La Bible en ses Traditions

Matthieu 21,0 ; 28,1–32,20

Byz S TR Nes
V

...

Or, le soir du sabbat, alors que [ça] luisait vers le premier [jour] de la semaine,

Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent pour voir le sépulcre

...

et voici : il se fit un grand tremblement de terre,

car un ange du Seigneur descendit du ciel

et, s’étant approché, roula la pierre et se tenait assis sur elle.

...

Son aspect était comme un éclair

et son vêtement comme la neige.

...

Par crainte de lui, les gardes furent épouvantés et devinrent comme des morts.

...

L’ange répondit et dit aux femmes :

— Ne craignez pas, vous, 

car je sais que vous cherchez Jésus, qui a été crucifié.

...

Il n'est pas ici,

car il est ressuscité, comme il [l']a dit.

Venez, voyez le lieu où le Seigneur avait été déposé

... 

et, vous en allant vite, dites à ses disciples qu'il est ressuscité 

et voici : il vous précède en Galilée ;

là vous le verrez.

Voilà, je vous [l']ai prédit. 

...

Et elles sortirent vite du tombeau avec crainte et grande joie,

courant [l']annoncer à ses disciples.

... 

Et voici : Jésus les rencontra disant : — Salut !    

Et elles s'approchèrent, tinrent ses pieds et l'adorèrent. 

10 ... 

10 Alors Jésus leur dit :

— Ne craignez pas,

partez, annoncez à mes frères qu’ils aillent en Galilée, là ils me verront. 

11 ...

11 Quand elles étaient parties,

voici : quelques-uns des gardes vinrent à la ville

et annoncèrent aux princes des prêtres tout ce qui s'était passé.

12 ...

12 Et s'étant assemblés avec les anciens et un conseil ayant été tenu, ils donnèrent une importante [somme] d'argent aux soldats

13 ... 

13 disant :

— Dites : — Ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé quand nous dormions. 

14 ...

14 Et si cela était entendu du gouverneur,

c'est nous qui le persuaderons et nous vous rendrons libres de tout souci.

15 ... 

15 Eux donc — argent pris — firent comme ils avaient été enseignés

et cette parole s'est diffusée parmi les Juifs jusqu'au jour d'hui. 

16 ...

16 Quant aux onze disciples, ils allèrent en Galilée à la montagne que Jésus leur avait fixée.

17 ...

17 Et le voyant, ils adorèrent,

mais certains doutèrent.

18 ...

18 Et s'avançant, Jésus leur parla disant :

— Il m'a été donné tout pouvoir au ciel et sur terre.

19 ...

19  Allant donc, enseignez toutes les nations,

les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

20 ... 

20 leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé.

Et voici : moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation du siècle.

ICI FINIT L'ÉVANGILE SELON MATTHIEU

Contexte

Littérature péritestamentaire

28,19 baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit

  • Did. 7,1.3 ''Pour le baptême, baptisez de cette manière : [...] baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (cf. Mt 28,19) dans de l'eau courante. [...] verse trois fois de l'eau sur la tête au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (cfMt 28,19).

28,6 car il est ressuscité... Parallèles

  • Barn. 15,9 "Voilà bien pourquoi nous célébrons comme une fête joyeuse le huitième jour pendant lequel Jésus est ressuscité des morts et, après être apparu, est monté aux cieux."

Ce qui suit est extrait d'un texte qui se fait l'écho de très anciennes professions de foi christologique :

28,1–4 Parallèle Dans le récit de la résurrection, l'auteur de l'apocryphe donne une interprétation de l'événement. Il met en évidence que la résurrection du Kurios est associée à sa mort. Pour le moment de la résurrection, le texte est un témoin très ancien d'une exégèse de Mt 28,1, précisant qu'il a eu lieu non pas à l'aube du dimanche, mais bien avant dans la nuit du samedi quand naît le dimanche : pour l'expression cf. Did. 14,1 et Ignace d’Antioche Magn. 9,1. Au lieu du tremblement de terre dont parle Mt 28,2, c'est une grande voix qui se fait entendre comme en Ap 1,10 que semble suivre notre auteur. Il exprime ainsi la résurrection/gloire en style apocalyptique (cf. Ap 11,13-15 et aussi Ap 12,10 ). Vient ensuite les cieux qui s'ouvrent, image fréquente dans l'Ap. et dans toute la littérature canonique. Enfin, il y une succession de personnages qui descendent du ciel au tombeau et qui en remontent. À l'opposé des évangiles canoniques qui ne décrivent pas la résurrection, mais la présentent entourée de mystère à travers des manifestations, un message, l'év. de Pierre la relate de façon détaillée. La dimension gigantesques des trois personnages et surtout du Kyrios a une valeur ontologique comme dans Ap 10,1-3. Il traduit ainsi le symbolisme du Centre 'l'axe cosmique' de l'histoire des religions. Le Christ se trouve au centre de l'univers et ses dimensions vont jusqu'à embrasser les trois niveaux cosmiques :

  • Ev. P. 35-44 "Or, dans la nuit où commeçait le dimanche (cfMt 28,1; Mc 16,1kuriakê Ap 1,10), tandis que les soldats deux à deux prenaient leur tour de garde, il y eut une grande voix dans le ciel. Et ils virent les cieux s'ouvrir et deux hommes envelooppés de lumière en descendre, et s’approcher du tombeau (cfMt 28,2-4; Mc 16,5; Lc 24,4). Et cette pierre qui avait été jetée contre la porte, roulant d’elle-même, se déplaça de côté et le sépulcre s’ouvrit et les deux jeunes gens entrèrent. Ayant vu cela, les soldats éveillèrent le centurion et les anciens, eux aussi étaient là à monter la garde. Tandis qu'ils racontaient ce qu’ils avaient vu, de nouveau ils voient sortir du sépulcre trois hommes, et deux d'entre eux soutenaient l’autre, et une croix les suivait. Et la tête des deux premiers montait jusqu’au ciel, tandis que celle de celui qu'ils conduisaient par la mains dépassait les cieux. Et ils entendirent une voix qui venait des cieux et qui disait : 'As-tu prêché à ceux qui dorment  (cf. 1P 3,19.4,6)?' Et on entendit une réponse qui venait de la croix : 'Oui.' Ceux-ci décidaient entre eux d'aller rapporter tout cela à Pilate. Pendant qu'ils réfléchissaient encore, on voit de nouveau le ciel s'ouvrir et un personnage descendre et entrer dans le tombeau (cf. Mt 28,2)."

Texte

Genres littéraires

28,1–20 La mort et résurrection dans la mythologie comparée La mort et résurrection de Jésus pourraient évoquer des parallèles avec la thème du Dieu qui meurt dans les mythologies païennes (Osiris, Tammuz, Adonis, Atys, Dionysos). v. →Mythe et évangiles

Contexte

Littérature péritestamentaire

28,19s Allez donc enseigner toutes les nations... leur apprenant Parallèle 

  • Did. Titre ''Doctrine du Seigneur [enseignée] aux nations par les douze apôtres.''

28,19s Allez donc enseigner. je suis avec vous. Parallèle La mission des apôtres

  • Ep. apôt. 19 ''Prêchez et enseignez à ceux qui croient en moi, et prêchez le Royaume des cieux [...] Prêchez et ils croiront. [...] En vérité je vous le dis, prêchez et enseignez, comme si moi-même étais avec vous. Car il me plaît d'être avec vous, de manière que vous soyez mes cohéritiers (cf. Rm 8,17) du royaume des cieux, lequel appartient à celui qui m'a envoyé. [...] De même que toujours je suis dans le Père, de même vous en moi (cf. Jn 14,20).''
  • Ep. apôt. 30 ''Allez et prêchez aux douze tribus d'Israël, aux nations et aux provinces d'Israël, à l'Orient et à l'Occident, au Septentrion et au Midi, et beaucoup croiront en moi, le Fils de Dieu.' Et nous lui avons dit : 'Ô Seigneur, qui nous croira et qui nous écoutera, et comment pourrons-nous faire, enseigner et rapporter comment toi, tu as fait des miracles, signes et exploits ?' Et il a répondu et nous a dit : 'Allez, prêchez et enseignez ce qui regarde l'avènement de la miséricorde de mon Père. De même que mon Père a agi par moi, de même j'agirai par vous, car moi, je demeure avec vous. Je vous donne ma paix (cf. Jn 14,27.20,19.21), mon esprit et ma force (cf. Jn 14,16.26), qui seront vôtres, afin qu'ils croient. À eux aussi cette force sera donnée et sera leur héritage, afin qu'ils la donnent aux nations.''

