comporte un seul compartiment contenant les quatre passages bibliques écrits sur une seule bande de parchemin ;
  • le tefillin de la tête, parce qu'il est désigné au pluriel en hébreu (totāfot, « ornements frontaux »), est divisé en quatre compartiments séparés contenant chacun un petit rouleau.

Fabrication

Après qu'il s'est purifié au mikvé (bain rituel), il faut 10 à 15 heures à un sofer (scribe) pour écrire en écriture hébraïque Ashuri, avec de l'encre, sur des parchemins et dans un ordre codés par la halakha, les 3 188 lettres que contiennent les quatre passages

Willem van de Poll, Un homme fabrique des teffilin derrière une table de travail pleine, (photographie, 1964), Jérusalem

Nationaal Archief, Pays-Bas — 2.24.14.02 © CC0 1.0→ 

Outre les lanières de cuir, au premier plan, on distingue sur la table de préparation des boitiers à quatre compartiments et des boitiers à compartiment unique.

Musique

1,11 ; 3,18 ; 4,1–33 ; 5,1–23 ; 7,1–25 ; 8,1–32 ; 9,1–17 ; 10,1–29,13 Let my people go

20e s.

Louis Armstrong (1901-1971), Go Down Moses, 1958

 © Licence YouTube standard→, Ex 3,18.4,1-33.5,1-23.8,1-32.7,1-25.9,1,13.17.1,11.10,1-29.13,15.17,1-16.11,1-10

Composition

Go Down Moses est un negro-spiritual, inspiré par l'Ancien Testament de la Bible, (Exode 5:1 et 8:1). Israël représente les esclaves africains d'Amérique alors que l'Égypte et le Pharaon représentent les maîtres esclavagistes. Cette chanson a été popularisée par Paul Robeson. Le 7 février 1958, elle est enregistrée à New York par Louis Armstrong avec Sy Oliver's Orchestra.

Paroles

Go down, Moses, way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. Now when Israel was in Egypt land (Let my people go) oppressed so hard they could not stand (Let my people go), so the Lord said : go down, Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. So Moses went to Egypt land (Let my people go), he made old Pharaoh understand (Let my people go), yes the Lord said : go down, Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. Thus spoke the Lord, bold Moses said, (Let my people go), if not I'll smite your firstborn dead (Let my people go), 'cause the Lord said : go down Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go, tell old Pharaoh to let my people go.

Contexte

Repères historiques et géographiques

12,1–19,25 Première partie de la route de l'Exode

Itinéraire des Hébreux d'Égypte au Sinaï, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Ex 12-19 ; Nb 33

Note

L'itinéraire suivi par les Hébreux n'est pas certain. Il existe d'autres possibilités selon la localisation du Mt Sinaï (ici, le Mt Sinaï est identifié à Djebel Musa) . Aucune des étapes du voyage ne peut être localisée avec certitude.

Choix sur cette carte:

  • Pitom, ville du district de Sukkot (cf. Ex 1,11) est identifiée à Tell el-Maskhouta.
  • Mara, à Ein Musa
  • Elim, à wadi Gharandal
  • Dophka, à Sarabit al-Khadim
  • Rephidim à wadi Feiran Pi-Hahirot,
  • Pi-Hahirot, Migdol, Baal-Çephon, Alush sont difficiles à localiser.

Cet itineraire est l'itinéraire traditionnel rapporté par Égérie Itin..  

Toponymie

Ramsès, Sukkot, Égypte, Étam, Pi-Hahirot, Migdol, Baal-Çephôn, désert de Shur, Mara, Élim, désert de Sîn, Dophka (Nb 33), Alush (Nb 33), Rephidim, Massa et Meriba, désert du Sinaï

19,1–34,35 Emplacement du mont Sinaï

Le mont Sinaï, (numérique, 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Lv 1-27 ; Nb 9 ; Ex 3 ; Ex 19-34 

Le mont Sinaï sur cette carte est associé au djebel Musa au sud de la péninsule du Sinaï, où se trouve le monastère Sainte-Catherine. D'autres localisations ont été proposées au nord de la pénisule ou encore au Negeb par ceux qui adoptent un autre itinéraire pour les Hébreux. Toponymie Sinaï, Horeb.