Repères historiques et géographiques

Réception

Tradition chrétienne

28,1s.9 Or sur le tard du sabbat, alors que la journée commençait à poindre ... Sur l'absence d'une manifestation éclatante de la résurrection,  Origène Cels.  2,63  avait répondu que Jésus est apparu selon le mérite de la foule des croyants (cf. 1Co 15,3.5-8) et des disciples en progrès et de plus,  Origène Cels.  2,65 souligne : 'même aux apôtres  eux-mêmes et aux disciples, il n'était pas sans cesse présent et sans cesse visible, parce qu'ils étaient incapables de soutenir sa contemplation sans relâche. Sa divinité était plus resplendissante après qu'il eut mené à terme l'oeuvre de l'Économie' :

  • Origène  Cels.  2,70   ''Car plus haut se trouve écrite la réponse à l'objection : Est-ce que, de son vivant, alors que personne ne le croyait, il prêchait à tous sans mesure, et, quand il aurait affermi la foi par sa résurrection d'entre les morts, ne se laissa-t-il voir en cachette qu'à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie ? Ce n'est pas vrai : il n'est pas apparu seulement à une femmelette, car il est écrit dans l'Évangile de Matthieu : Or sur le tard du sabbat, alors que la journée commençait à poindre vers le premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent pour voir le sépulcre. et voici qu'un grand tremplement de terre survint, car un ange du Seigneur descendu du ciel, s'étant approché roula la pierre (Mt 28,1s). Et peu après, Matthieu ajoute : Et voici que Jésus vint à leur rencontre  — évidemment, les Marie déjà nommées —, en disant : Réjouissez-vous ! S'étant approchées elles lui saisirent les pieds et l'adorèrent (Mt 28,9).''

28,2ss un grand tremblement de terre... un ange du Seigneur... comme un éclair... à cause de la peur, les gardes tremblèrent

  • Ac. Pil.. B 13,2 ''Sur ce, un des soldats qui gardaient la tombe arriva et dit dans la synagogue : 'Apprenez que Jésus est ressuscité.' Les Juifs dirent : 'Comment ?' Il répondit : 'Il y eu d'abord un tremblement de terre ; ensuite, un ange du Seigneur porteur d'éclair est venu du ciel, a roulé la pierre loin du tombeau et s'est assis sur elle ; du fait de la peur qu'il provoqua, nous, tous les soldats, nous sommes devenus comme morts (cf. Mt 28,2ss), et nous ne pouvions ni fuir ni parler.''

28,5ss Vous, n'ayez pas peur...

  • Ac. Pil. B 13,1 "Sur ce, un des soldats [...] dit dans la synagogue : [...] Nous avons entendu l’ange dire aux femmes qui étaient venues là pour voir la tombe : 'Vous, n'ayez pas peur ; car je sais que vous cherchez Jésus. Il n’est pas ici, mais il est ressuscité comme il vous l’avait dit à l’avance (Mt 28,5s). Penchez-vous et regardez la tombe où gisait son corps (cf. Mt 28,6). Allez dire à ses disciples qu’il s’est ressuscité des morts et qu’ils partent en Galilée, car c'est là qu'ils le trouveront. Voilà pourquoi moi je vous dis cela en premier' (cf. Mt 28,7)."

 

28,11ss La résurrection du Christ Justin réprimande les Juifs qui ne se sont pas repentis en apprenant la résurrection de Jésus:

  • Justin le Martyr  Dial.  108,2 "Et, non seulement vous ne vous êtes pas repentis en apprenant qu’il s’était levé des morts, mais, comme je l’ai dit plus haut (cf. Dial. 17,1), vous avez envoyé des hommes de votre choix par toute la terre, prêchant qu’une hérésie sans Dieu et sans loi avait été suscitée par un certain Jésus, Galiléen, imposteur, que, tandis que nous l’avions crucifié, disaient-ils, ses disciples ont dérobé, la nuit, de la tombe où il avait été déposé après avoir été enlevé de la croix; ils égarent les hommes en disant qu’il s’est éveillé des morts."

28,2 un ange du Seigneur descendit du ciel... roula la pierre...

Un ange ou deux anges ?

Pas de contradiction entre les différents récits évangéliques :

  • Origène  Cels.  5,56  ''Il n'a pas observé, je pense, que Matthieu et Marc ont parlé d'un seul [ange], Luc et Jean de deux, ce qui n'est pas contradictoire. Les auteurs désignent par un seul ange celui qui a fait rouler la pierre loin du tombeau (cf. Mt 28,2; Mc 16,4.5), et par deux anges ceux qui se sont présentés en habit éblouissant aux femmes venues au tombeau (cf. Lc 24,4), ou ceux qui ont été vus à l'intérieur assis dans leurs vêtements blancs (cf. Jn 20,12).  

Polémique avec Celse

Contre Celse qui se moque du Ressuscité qui n'a pu lui-même enlever la pierre :

  • Origène  Cels.  5,58  ''Celse reproche aussi à l'Écriture d'affirmer qu'un ange avait roulé la pierre loin du tombeau où était le corps de Jésus (cf. Mt 28,2) [...] il ajoute : Le Fils de Dieu, à ce qu'il paraît, ne pouvait ouvrir le tombeau, mais il a eu besoin d'un autre pour déplacer la pierre. Mais je ne veux pas perdre mon temps à discuter l'objection [...] Du récit lui-même je dirai que  d'emblée il semble plus digne que ce fût l'inférieur et le serviteur, plutôt que celui qui ressuscitait pour le bien des hommes, qui ait fait rouler la pierre. [...] Mais l'Ange de Dieu [= Jésus] venu sur terre pour le salut des hommes coopère avec l'autre ange et, plus fort que les auteurs de la conspiration, fait rouler la lourde pierre, afin que ceux qui croient le Logos mort soient persuadés qu'il n'est pas parmi les mort, mais qu'il vit et précède (Mt 28,7) ceux qui consentent à le suivre...''

27,24s ; 28,1 commence à lui le premier jour de la semaine. je suis innocent du sang de ce juste. son sang sur nous Prière pour Israël pendant la vigile pascale 

  • Const. ap.  5,19,3-4  ''Jusqu'à ce que commence à luire le premier jour de la semaine (Mt 28,1), c'est-à-dire le dimanche, restez éveillés, depuis le soir jusqu'au chant du coq, et, rassemblés dans l'église, veillez, en priante et en invoquant Dieu pendant votre veille, en lisant la Loi, les Prophètes et les Psaumes jusqu'au chant du coq ; puis après avoir baptisé vos catéchumènes, lu l'Évangile avec crainte et tremblement et prêché au peuple le salut, mettez fin à votre deuil et priez Dieu qu'Israël se convertisse et que lui soient donnés une occasion de conversion (cf. He 12,17) et le pardon de son impiété. Parce que le juge étranger s'était lavé les mains en disant : Je suis innocent du sang de ce juste, voyez vous-mêmes (Mt 27,24), Israël s'écria : Son sang sur nous et sur nos enfants (Mt 27,25).''

28,1 vers le premier jour de la semaine Accomplissement de la prédiction du Seigneur

  • Const. ap.  5,14,18  ''À l'aube du premier jour de la semaine (Mt 28,1), il ressucitait des morts, accomplissant ce qu'il nous avait prédit avant sa Passion, quand il disait : Il faut que le Fils de l'homme passe dans le coeur de la terre trois jours et trois nuits (Mt 12,40).''

28,19 allez donc, enseignez toutes les nations les baptisant au nom ...

Allusion à l'enseignement apostolique transmis par l'Église  

En présentant son troisième volume, Irénée, à la fin de la préface, établit l'apostolicité de l'Église qui transmet l'enseignement qu'elle tient des apôtres contre les hérétiques qui ne parlent qu'en leur propre nom :

  • Irénée de Lyon  Haer. 3, Préface ''... tu disposeras d'une argumentation très complète contre tous les hérétiques, et tu lutteras contre eux avec assurance et détermination pour la seule foi vraie et vivifiante, que l'Église a reçue des apôtres (cf. Mt 28,19) et qu'elle transmet à ses enfants.''

Baptême ou régénération en Dieu

À propos de 'faire renaître en Dieu' ou de cette 'régénération divine', Irénée écrit dans sa Démonstration de la prédication apostolique 3 que le 'baptême est ... une 'régénération' en Dieu, en sorte que ce ne soit plus d'hommes mortels, mais du Dieu éternel que nous soyons fils' et en Démonstration 7 : 'Et c'est pourquoi le baptême de notre 'régénération'...'

  • Irénée de Lyon  Haer. 3,17,1 ''... lorsqu'il donnait à ses disciples le pouvoir de faire renaître les hommes en Dieu, il leur disait : 'Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit' (Mt 28,19) .''

Discipline concernant le baptême :

  • Const. ap.  6,15,1  ''De même faut-il s'en tenir à un seul et unique baptême donné dans la mort du Seigneur (cf. Rm 6,3), non pas celui pratiqué chez les funestes hérétiques, mais celui que confèrent les prêtres irréprochables au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,19). D'une part n'admettez pas le baptême reçu chez les impies et d'autre part ne désavouez pas le baptême reçu chez les saints en rebaptisant.''
  • Const. ap.  8,47,49  ''Si un évêque ou un presbytre ne baptise pas au [nom du] Père et du Fils et du Saint Esprit (Mt 28,19), selon les prescriptions du Seigneur, mais en trois sans-commencement ou en trois fils ou en trois paraclets, on le déposera.''

Le rituel baptismal :

  • Const. ap.  3,16,4  ''Toi donc, ô évêque, d'après ce modèle tu oindras la tête des candidats, tant des hommes que des femmes, avec l'huile sainte, pour signifier le baptême de l'Esprit ; ensuite toi-même, évêque — ou bien le presbytre qui est sous tes ordres — disant et prononçant sur eux la sainte invocation du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,19), tu les baptiseras dans l'eau ; puis, si c'est un homme, le diacre le recevra, et s'il s'agit d'une femme, la diaconesse s'en chargera, pour que la tradition du sceau infrangible se fasse dans la dignité, ensuite l'évêque oindra les baptisés avec le myron.''

Un ordre reçu du Seigneur 

  • Const. ap.  5,7,30  ''Nous qui avons mangé et bu avec lui (Ac 10,41) et qui avons été les témoins oculaires de ses miracles, de sa vie, de sa conduite, de ses paroles, de ses souffrances, de sa mort et de sa résurrection d'entre les morts, nous qui avons vécu avec lui quarante jours (Ac 10,41.1,3) après sa résurrection et avons reçu de lui l'ordre de proclamer l'Évangile au monde (Mc 16,15) entier, d'enseigner toutes les nations et de baptiser (Mt 28,19) en sa mort (Rm 6,3)...''
  • Const. ap.  7,40,3  ''En effet le Seigneur nous l'a ordonné quand il disait : D'abord enseignez toutes les nations. Il a ajouté : Et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,19).''

L'importance de l'enseignement de la doctrine 

  • Origène  Comm. Rom.  4,2,7-8  ''Nous l'avions déjà dit plus haut : non seulement les parents engendrent des fils, mais ils les instruisent [...] Voilà quelqu'un qui, s'éloignant de Dieu, honore les idoles : s'il engendre des fils, ne leur enseignera-t-il pas aussitôt à vénérer les idoles et à offrir des sacrifices au démons ? [...] Mais veux-tu savoir que c'est non seulement du fait de la naissance, mais aussi de celui de la doctrine que la mort a régné depuis Adam ? Apprends-le à partir des contraires. Car lorsque le Seigneur Jésus-Christ vint rectifier les actes qui étaient de travers, du fait que cette première naissance qui venait d'Adam engendrait pour la mort, il introduisit une seconde naissance qu'il appela non pas tant être engendré qu'être régénéré (cf. Jn 3,3 ; Tt 3,5) ; par celle-ci, il supprimait assurément le vice de la première naissance ; et comme il substitua la régénération à la génération, de même à une doctrine il substitua une autre doctrine. En effet, envoyant ses disciples pour ce faire, il ne leur a pas dit seulement : Allez, baptisez toutes les nations , mais : Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,19). Sachant donc que les uns et les autres étaient en faute, il a donné aux uns et aux autres le remède, pour que la génération mortelle soit changée par la régénération du baptême, et que la doctrine de la piété (cf. 1Tm 6,3) chasse la doctrine de l'impiété.''

Contre les hérétiques qui n'enseignent pas de manière sincère et complète

  • Origène  Comm. Rom.  8,4,7  ''C'est en effet ce qu'annoncent les évangélistes selon le commandement de notre Seigneur et Sauveur qui dit : allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,19). Ce sont donc les biens de ceux qui évangélisent. [...] non seulement ils annoncent des biens, mais ils annoncent des biens de manière bonne. Car il y a des gens qui, certes, annoncent et prêchent au sujet du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, mais qui n'annoncent pas de manière sincère ni complète ; tels sont tous les hérétiques, qui certes annoncent le Père, le Fils et l'Esprit Saint, mais ne le font ni bien ni fidèlement.''

Dieu, dans sa providence, a préparé les nations à recevoir l'enseignement des apôtres 

  • Origène  Cels.  2,30  ''Dieu préparait les nations à recevoir son enseignement, en les soumettant toutes au seul empereur de Rome, et en empêchant que l'isolement des nations dû à la pluralité des royautés ne rendît plus difficile aux apôtres l'exécution de l'ordre du Christ : Allez, de toutes les nations faites des disciples (Mt 28,19).''

Cf. Tradition chrétienne Jn 4,44 Les apôtres exécutent l'ordre du Seigneur 

Littérature

28,7 Il est ressuscité d'entre les morts Résurrection Stig Dagerman - existentialiste suédois : l'homme peut cesser « de craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine. » (Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, 1952)

Tradition chrétienne

28,18ss Tout pouvoir m'a été donné... Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant... leur apprenant à observer ... Être confesseur du Christ consiste en : garder intactes ses prescriptions...

  • Cyprien de Carthage  Ep.  28,2,2-3  ''Lorsque après la résurrection le Seigneur envoie les apôtres en mission, il donne ses consignes en ces termes : Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé (Mt 28,18ss). Telles sont les prescriptions que vous recommandez de garder, les consignes divines et célestes que vous observez. C'est là être un confesseur du Seigneur, un martyr du Christ, que de conserver dans ses paroles une fermeté intacte et toute atteinte et inébranlable, et quand on est fait martyr par l'intervention du Seigneur de ne pas entreprendre de détruire les prescriptions du Seigneur.'' (124)

Recommandation faite à ses frères évêques :

  • Cyprien de Carthage  Ep. 63,18,3  ''Donc pour éviter de marcher dans les ténèbres, nous devons suivre le Christ et observer ce qu'il a prescrit, car il a déclaré lui-même en un autre endroit en envoyant les apôtres en mission : Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé (Mt 28,18ss). C'est pourquoi, si nous voulons marcher dans la lumière du Christ, ne nous écartons pas de ce qu'il a prescrit et recommandé...'' (317)

28,20 voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation du siècle Cf. Tradition chrétienne Jn 13,33 encore un peu de temps je suis avec vous ; Tradition chrétienne Jn 1,26c mais au milieu de vous...

  • Origène  Comm. Rom.  8,9,1  ''...le Seigneur dit à ses disciples : Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde (Mt 28,20), non point pour dire par là qu'après la fin du monde il ne serait pas avec eux, mais il a dit : jusqu'à la fin du monde, pour montrer que jamais il ne se séparerait d'eux jusqu'à la fin du monde...''