Mohammed Moussa, Vue du sommet du Mont Sinaï (Jabal Musa , جَبَل مُوسَىٰ), (photographie, 2013)

© CC-BY-SA-3.0→,

Réception

Arts visuels

24,10 le ciel quand il est serein La couleur bleue ou le Dieu saphir Les vitraillistes nous aident à comprendre une telle place de la couleur du ciel, dans l'une des théophanie les plus énigmatiques et bouleversantes de l'Ancien Testament

Vitrail du 20e s.

Naves Claudio (âge : non renseigné), vitraux contemporains, 1980

 Eglise Dom Bosco, Brasilia

Photo Blog de Yann→ © D.R.

Composition
  • « C’est en 1980 que la superbe église bleue a été inaugurée à Brasilia en hommage à son saint patron, l’italien Dom Bosco, qui fit le rêve prophétique d’une ville élevée en plein désert —et qui inspira, par la suite, la création réelle de Brasilia. Cette construction rectangulaire, qui s'élève à seize mètres de hauteur, exhibe de merveilleux vitraux réalisés par Claudio Naves. Fruit d'une profonde méditation sur la couleur céleste, leur couleur bleu saphir évoque la présence divine qui se répand dans l'âme humaine. » (V. L., 2019).

Vitrail contemporain

Asse Geneviève (1923- ), Vitrail, 1989 - 1992, Collégiale Notre-Dame, Lamballe

Photo : Blog de Cecilia Avila→ © D.R.

  • « Si, pour le grand théologien Hans Urs von Balthazar, 'seul ce qui comporte une figure peut transporter et plonger dans le ravissement' (La Gloire et la Croix, 1965, 28), pour nombres d’artistes contemporains il en va autrement. Dans le cas de Geneviève Asse, c’est davantage le travail sur la couleur pure — un bleu de sa fabrication, dilué jusqu’à l’obtention d’une transparence captivante — qui obtient les faveurs ; se faisant véhicule des émotions religieuses par l’intermédiaire du support de verre. Parce qu’il s’agit ici de transfiguration, c’est-à-dire du dépassement de la figure au profit d’un immatériel façonné par la seule lumière — qui convertit le vide en solennité et le silence en une voix manifestée dans l’intériorité. Le 'bleu Asse' permet bien ce transport de l’âme évoqué par le théologien suisse : la bande blanche qui le traverse dans cette réalisation le diffracte sur les murs de l’édifice, provoquant la métamorphose de son espace — il devient tout entier expérience esthétique et, mieux encore, métaphysique. Au cœur de la collégiale Notre-Dame qui était autrefois la chapelle du château des Penthièvres, le Roi est bien vivant » (V. L., 2019).

Littérature

12,14 Ce jour sera pour vous un mémorial FRANÇAIS BIBLIQUE

  • « Faire ses pâques » : l'expression vient de la demande de l'Église aux fidèles de se confesser et de communier le jour de Pâques pour célébrer la Cène, la Passion et la Résurrection du Christ. Faire ses Pâques se situe donc dans la continuité des Juifs qui commémorent la sortie d'Égypte et la libération de l'esclavage : signifiant le passage, la première Pâque annonce la seconde, passage du Christ qui libère du péché.

    Drapeau de la francophonie→, © Domaine public 

Arts visuels

14,26–31 Le passage de la mer Rouge, de siècle en siècle Un épisode aussi spectaculaire ne pouvait pas échapper à l'attention des artistes visuels à travers l'histoire.

13e s.

Anonyme, Le passage de la Mer Rouge, (enluminure sur parchemin, 1266),

Jerusalem, Armenian Patriarchate Library n° 2027 © Domaine public→, Sg 19,1-9

17e s.

Entre deux eaux

Nicolas Poussin (1594-1665), Le Passage de la mer rouge, (huile sur toile, 1634), 155,6 × 215,3 cm,

Collection dal Pozzo, National Gallery of Victoria, Melbourne  © Domaine public→

19e s.

Baignade interdite

Gustave Doré (1832-1883), Les Egyptiens se sont noyés dans la mer Rouge, (Gravure sur bois, 1866),

Illustration de la grande → Bible de Tours © Domaine public→

20e s. 