Une étape dans la vie spirituelle de l'âme

Origène interprète 'tous les jours' et 'jusqu'à la consommation du siècle' d'après ce que la nature humaine est capable de saisir de la divine présence et d'en vivre tant qu'elle demeure ici-bas :

  • Origène  Comm. Jn  10,42-43  ''... le ressuscité d'entre les morts adresse à ses disciples en les envoyant instruire toutes les nations : Et voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation du siècle (Mt 28,20). Car, à ceux qui doivent savoir tout ce qu'il est possible de connaître à une nature humaine demeurant encore ici-bas, il est dit clairement : 'Et voici que moi je suis avec vous', et même pour désigner dans sa plénitude l'aurore qui se lèvera dans le coeur de ceux qui contempleront, aurore qui multipliera les jours pour les plus heureux d'entre eux : 'tous les jours jusqu'à la consommation du siècle'. [...] Il est probable que certains nous demanderont non sans raison si, après tous les jours de ce siècle, il ne sera plus là, celui qui a dit : 'Et voici que moi je suis avec vous — c'est-à-dire avec ceux qui l'accueillent — jusqu'à la consommation du siècle', 'jusque' indique en effet une sorte de limite dans le temps. Il faut répondre à cela que 'je suis avec vous' n'est pas la même chose que 'Je suis en vous'. Peut-être donc dirions-nous d'une manière plus appropriée que le Sauveur n'est pas en ses disciples mais avec eux, tant que, par leur état d'esprit, ils ne sont pas parvenus à la consommation de ce siècle. Mais lorsque, le monde étant crucifié pour eux (cf. Ga 6,14), ils verront sa consommation réalisée [en ce qui les concerne et] pour autant que cela dépend de leur préparation, alors, Jésus n'étant plus avec eux, mais en eux, ils diront : 'Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi' (Ga 2,20) ...''

Exhortation adressée à des confesseurs de la foi emprisonnés 

  • Cyprien de Carthage  Ep.  6,1,2  ''Mais puisque la possibilité de partager ce bonheur ne nous est pas donnée, je fais porter [...] cette lettre, grâce à laquelle je vous félicite et tout ensemble vous encourage à persévérer [...] dans votre confession de la gloire du ciel [...] à y poursuivre avec la vaillance de l'Esprit votre route vers la réception de la couronne, en ayant pour vous protéger et vous guider le Seigneur qui a déclaré : Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à l'achèvement du monde (Mt 28,20). Ô bienheureuse prison, illuminée par votre présence ! [...] Ô ténèbres plus lumineuse que le soleil même, plus claire que le jour de ce monde, dès lors qu'y sont placés des temples de Dieu, vos corps sanctifiés par une divine confession de foi !'' (51)

Recommandation adressée aux fidèles 

Après avoir donné la liste des évêques établis par les apôtres, le compilateur des CA ajoute :

  • Const. ap.  7,46,15  ''C'est eux que nous avons chargés des districts dans le Seigneur. Souvenez-vous de leur enseignement, [...] et que le Seigneur soit avec vous maintenant et pour les temps éternels, comme lui-même nous l'a dit au moment d'être enlevé auprès de son Dieu et Père ; en effet il dit : Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. Amen (Mt 28,20).''

28,5 L'Ange prit la parole et dit aux femmes : pour vous ne craignez pas ;  Angelus dixit mulieribus : Nolite timere vos : inscription médiévale.

9e siècle :

  • Allemagne, Berlin, Kaiser-Friedrich Museum, fragment de reliure, ivoire : "Ubi angelus Domini dixit mulieribus" 

28,6 Il n'est point ici ; il est récussité. Non est hic : inscription médiévale

13e siècle : 

  • Fin 12e-début 13e s. : Allemagne, Bonn, Münster, peintures : "Non est hic s..." DI 50, n°28, 43.
  • Vers 1240 : Pologne, Wrocław, Bibliothèque Universitaire, Ms. IF 440, Psautier de Trzebnica, fol. 98, phylactère : "Resurexit Dominus sicut dixit vobis non est hic"

14e siècle : 

  • 2e quart du 14e s. : Allemagne, Schloss Harburg, Ottingen-Wallerstein' she Kunstsammlungen,  ivoire, Saintes femmes au tombeau, Ange, phylactère : "SURRECIT NON EST HIC"  

15e siècle :

  • Vers 1430 : Allemagne, Nuremberg, German Nationalmuseum, antependium : "surrexit Dominus alleluia sicut dixit allelluia" DI 43, n° 184, 155.

28,9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre disant : je vous salue. Et ecce Jesus occurrit illis, dicens  : Avete : inscription médiévale.

12e siècle :

  • Vers 1155 : Angleterre, Londres, British Library, Add. Ms. 17738, Bible de Floreffe, fol. 79v° : "Avete" (et les 3 Marie)

28,18 toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Data est mihi omnis potestas in caelo et in terra : inscriptions médiévales

12e siècle : 

  • 2e quart 12e s. : Allemagne, Darmstadt, Hessiches Landesmuseum, évangéliaire de S. Jacques de Liège : "Christ A W Data est mihi omnis potestas in celo et in terra" 
  • Italie, San Pietro in Valle, abbatiale : "terrae omnis potestas", →IMAI II, 143.

14e siècle : 

  • Vers 1335 : Allemagne, Lüneburg, Kloster Wienhausen, peintures : "Data est mihi omnis potestas" DI 76, n° 8, 63.

15e siècle : 

  • 1er quart 15e s. : Allemagne, Lüneburg, Kloster Wienhausen, chandelier : "Data est mihi omnis potestas" DI 76, n° 35, 98.
  • 4e quart 15e s. : Allemagne, Hanovre, Musée August Kestner, antependium : "Data est mihi omnis potestas" DI 76, n°62, 143.

28,19 Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit... In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti : inscriptions médiévales.

8e siècle : 

  • 1ere Moitié du 8e s. : Allemagne, Trèves, Rhein Landesmuseum : "ancella Christi sum ego in nomine p. et f. et s.s. Amen.Alleluia." DI 70, n°20, 34.
  • 795-816 : Italie, Rome, Saint-Jean-de-Latran, mosaïque absidiale du triclinium de Léon III, les versets 19-20: "euntes docete omnes gentes baptizantes eos" Lauer 1911, 110.

11e siècle :

  • Fin 10e-début 11e s. : France, Poussy-la-Campagne (14), Saint-Vaast CIFM 22, 77.
  • 1096 : Angleterre, Norwich, cathédrale, pose de la première pierre 

12e siècle :

  • Espagne, Pampelune, Museo de Navarra, tympan de l'hopital San Lazaro d'Estella 
  • 1107-1108 : Belgique, Liège, Saint-Barthélémi, fonts baptismaux : "ego te baptizo in nomine Paris et Filii et Spiritus Sancti. Amen. 
  • 2nde moitié 12e s. : France, Touille (31) : "in nomine Paris et Filii et Spiritus" CIFM 8, 83.
  • Allemagne, Berlin, Stiftung Preussicher Kulturbesitz. Kupferstickkabinet, Cod. 78A3, Evangéliaire, fol. 1v°, Christ debout avec phylactère dans la main gauche : "Ite in orbem universum predicate evvangelium meum omni creaturae" Bloch, Schnitzler 1970, I, fig XIX.
  • 1174 : France, La Couronne (16), première pierre de l'autel majeur : CIFM 3, 42.

13e siècle : 

  • 1206-1223 : France, Troyes, cathédrale, Trésor, gants pontificaux : "In nomine Patriset Filii et Spiritu

14e siècle : 

  • Fin 13e-début 14e s. : France, Sens (89), cathédrale, Trésor, gants liturgiques : "in nomine Patris et" CIFM 21, 182.

28,19s Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Euntes erg, docete omnes gente, baptizantes eos in nomine Patris et Filii et Spiritus sancti ... : inscription médiévale.

8e siècle : 

  • 793 : Italie, Rome, Palais de Latran, triclinium Leoninum : "DOCETE OMNES GENTES, VAPTIZANTES EOS IN NOMINE PATRIS ET FILII ET SPIRITUS SANCTI ET ECCE EGO VOVISCUM SUM OMNIBUS DIEBUS USQUE AD CONSMATIONEM SECULI".

28,20 Pour moi, je suis avec vous tous les jours. ecce ego vobiscum sum omnibus diebus : inscriptions médiévales

14e siècle : 

  • Vers 1335 : Allemagne, Lüneburg, Kloster Wienhausen, peintures : "Ecce ego vobiscum sum" DI 76, n° 8, 63.
  • Allemagne, Hessig Lichtenau-Retterode, église, cloche : "ego vobiscum sum dominus Deus vester" 

Liturgie

28,2.5s Angelus Domini

Offertoire "Angelus Domini"

Offertore - Angelus Domini

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,2.5s

28,7 In die resurrectionis

Alleluia "In die resurrectionis"

Alleluia - In die resurrectionis

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,7

28,6 Surrexit Dominus de Sepulchro

Alleluia "Surrexit Dominus de Sepulchro"

Alleluia - Surrexit Dominus de sepulchro

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,6

Arts visuels

28,19 Allez donc, enseignez toutes les nations L'envoi en mission

20e s.

Envoi en mission vers l'Afrique

George Desvallières (1861-1950), L’Afrique, (Huile sur toile, 1931), 750 x 500 cm

église Notre-Dame-des-Missions, Epinay-sur-Seine © P.Lemaitre→

La chapelle des Missions catholiques de l’Exposition coloniale internationale, déplacée à Épinay-sur-Seine en 1932, sous le vocable de Notre-Dame-des-Missions, a été construite par l’architecte Paul Tournon à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à Paris de mai à novembre 1931 sur le site de la Porte Dorée, au bois de Vincennes. L’architecture de l’église évoque les styles régionaux des possessions françaises. Finalement, huit millions de visiteurs auront parcouru les allées à la découverte de l’empire français. Pour cet évènement, Desvallières a d’ailleurs réalisé une affiche (CR 2106) montrant Charles de Foucauld, accompagné de deux anges tenant le calice et l’hostie devant une Croix glorieuse. Le programme décoratif complet de la chapelle est confié aux deux maîtres des Ateliers d’art sacré et à leurs élèves.

Le 6 février 1931, le responsable du projet, le père Reviers de Mauny, donne rendez-vous à Desvallières chez l’architecte Paul Tournon pour « assister de sa haute compétence » la réunion sur les maquettes, esquisses et « en juger ». Fin février, l’artiste lui livre sa toile de 7,50 mètres sur 5 mètres. Le 23 avril, le père Reviers de Mauny le remercie pour l’aide qu’il lui a fournie depuis le début du chantier, « à l’œuvre que nous avons entreprise pour la gloire de nos missionnaires ». En effet, on doit aux Ateliers les vitraux (Jean Hébert-Stevens, André Rinuy, Pauline Peugniez, atelier Barillet, Marguerite Huré), les sculptures ornant l’intérieur du bâtiment (Raymond Delamarre, Anne-Marie Roux, Roger de Villiers), la chronologie de l’action des missionnaires sur les murs de la nef, ainsi que les douze grands panneaux de toile marouflée répartis de part et d’autre de la nef, à gauche et à droite du chœur, perpendiculairement aux murs latéraux. À gauche, Georges Ballot, Paul de Laboulaye, Valentine Reyre, Pauline Peugniez, Charles Plissard et Henri Marret ont représenté, dans la continuité du panneau de Maurice Denis, des épisodes de l’évangélisation de l’Europe. À droite, aboutissant à la toile de Desvallières, ce sont les missionnaires des pays lointains qui sont peints par Émile Beaume, Lucien Simon, Robert Génicot, Henri de Maistre et Raymond Virac. Sur le grand panneau, à droite du chœur, Desvallières représente l’action des missionnaires en Afrique. Il choisit, comme sur l’affiche qu’il a imaginée pour l’exposition, la figure du converti Charles de Foucauld (1858-1916), l’apôtre du désert à l’Assekrem, au nord de Tamanrasset en Algérie, qui y a laissé sa vie, assassiné le 1er décembre 1916.

Au centre de la composition, sous une croix blanche monumentale, à l’ombre d’un palmier, Monseigneur Lavigerie, cardinal d’Alger et de Carthage, engagé contre l’esclavage, bénit le continent. Sous sa bienveillance, le père de Foucauld présente humblement le Saint-Sacrement aux populations locales. Dans L’Artisan Liturgique de 1932, Desvallières décrit avec enthousiasme la chapelle où chaque artiste a laissé s’exprimer son talent. « Faire du bien aux autres en s’épanchant soi-même, voilà le fond de notre effort. D’ailleurs dans toute cette chapelle, il règne déjà comme une atmosphère de fraternité, d’entraide plastique ». Il aime à relever l’ingéniosité des uns et des autres, avec son humilité habituelle concernant son propre travail, « L’autorité que Maurice Denis a mise dans la représentation de Saint Pierre et Saint Paul ne viendrait-elle pas déborder heureusement sur les incertitudes ou les négligences involontaires de “ mon ” Père de Foucauld ? » (Desvallières, 1932) Pourtant, l’historien Georges Goyau écrira en 1934 : « Vingt-sept ans après la messe de Beni-Abbès, Lyautey, devenu dans son Maroc le grand Africain, revoyait le P. de Foucauld. Il le revoyait au Pavillon, dans l’admirable fresque de Georges [sic] Desvallières, sur laquelle l’ascétique apôtre offre à l’Afrique l’Hostie eucharistique. Et certain matin, on vit se grouper autour du maréchal et du commandant même de l’École militaire de Saint-Cyr, cinq cents Saint-Cyriens en uniforme, venus là pour entendre une messe, sous le regard extatique du “ camarade ” Foucauld. » (Goyau)

28,19 Père, du Fils et du Saint-Esprit CONTEMPLATION Jésus-Christ visage de Dieu

Peinture italienne, 14e s.

Nicoletto Semitecolo, La Sainte Trinité (1370), 35 x 40 cm, tempera sur panneau de bois

basilique Saint-Antoine, Padoue © saintmerry.org→

Ce tableau représente la Trinité, selon le schéma préféré aux 13e et 14e s. en Europe, appelé trône de grâce. Il s’agit de comprendre, au-delà de l’image, une pensée théologique… Dieu le Père, siégeant, élève devant lui le crucifié bras en croix et semble le proposer à la contemplation des fidèles. Sans la croix de bois, le Fils est cloué aux mains du Père. Semblant sortir de l’auréole du Père, à sa droite, la colombe de l’Esprit plonge vers le Fils. Une communion, une union de vie se manifeste dans ce lien sacré ; ainsi s’accomplit la parole de Jésus : « Moi et le Père nous sommes un » … Les visages sont les mêmes : « Qui me voit voit le Père ». Dieu a un visage, celui du Fils, parce que c’est lui qui nous l’a fait connaître.

Par l’harmonie des traits, l’intensité des regards, le peintre d’origine grecque et travaillant en Italie révèle, dans la grande tradition des icônes du Christ Pantocrator, une même présence. Leurs yeux expriment un véritable appel à reconnaître le Dieu de Jésus-Christ. Regard unique d’une Parole qui se fait chair… C’est en Christ que nous apparaît le mystère du Dieu invisible ; c’est en ce visage que Dieu se livre, se communique : Dieu se dévoile dans l’amour du crucifié. (J.-M. N.)

Musique

28,1–20 De la résurrection du Christ à celle du chrétien

Dans la musique populaire (Folk indie, rock alternatif, pop baroque, Electronica)

Sufjan Stevens, " He Woke Me Up Again", Album Seven Swans, piste 10, CD, Sounds Familyre (prod. Daniel Smith), 2004

Sufjan Stevens – composition and performance ; Laura Normandin – calligraphy ; Rafter Roberts – mastering ; Andrew Smith – drums ; Daniel Smith – vocals, bass guitar, and production at his home studio and the New Jerusalem Rec Room in Clarksboro, New Jersey ; David Smith – drums ; Megan Smith – vocals ; Marzuki Stevens – artwork,

© Licence YouTube standard © D.R. Sufjan Stevens

Paroles

He was, he was in the churchyard — My father was in the first part — He came, he came to my bedroom — But I was asleep —— And he woke me up again to say... —— Halle, halle, hallelujah — Holy, holy is the sound — And I hope, I hope you are tired out — And I know, I know there is joy endowed —— But I was asleep — And he woke me up again — And he woke me up again to say... —— Hold on, hold on to your old ways — Or put off, put off every old face — And I know, I know you are changed out — And I hope, I hope you're arranged out —— But I'm still asleep — And you woke me up again — And I'm still asleep — But you woke me up to be holy.

Il était, il était dans le cimetière — Mon père était dans la première partie — Il est venu, il est venu dans ma chambre — Mais j'étais endormi — Il m'a réveillé pour dire : — Halle Halle Halleluiah — Saint Saint est le son — Et j'espère, j'espère que vous êtes fatigué — Et je sais, je sais qu'il y a de la joie à recevoir — Mais j'étais endormi — Et il m'a encore réveillé— Et il m'a encore réveillé pour dire — Accrochez-vous à vos anciennes habitudes — Ou repousser chaque vieux visage — Et je sais, je sais que tu as changé — J'espère, j'espère que ça va mieux — Mais je suis encore endormi — Et tu m'as encore réveillé — Et je suis encore endormi — Mais tu m'as réveillé pour être saint. 