« Au nom de la liberté de toutes les religions »

Peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Jean Devemy, chapelain au Sanatorium de Sancellemoz au Plateau-d’Assy, prit entre 1938–1946 l’initiative de construire l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce au Plateau d’Assy. Cette station pour les malades pulmonaires en Haute-Savoie ne disposait jusqu’alors que de petits espaces sacrés sous forme de chapelles intégrés dans les bâtiments des sanatoriums. Rappelons dans ce contexte que depuis le Concile de Trente 1545–1563, l’art ecclésiastique était étroitement réglé par l’Église, « en sorte qu’on n’expose aucune image porteuse d’une fausse doctrine et pouvant être l’occasion d’une erreur dangereuse pour les gens simples.3» Sous l’influence des réflexions du père dominicain Marie-Alain Couturier concernant le renouveau de l’art ecclésiastique, le chanoine Devemy envisagea d’ouvrir l’église du Plateau d’Assy non seulement à l’art contemporain, mais avant tout aux plus grands artistes. De cette façon des artistes comme Georges Rouault, Pierre Bonnard, Fernand Léger, Jean Lurçat, Henri Matisse, Germaine Richier, Jacques Lipchitz et bien d’autres ont contribué à la décoration de l’église. 

Marc Chagall (1887-1985), Passage de la mer Rouge, (Peinture sur céramique, 1956), 250 x 230 cm, Carrelage mural,

Chapelle baptismale, Notre-Dame-de-Toute-Grâce, Plateau d'Assy, France,  D.R. © Photo : archives Barbara von Orelli

L'œuvre est signée et datée : « Au nom de la liberté de toutes les religions. Chagall 1956. » Le thème du passage de la mer Rouge avait été peint une première fois par l’artiste dans les gouaches de la Bible en 1931. Ce n’est qu’après 1950 que le chanoine Devemy s’adressa à Marc Chagall pour la décoration de la chapelle baptismale. Celui-ci proposa de l’orner d’un vitrail, de deux plaques en marbre en bas-relief pour les murs latéraux et une grande œuvre peinte sur carrelage blanc fixé au mur vis-à-vis de la porte d’entrée.

La composition dispose d’une direction centrale du bas à gauche vers le haut au centre. Dans la moitié inférieure, enveloppés d’un nuage blanc, se trouvent les soldats du pharaon sur leurs chevaux et avec les épées levées. Le peuple israélite est représenté dans sa marche dans la moitié supérieure de la composition, conduite par un ange qui l’accompagne et le guide en toute sécurité. Moïse veille sur le tout, figure montant du coin inférieur gauche et orchestrant l’exode des Israélites avec son bras levé comme un chef d'orchestre. La couleur de l’œuvre est dominée par le bleu, la couleur de la mer, le blanc du nuage par lequel l’armée égyptienne est enveloppée, et la colonne israélite rendue par des tons plus sombres. Tout en haut, à l’horizon sombre, apparaît une traînée d'aurore.

La dynamique particulière de la composition du bas droit au centre supérieur se traduit également par une extension de l'espace réel, à savoir le baptistère.  Le passage de la Mer Rouge de l'Ancien Testament et le baptême présentent des analogies. Dans les deux cas, il s’agit d’échapper à la condition ou à la menace de mort pour accéder à la vraie vie : Liturgie Ex 14,19–24... (B. V.O.)

24,1–18 En quête de Lumière sur la montagne CONTEMPLATION Du Sinaï à la Sainte-Victoire

19e s.

Paul Cézanne (1839-1906), Plaine provençale, (Huile sur toile, 1883), 58,5 x 81 cm

Stiftung, Winterthur.

Un paysage paisible de Provence qui semble absorber Cézanne, lui qui est tellement amoureux de sa terre gorgée de lumière. La lumière ne vibre plus comme chez les impressionnistes mais devient respiration de couleurs chaudes ; elle s’étale de manière égale sur les différentes surfaces selon une géométrisation de l’espace comme pour construire des volumes, des formes. Le peintre découvre la puissance implacable du soleil. Il donne à voir comment la couleur, sous l’effet du soleil, se libère et s’impose par elle-même. La lumière est matière, feu incandescent. Ce marcheur peint en extérieur, mais est en quête d’une harmonie intérieure : il veut regarder, comprendre avant de peindre. S’il peint d’après nature, ce n’est pas pour la reproduire, mais pour traduire ses sensations, ses coups de cœur. Car il se laisse transpercer par la nature pour aller, au-delà des apparences, chercher les formes, les couleurs, les lumières de la Création originelle.