28,6s Ils ont enlevé mon Seigneur

16e s.

Nicolas Gombert (ca.1495-1556), Tulerunt Dominum meum

Jeremy Summerly (dir.), Oxford Camerata

© Licence YouTube standard→, Jn 20,13 Mt 28,6s

Paroles

Tulerunt Dominum meum et nescio ubi posuerunt eum. Dicunt ei angeli: mulier, quid ploras? Surrexit sicut dixit. Praecedet vos in Galileam, ibi eum videbitis. Alleluia. Cum ergo fleret, inclinavit se, et perspexit in monumentum. Et vidit duos angelos [in albis] sedentes, qui dicunt ei: Praecedet vos in Galileam, ibi eum videbitis. Alleluia.

Ils ont pris mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis. Les anges lui dirent : pourquoi pleures-tu ? C'est arrivé comme il l'avait dit. il vous précède en Galilée, là vous le verrez. Alléluia. Comme elle pleurait, elle se pencha et jeta un regard dans le tombeau. Et elle vit deux anges qui lui dirent : il vous précède en Galilée, là vous le verrez. Alléluia.

Compositeur

Nicolas Gombert est un compositeur de l'école franco-flamande, maître des enfants de chœur de la « chapelle musicale » de Charles Quint et, plus généralement, responsable de cet ensemble vocal, également instrumental, composé (comme partout ailleurs dans les églises européennes) d'hommes adultes professionnels et de garçons (souvent futurs professionnels). Dans ses œuvres sacrées, il porte le procédé d'imitation à un degré élevé d'excellence.

28,1–8 Chant de reconnaissance éperdue de la femme qui a rencontré Jésus Une version burlesque, mais non dénuée de tendresse, de l'action de grâces de la femme rachetée par Jésus se fait entendre au cœur du cinéma comique français des Trente glorieuses. 

Jean Yanne, Jésus Tango, 1972, Michel Magne (texte) Ginette Garcin (chant.)

Bande originale du film de Jean Yanne, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (1972)

LP original Barclay 80.460 © Licence YouTube standard

Paroles

Je vivais comme une ombre —  J'avais les idées sombres —  Faisant partie du nombre —  Des desesperados ——  Je ne savais quoi faire —  Pour chasser ma misère —  Quand on est solitaire —  Aïe, on a froid dans les os — —  Quand dans une chapelle —  Sous la blanche et très belle —  Statue de la douce immaculée Concepción —  J'ai senti la foi naître —  Et au fond de mon être —  Du Seigneur Jésus-Christ —  J'eus la revelación ——  Dans les bras de Jésus —  Maintenant tous les jours je danse —  Et désormais mon existence —  Vaut la peine d'être vécue ——  Dans les bras de Jésus —  Maintenant tous les jours je chante —  Pour moi la vie n'est plus méchante —  Et de joie je suis éperdue —  Dans les bras de Jésus.

Arts visuels

28,5s L'apparition de l'Ange aux femmes

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Femmes au tombeau, Celui que vous cherchez n'est plus ici, (lavis d'encre, 2015-2016), 100 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 28 ; Mc 16 ; Lc 24

28,8 L'annonce aux disciples

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Marie-Madeleine joyeuse II, (lavis d'encre, 2015-2016), 42 x 29,7 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Jn 20,18 ; Mt 28,8

Tradition chrétienne

28,19b les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit Esquisse de Credo Les premières hérésies ont suscité en réaction les premières tentatives de credo : formules ramassées exprimant l'essentiel de la foi :

  • Cyprien de Carthage  Ep.  73,5,1-2  '« Pour éviter un parcours trop long à travers toutes les sectes et une revue détaillée de leurs sottises [...] bornons-nous pour un moment à Marcion [...] et examinons si on peut prendre en compte son baptême. En effet, quand après sa résurrection le Seigneur envoie en mission ses disciples, il leur explique comment ils doivent baptiser et les instruit en ces termes : Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et ue Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,18s). Il fait intervenir la Trinité, pour que les nations soient baptisées dans son mystère. Est-ce que Marcion professe cette Trinité ? Est-ce qu'il affirme le même Dieu Père et créateur que nous ? Est-ce qu'il reconnaît le même Fils, Christ né de la vierge Marie, Parole faite chair, qui a pris sur lui nos péchés, qui en mourant a vaincu la mort, qui a inauguré en sa personne la résurrection de la chair et a fait voir à ses disciples qu'il était ressuscité dans la même chair ? Bien différente de cela est chez Marcion la foi, comme aussi dans les autres sectes. Plus encore : il n'y a chez eux qu'altération de la foi, blasphème, contradiction systématique, en opposition à la saine doctrine et à la vérité. Dès lors comment celui qui a reçu chez eux le baptême pourrait-il passer pour avoir acquis par sa foi la rémission de ses péchés et la grâce qu'octroie la divine bonté, alors qu'il n'avait pas la vérité de la foi elle-même ? » (374)

Liturgie

28,3ss Tropaire pascal de la liturgie orientale

Tropaire de la Résurrection - 6ème ton

Traditionnel, Tropaire byzantin de Pâques, ton 6

© License YouTube Standard→, Mt 28,3ss

Le 6ème ton du Tropaire de la Résurrection est un chant byzantin très ancien, propre à la célébration de Pâques dans la liturgie orientale. Ses paroles décrivent la scène du Sépulcre victorieusement, dans la louange du Ressuscité: "Les puissances angéliques vinrent à Ton Sépulcre, et ceux qui le gardaient gisaient comme des morts. Marie se tenait près du Tombeau, cherchant Ton Corps immaculé. Toi qui as dépouillé l’enfer, Tu n’as pas été dominé par lui ; Tu es allé à la rencontre de la Vierge, Toi qui donnes la Vie. Ressuscité d’entre les morts, Seigneur, gloire à Toi !"

Contexte

Textes anciens

27,64–28,20 Apparition et apothéose de Romulus

  • Tite-Live 1,16,6-7 « Romulus, père de notre ville, est descendu soudain du ciel, ce matin, au point du jour, et s’est offert à mes yeux ; et, comme je me tenais devant lui, plein de crainte et de respect, et lui demandais instamment la faveur de le regarder en face : ‘Va’, m’a-t-il dit, ‘et annonce aux Romains que la volonté du ciel est de faire de ma Rome la capitale du monde. Qu’ils pratiquent donc l’art militaire. Qu’ils sachent et qu’ils apprennent à leurs enfants que nulle puissance humaine ne peut résister aux armes romaines’. »

Quelques décennies plus tard, le récit d'apparition post-mortem du fondateur de Rome, relevant de la biographie « archéologique » au sens hérodotien du terme, non de l'historiographie, est amplifié, et assigné à un temoin oculaire autorisé :

  • Plutarque Rom. 28 « Pendant le tumulte que cet incident fit naître, un des premiers patriciens, généralement estimé pour sa vertu, qui avait suivi Romulus d’Albe à Rome, et avait joui de la confiance et de la familiarité de ce prince, Julius Proculus, s’avança au milieu de la place publique ; et là, en présence de tout le peuple, il jura, par ce qu’il y avait de plus sacré, qu’en revenant de l’assemblée Romulus lui avait apparu plus grand et plus beau qu’il ne l’avait jamais vu, et couvert d’armes plus brillantes que le feu ; qu’à cette vue, saisi d’étonnement, il lui avait dit : "— Ah ! prince, que vous avons-nous fait ? et pourquoi nous avez-vous quittés, en nous exposant aux accusations les plus graves et les plus injustes, en laissant toute la ville privée d’un père et plongée dans un deuil inexprimable ?" Que Romulus lui avait répondu : "— Les dieux veulent, Proculus, qu’après avoir vécu si longtemps avec les hommes, quoique fils d’un dieu, après avoir bâti une ville qui surpassera toutes les autres en puissance et en gloire, je retourne au ciel d’où je suis descendu. Adieu ; allez dire aux Romains qu’en pratiquant la tempérance, en exerçant leur courage, ils s’élèveront au plus haut point de la puissance humaine. Pour moi, sous le nom de Quirinus, je serai votre dieu tutélaire." Le caractère de Proculus, et le serment qu’il avait fait, firent ajouter foi à son témoignage. D’ailleurs l’assemblée, par une sorte d’inspiration divine, fut saisie d’un tel enthousiasme, que personne ne pensa à le contredire, et que, renonçant à leurs soupçons, ils se mirent tous à invoquer et à adorer Quirinus » (trad. Ricard).