La nature le conduit à l’art. La Sainte Victoire fut le lieu de sa propre révélation, montagne sacrée, Sinaï de sa vocation d’artiste : il devint ainsi le « nouveau Moïse » de la peinture Moderne, « notre maître à tous » reconnaissait Pablo Picasso. Autre grand admirateur, le poète Henri de Régnier écrit dans La Prière de Paul Cézanne : «  Seigneur de la clarté de l’air et du nuage Toi vers qui si souvent mon appel s’est tourné… Considère ces yeux qui fixèrent les choses Avec un tel désir de voir leur vérité… ». (J.-M. N.).

24,7 Lecture prophétique

Art synagogal antique

Anonyme, Prophète tenant le rouleau de la Loi (fresque, ca. 250-256), panneau latéral vertical III

Synagogue de Doura Europos, Musée national de Damas→, AO 15775 © Domaine public

Ex 24,7 ; Jr 16,11 ; Esd 7,6 ; Ne 8 ; 2M 2,4-5

Composition

Succédant à un premier édifice datant de la seconde moitié du 2e s., la synagogue de Doura Europos fut reconstruite vers 244-245. Celle-ci est dotée d'un ensemble de fresques figuratives qui sont un témoignage rare de l'art de cette époque et qui constituent aujourd'hui l'une des pièces majeures du musée national de Damas. Les spécialistes hésitent dans l'identification du prophète ici représenté. Il est dans une posture de léger contrapposto, le poids de son corps reposant sur sa jambe droite. Il exhibe un rouleau ouvert déroulé, et à ses pieds est posé un objet ayant la forme habituelle de l'Arche d'Alliance. S'agit-il de Moïse proclamant l'alliance, l'arche qui la symbolise étant à ses pieds ? S'agit-il plutôt de ce nouveau Moïse que fut Esdras, promulguant à nouveau la Loi (à ses pieds, on aurait affaire à un simple coffre à rouleaux) ? Ou bien, le personnage ne lisant pas, mais exhibant le rouleau, et étant associé à l'Arche et à son tabernacle, s'agit-il de Jérémie tel qu'il est évoqué en 2M 2,4-5 ?

27,9–19 Tu feras aussi le parvis de la demeure La construction du tabernacle Gerard Hoet,  peintre néerlandais du Siècle d'or, s'efforce de représenter tous les détails de cette construction dans des gravures de grand style. (Il n'oublie même pas ...  les cornes de Moïse !)

18e s.

Gerard Hoet (1648 - 1733), La Construction du Tabernacle, (eau-forte, 1728) dans Figures de la Bible, La Haye : P. de Hondt, 1728

N8025. F5 1728, University of Oklahoma Libraries, Norman (États-Unis)

© Domaine public→, Ex 25,10-40 ; 38,9-20

Composition

Moïse au premier plan, distingué par les rayons lumineux de sa tête, tel un maître d'œuvre dirige les plans de la contruction du sanctuaire. On aperçoit au second plan un chantier gigantesque : le Tabernacle tel que Dieu l'a commandé prend forme au milieu du campement des Hébreux et le détail de son exécution est déployé en Ex 38,8-20.

Littérature

9,20s le verbe du Seigneur  + la parole du Seigneur (V) FRANÇAIS BIBLIQUE De la parole au Verbe et réciproquement En deux versets le scribe latin fait la variation verbum Domini / sermo Domini pour désigner la même réalité, l'oracle tout juste prononcé par Moïse devant Pharaon (Ex 9,13-19). Par le choix de verbum pour désigner la « parole » de Dieu entendue et mise en pratique par les uns (Ex 9,20), et de sermo pour la désigner en tant qu'elle est négligée par les autres, le scribe latin suggèrerait-il que les incroyants n'entendent que de simples paroles là où les croyants sentent obscurément le mystère du v.Verbe ?

Du latin ...

Le nom verbum, omniprésent dans les Écritures, signifie « mot, énoncé, parole(s) » et beaucoup plus encore. Il assume les significations de dabar et de logos, cristallisant la méditation sur la présence d'un « langage » transcendant avec le Créateur, participé dans la création. Cet usage culmine dans le Nouveau Testament pour désigner le mystère personnel de Jésus-Christ (cf. V—Jn 1,1.14.17).