Propositions de lecture

28,1–10 La Résurrection du Christ : comment ça « le troisième jour » ? Pourquoi dit-on que Jésus ressuscite « le troisième jour » après sa mort ? Comment est calculé ce décompte temporel ? Que dit le texte biblique même ?

Procédés littéraires Mt 28,1a 

Précision temporelle sur le décompte des jours dans la Bible

L’évangile de Matthieu annonce que les femmes se rendent au tombeau « le soir du sabbat ». Pourquoi attendent-elles ce moment-là ? Précisons un peu :

  • Jésus a été crucifié dans la journée du vendredi. Il a vite fallu lui trouver une sépulture avant la tombée de la nuit. En effet, le jour de grand repos du sabbat commence le vendredi au coucher du soleil et se termine le samedi au coucher du soleil. Dans l’Orient ancien, la journée ne commençait pas à minuit mais au coucher du soleil.

On a donc enseveli Jésus en toute hâte dans l’après-midi du vendredi, parce que pendant le sabbat, il était hors de question de toucher un mort sous peine de ne pouvoir célébrer le sabbat pour cause d'impureté.

Voilà pourquoi les femmes attendent « le soir du sabbat » pour retourner au tombeau. En comptant à partir du jour de la crucifixion, on est donc au début d’une nouvelle journée, le troisième jour.

Autrement dit, on reformule pour mieux comprendre
  • 1er jour : Jésus meurt et est enseveli dans la journée du vendredi avant que ne commence le sabbat.‍
  • 2ème jour : Le sabbat commence le vendredi soir et dure jusqu’à la tombée du soleil le samedi. Les femmes ne peuvent pas se rendre au tombeau.‍
  • 3ème jour : Les femmes viennent au tombeau dès le soir du sabbat, le samedi soir pour vénérer le tombeau.

Vous trouvez ça clair ? Alors vous n'avez pas bien lu !

Une fin de phrase qui remet tout en question

Le résumé chronologique qu'on vient de vous faire est bien clair et pratique mais le problème, c’est qu’il se fonde seulement sur la première partie de la phrase : « le soir du sabbat »... et qu’on oublie la fin de la phrase, qui complique tout.

Déjà comme ça, c'est difficile : « Le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] de la semaine »

Mais en plus, en grec, on lit, très littéralement : « Le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] du sabbat »

Une drôle de répétition

On est d’accord, en français, « le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] du sabbat », ça ne veut rien dire et c’est même assez moche. C’est comme si on disait « le dimanche soir alors que le dimanche matin allait commencer ». C’est sans doute pour cette raison que la majorité des traductions françaises « grand public » de cette phrase la simplifient, pour lui rendre une cohérence chronologique :

  • « Après le jour du sabbat, comme le premier jour de la semaine commençait à poindre, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent visiter le sépulcre. » (Traduction de la Bible de Jérusalem)
  • « Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine » (Traduction liturgique)

Cette traduction simplifiée est possible, car il se trouve que le mot grec « sabbatôn » peut signifier « sabbat » ou « semaine », mais c'est bien le même mot qui est répété au début et à la fin de ce verset.

Si c'est bizarrement dit, c'est qu'il y a quelque chose à interpréter
Une signe pour creuser et chercher le sens de cette signification

Si le texte biblique nous donne une phrase aussi obscure en apparence, c’est peut-être qu’il y a un mystère à creuser : soit le texte biblique est débile, soit il est prodigieux. On est d'accord, il est pro-di-gieux.

Délibérément, l’Évangile intensifie l'obscurité sur ce point pour forcer notre intelligence à chercher le sens. Après avoir donné une mention chronologique claire (le soir du sabbat), le texte brouille les repères temporels.

Par-delà le temps chronométrique : l'éternité divine

Ce brouillage signale un mystère divin : il inaugure une nouvelle temporalité à l'intérieur de nos journées.

  • La résurrection est dans le temps (le soir du sabbat)
  • mais elle est déjà hors du temps : avec elle commence l’éternité.

Et justement, le sabbat est le jour où Dieu lui-même s'est reposé ! Et pour l'humanité, jour de la joie de la communion, temps consacré à Dieu.

Si la résurrection a lieu le soir du sabbat alors que le sabbat va commencer, cela veut dire qu’elle nous fait entrer dans un temps circulaire qui n’a pas de fin : celui du grand Repos de Dieu lui-même. C'est comme si, dès que le dimanche prenait fin, il recommençait aussitôt (avouez que c’est alléchant !). C’est l’avènement du jour sans déclin, de la lumière qui ne s’éteint jamais.

Réception

Arts visuels

28,1–20 La Résurrection est-elle représentable visuellement ?   La résurrection, qui n’est guère matière à récit (Genres littéraires Mt 28,1–20), et dont l’appréhension repose sur la foi aux dires de témoins, eux-mêmes « prouvés » par les Écritures (→Résurrection, Écritures et parole de Jésus), est encore moins matière à représentation visuelle. Avant les grandes « machines » qui remplissent notre mémoire  avec des images représentant les apparitions du Christ ressuscité, quand ce n'est pas le Christ en train de ressusciter (!), les artistes se sont posé la question de la représentation de l’Irreprésentable.

Antiquité

L’on n’est guère étonné que les évocations visuelles du Ressuscité aient commencé par la reprise de symbolismes conventionnels de victoire (Arts visuels Mt 28,6b).

Moyen-Âge

De l'irreprésentabilité de la résurrection, les plasticiens anciens eurent la profonde conviction, surtout lorsqu'ils travaillèrent au service de la liturgie. La description d’une de leurs plus belles réussites, vaut bien tous les discours théoriques :

Nicola Pisano (1225?-1284 ?), ambon, détail : Nativité et Adoration des Mages (sculpture en ronde-bosse sur marbre, traces de polychromie, 1257-1260), H. 4,65 m

Baptistère, Pise © CC BY-SA 3.0

Son innovante base hexagonale est posée sur une colonne centrale (à la base sculptée de trois atlantes) et six colonnes latérales (à chapiteaux représentant les vertus de charité, force, humilité et foi, ainsi que les hérauts du jugement saint Jean Baptiste et l’archange Michelet) qui abritent des arceaux trilobés à écoinçons sculptés représentant des prophètes et des évangélistes. Sur le monument hexagonal, cinq panneaux en bas-relief représentent les scènes principales de la vie du Christ, du point de vue de l’humain sur le point d’être baptisé : nativité, adoration des mages, présentation au Temple, crucifixion et même, bien sûr, le Jugement dernier ; à l’exception de la résurrection.

Nicola Pisano (1225?-1284 ?), ambon, détail : Nativité et Adoration des Mages (sculpture en ronde-bosse sur marbre, traces de polychromie, 1257-1260), H. 4,65 m

Baptistère, Pise

© CC BY-SA 3.0

C’est que le sixième côté de l’ambon est ouvert pour donner accès à la plateforme d’où le ministre peut, depuis l’aigle-pupitre à la charnière de la crucifixion et du Jugement dernier, proclamer l’Écriture — comme si l’annonce de la Parole était la seule « présentation » possible de la résurrection, l’expérience même, avec le baptême qu’on est en train de célébrer, de la rencontre avec le Ressuscité (→Phénoménologie des rencontres avec le Ressuscité; Théologie Mt 28,17 Voir, adorer ou douter).

Renaissance

Un concentré d'Écritures

Le maître lissier (sans doute flamand) auteurs des célèbres tapisseries de la Chaise-Dieu (France), donne à voir plusieurs des témoignages de rencontres du Ressuscité  depuis la visitation de la Cité sainte jusqu'aux disciples d'Emmaüs, en passant par l'apparition à Madeleine, autour du Christ ressuscitant, sur sa composition sur la Résurrection.

Anonyme, Tapisserie de la Résurrection (tapisserie, 1501-1518), chœur

Abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu→, Auvergne

© CC BY-SA 3.0→

19e siècle

Gustave Doré peignit la scène de la résurrection quelques jours avant sa mort.