L'expression verbum Domini, en particulier, crée donc un fil continu de révélation christique, de livre en livre. Pour les scribes latins :

  • elle dénote non seulement les paroles attribuées à Dieu, mais aussi Jésus-Christ comme ce Verbe ultime ;
  • elle connote donc aussi sa prééxistence, dans des proportions difficilement déterminables.

... au français

CNRTL →:

  • En littérature, un verbe peut encore signifier un énoncé, une parole ou une suite de paroles : Paul VerlaineSagesse, (OC. vol. I), Paris : Vanier, 1902 : « Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes » (238).
  • En théologie, le Verbe est la Parole divine adressée aux hommes, Dieu lui-même incarné en sa deuxième Personne en Jésus-Christ. 

Autant que possible, nous traduisons donc verbum par « verbe », souvent sans majuscule, parfois avec.

Drapeau de la francophonie→ © Domaine public

Texte

Procédés littéraires

17,13 glaive dévorant  FRANÇAIS BIBLIQUE L’expression latine « in ore gladii », traduit l’expression hébraïque lepî-hereb.

  • En hébreu, le est lexicalisé en préposition, signifiant selon, par. lepî-hereb signifie donc au moyen de l'épée, ou au fil de l'épée.
  • V, à l'instar d'Aquila, transpose littéralement, réactivant ainsi l'étymologie de la préposition. En effet, pe désigne la bouche, orifice qui donne accès à l’intérieur du corps ; par métaphore toute ouverture : le monde souterrain, une grotte, un puits ;  et par métonymie, une rive, ou un bord.
  • Si cette locution est complètement lexicalisée en hébreu, elle ne l’est pas en latin, où elle demeure inusitée et marginale, exception faite de saint Jérôme. Pour conserver quelque chose de la bouche à laquelle semble tenir le traducteur latin, nous rendons l'expression par « glaive dévorant ».

FRANÇAIS BIBLIQUE

Drapeau de la francophonie→ © Domaine public 

Contexte

Milieux de vie

27,1–8 L'autel à cornes Chez les anciens Sémites, les archéologues ont découvert de multiples spécimens d’autels munis de cornes.

1. Construction et évolution de l'autel hébreu

  • Primitivement il était fait de terre (Ex 20,24), ou d’une grande pierre brute (Jg 13,19; 1S 6,14).
  • Ensuite, on put user d’autels construits, mais sans que les pierres ne soient dégrossies (Ex 20,25; Jos 8,31).
  • Celui que la dernière rédaction attribue à Moïse (Ex 27,1-8 ; 38,2) était carré, mesurait 5 coudées de long et de large et 3 coudées de haut, fait de bois d'acacia recouvert d'airain.

En 1973, l’archéologue israélien Yohanan Aharoni, (qui avait déjà découvert à Tell Arad un autel en pierres non équarries (10e-8e s. av. J.-C.), découvrit parmi des pierres de remploi un autel à cornes de l'ancien Israël à Tell Beer-Sheva, au cours de fouilles dans les magasins royaux de Beersabée restaurés par le roi Ézéchias (716-687 av. J.-C.) après l’invasion destructrice du roi assyrien Sennachérib (en 701 av. J.-C.).

Autel à cornes de Tell Beer Sheva, (pierre taillée, 8e s. av. J.-C. ?), 1,57 X 1,57 X 1,57 m

Musée d'Israël, Jérusalem © Domaine public→ dimensions : Ex 27,1 ; 38,1 ; 2Ch 6,13 ; serpent idole 2R 18,4 ; Am 5,5 ; 8,14

 En rassemblant des pierres aux tailles étranges, il reconstitua un autel à sacrifices complet, muni de ses cornes aux quatre coins, de 1,57 m largeur et de hauteur (cornes comprises) : converties en coudées, ces dimensions donnent exactement trois coudées royales, comme requis par Ex 27,1 ; 38,1 ; 2Ch 6,13.

L’une des pierres porte la gravure d’un serpent enroulé. Symbole de fertilité dans tout le Proche-Orient ancien, de puissance thaumaturgique (Ex 7,15), de guérison autant que de maladie (Nb 21,4-9), il finit en idole jusqu’à l’époque d’Ézéchias (2R 18,4).

L'autel à cornes de Tell Beer Sheva, (photogravure soulignant le dessin du serpent)

© D.R. Interbible, Fair Use→,  serpent idole 2R 18,4 ; Am 5,5 ; 8,14

 Outre cette gravure, le fait que les pierres soient taillées expliquerait-il la condamnation du sanctuaire par le prophète Amos (Am 5,5 ; 8,14) ? Le pieux Ezéchias (2R 18,3-4) pourrait avoir fait démanteler cet autel pour cette raison. (Noter cependant Yigael Yadin le rajeunit de 100 ans : pour lui, le mur où les pierres ont été retrouvées en remploi a probablement été détruit à l'époque où les Babyloniens ont conquis et détruit Jérusalem en 587 av. J.-C.).

2. Symbolismes

Cf. Girard 20161,473.

  • cosmique : tout comme le temple carré ou rectangulaire, l’autel correspond à un espace sacré qui synthétise en petit l’univers entier.
  • féminin : lorsque Moïse consacre le Tabernacle dans le désert, il aspergea l'autel des holocaustes avec l'huile d'onction sept fois (Lv 8,10-11 ), et le purifia en oignant ses quatre cornes avec le sang d'un taureau offert en sacrifice d'expiation , « et versa le sang au pied de l'autel et le sanctifia, pour y faire l'expiation » (Lv 8,14-15). La base de l’autel, « tel un utérus vorace, reçoit le sang et réabsorbe la vie sacrifiée » En même temps, l’autel servait de matrice protectrice: tout criminel poursuivi jouissait de l’immunité totale lorsqu’il s’agrippait aux cornes de l’autel (vieille coutume du « droit d’asile » dans les sanctuaires).
  • masculin : Le mot « autel » lui-même [latin alt-are] porte étymologiquement l’idée de hauteur [alt-um]. On dit même: « ériger un autel ».

Ce symbolisme est peut-être redoublé dans les cornes de l’autel.

3. Symbolisme redoublé dans les cornes

Les cornes ont plusieurs significations et fonctions, à tel point qu'elles servent aux prophètes pour des action (1R 22,11 et 2Ch 18,10) ou vision (Za 2,1-4) symboliques :

  • Elles intensifient le symbolisme cosmique de l’autel par leur nombre : 4 (points cardinaux, vents, etc.) renvoie à la totalité cosmique.

  • Elles lui ajoutent un aspect de verticalité : les cornes dressées évoquent la montée du sacrifice ou de l’offrande vers le ciel.

Certainement liées à la représentation des dieux du Proche-Orient ancien, dont elles ornaient les coiffes en signe de leur souveraineté sur le monde de la création (Milieux de vie Ex 34,30), peut-être sont-elles organes-témoins d’un dieu-taureau ou bélier à l’arrière-plan extra-biblique et païen de ce type d’autel ? Elles apportent à l'autel des attributs divins :

  • Elles symbolisent la force, humaine et surhumaine : elles métaphorisent une armée dévastatrice (cf. Dt 33,17 ; Mi 4,13) ou même une puissance démonique en Ps 22,22 ; elles font partie de la panoplie des monstres symboles du Mal : Dn 7,7-8.11.20-21.24 ; 8,3-9.20-22; Ap 12,3 ; 13,1.11 ; 17,3.7.12.16. « Ventiler des cornes » signifie disperser des ennemis qu'on a battus : cf. Littérature Ez 5,10.

  • Elles symbolisent la fécondité (par métonymie du taureau, symbole de puissance mâle : Ps 75,11 ; 89,18.25 ; 112,9 etc.) : en certaines occasions, le rituel exigeait qu’on prenne un peu du sang des victimes animales pour en imbiber les cornes de l’autel.

  • Elles ont un lien avec la lumière : Vocabulaire Ex 34,30.

Finalement, les cornes de l’autel matérialisaient en quelque sorte la présence divine

  • Un tabou interdisait de mettre à mort le fugitif qui se réfugiait au temple et saisissait les cornes de l’autel : il tombait sous la protection de Dieu (Ex 21,141R 1,50s ; 2,28).
  • Les cornes étaient un tel symbole de la Présence que c’est en les cassant qu’on faisait perdre à un autel son caractère sacré (Am 3,14).