Gustave Doré (1832-1883), La Vallée de larmes, (huile sur toile, 1883), 4,13 x 6,27m

Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris 

© Wikicommons→

Jésus Christ est proclamé Dieu fait homme. Il s’est laissé condamner et tuer sur la croix. Mourant dans son humanité, il descend jusqu’aux enfers où l’homme était enfermé depuis le péché d'Adam et Ève. La résurrection du Christ est pour les croyants cette espérance folle : la mort est vaincue par la Vie, puisque Dieu libère la création des enfers.

20siècle

Le mystère glorieux

George Desvallières (1861-1950), La Résurrection, (Huile sur toile marouflée et fresque, 1931), 368 x 485 cm

Chapelle Saint-Yves, Paris 14e 

©D.R. SEBERT→,  Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-12; Jn 20,1-2

Sur le mur droit de la chapelle, Desvallières représente le mystère glorieux, la Résurrection, dans un grand panneau faisant face à celui de la Nativité, complété par la suite de trois vitraux. Les mêmes rayons de lumière descendent du vitrail central du Cœur du Christ et irradient du tombeau vide dans une représentation proche de de la Résurrection réalisée par Desvallières pour la chapelle de Saint-Privat (CR 1653). La scène est fixée à l’instant où le flamboiement du tombeau vide saisit les femmes recueillies dans la prière. L’évènement mystérieux prend place dans un jardin fleuri et luxuriant, Paradis retrouvé, où l’annonce de l’ange est accueillie dans un tourbillon de grâce. Sous cette scène biblique, l’artiste proclame l’ultime étape du salut : « IL EST RESSUSCITÉ. »

Les trois vitraux délivrent le même message : « PAR MOI – VOUS VIENNENT – LUMIÈRE ET VIE. » Ces verrières, comme celles du mur gauche, sont réalisées en 1933, après celles de Marguerite Huré pour le chœur. On ignore le nom du verrier et leurs dessins ne suivent pas les esquisses du maître qui reprenaient en fait les rayonnements et les nuées des décors (CR 2115).

Mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau

George Desvallières (1861-1950), Résurrection, (Huile sur toile, 1942), 900 x 350 cm

Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption et Saint-Vaast (dépôt du CNAP, Paris), Arras

© Succession Desvallières→,  Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-12; Jn 20,1-2

À la suite du panneau de la nativité achevé à l’automne 1941, Desvallières continue la décoration entreprise pour la cathédrale d’Arras avec le panneau de droite où il représente un mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau. Le 25 octobre 1941, George écrit à sa fille France dans le Limousin : « […] Pour ma part, j’ai attaqué ma seconde grande toile très humblement, très tranquillement m’en remettant à la volonté du bon Dieu pour sa réussite ou non réussite. » Il traverse chaque jour la Seine pour se rendre dans son atelier non chauffé de Saint-Fargeau. Marguerite raconte à sa fille le 6 novembre les conditions dans lesquelles il travaille : « Papa exécute son deuxième panneau de 9 m, de l’autre côté de l’eau et il a oublié tout à l’heure la paire de chaussettes de laine qui lui sert de gants ».

Elle ajoute le 16 novembre « Papa est tellement acharné à sa grande toile afin de la terminer comme la première en deux mois qu’il vaudrait mieux pour lui ne pas s’absenter. » Et pourtant il fait quand même ses expéditions à Paris entre temps, puisqu’elle signale le 22 : « Papa est parti ce matin à 7 h 1/2 par une nuit étoilée pour son Institut, l’École des Beaux- Arts, ses 2 ateliers. » Le jour de Noël, George avoue à sa fille « Le bon Dieu me donne la force et la joie pour À la suite du panneau de la Nativité achevé à l’automne 1941, Desvallières continue la décoration entreprise pour la cathédrale d’Arras avec le panneau de droite où il représente un mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau. Le 25 octobre 1941, George écrit à sa fille France dans traverser tous les jours la Seine, pour travailler à ma Résurrection au milieu de toutes les fleurs du printemps. »

Le tableau prend forme. Le Christ ressuscité au cœur rayonnant de lumière domine le trou noir du tombeau qu’il a quitté et dans un merveilleux paysage de renaissance de végétation, il brandit le drapeau de la victoire sur la mort. La nature luxuriante qui environne le Christ libéré de son suaire illumine ce mystère glorieux. Le 23 mars 1942, l’artiste écrit au directeur général des Beaux- Arts : « Cher Monsieur Poli, Voudrez- vous dire à M. Hautecoeur que mon second panneau de l’église d’Arras est terminé aussi, c’est la “Résurrection”. Vous avez pu voir la “Nativité” au dernier Salon d’Automne. […] Ma toile est malheureusement ici à Seine-Port. Étant donné les dimensions, je n’ai pu la peindre que par terre comme les décorateurs de théâtre, les murs de mon atelier n’ayant pas les 9 mètres de hauteur voulus. » (Arch. Nat. Lettre manuscrite de G. Desvallières, F. 21/6/1737.) Desvallières expose les deux grands panneaux imaginés pour la cathédrale d’Arras au Salon d’automne 1942.

Tradition chrétienne

28,1–20 Pâques avec Jean Chrysostome Premiers et derniers, recevez le salaire ! Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble ! Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour ! Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l'avez point fait, réjouissez-vous aujourd'hui ! La table est prête, mangez-en tous ! Le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun ! Jouissez tous du banquet de la foi ! Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous. Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau. Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés. Il a détruit la mort, celui qu'elle avait étreint. Il a dépouillé l'enfer, celui qui est descendu aux enfers. Il l'a rempli d'amertume, pour avoir goûté de sa chair. Isaïe l'avait prédit en disant : — L'enfer fut rempli d'amertume lorsqu'il t'a rencontré rempli d'amertume, car il a été joué bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti. Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu. Il prit de la terre et rencontra le ciel. Il saisit ce qu'il voyait, et tomba sur celui qu'il ne voyait pas. Ô mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire?

Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé. Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie. Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau, car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles Amen. 

St Jean Chrysostome, Homélie de Pâques, trad. M. Jeannin , Bar-le-Duc : Guérin, 1864.

Propositions de lecture

28,1–20 La fête de Pâques depuis l'Eglise d'Orient Comment la Résurrection du Christ est-elle annoncée ? Quels sont les mots choisis ? Quel regard porte l'église d'Orient sur la fête de Pâques ?

La Résurrection s'annonce avec des mots

L'ange de Pâques dit aux femmes d'aller dire qu'Il est ressuscité comme il l'avait dit et comme il vient de le dire, lui, l'ange.

La résurrection se rencontre d'abord dans une heureuse, une incroyable annonce placée par Dieu dans la bouche de ses témoins. L'un d'eux a si bien proclamé l'annonce qu'on l'a appelé « la Bouche d'Or », en grec : Chrysostome. Jean Chrysostome a été l'archevêque de Constantinople — aujourd'hui Istanbul au IVe siècle.

Pâques, c'est aussi ta fête !

Voilà l’homélie que saint Jean Chrysostome écrivit pour le jour de Pâques. Dans les rites orientaux, elle est proclamée durant les Matines de Pâques, sous le doux nom de Hieratikon Tradition chrétienne Mt 28,1–20.

Liturgie

28,1–20 Représentations du Ressuscité

ICÔNE : Art byzantin

15e s.

Andreï Roublev, La descente aux Enfers ou Descente aux Limbes (tempera sur tilleul, 1408-1410)

Galerie Tretiakov, Moscou (Russie)

© Domaine public→

Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques (pseudo-Épiphane, Homélie pour le Samedi Saint, cité selon Hans Urs von Balthasar, Dieu et l’homme d’aujourd’hui, 1956) décrit cette descente du Christ aux enfers :

« Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla : — J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. […] Et lui ayant saisi la main, il lui dit : — Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton Fils. Lèves-toi, toi qui dormais car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image […] Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi, qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle des noces est préparée. Les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend. »

PARALITURGIE occidentale. Chemin de croix contemporain : une quinzième station !

Pour retrouver une spiritualité moins doloriste, plus authentiquement pascale, de nombreux artistes occidentaux ne s'arrêtent pas à la mise au tombeau de Jésus et ajoutent des stations à la dévotion si populaire du →chemin de croix.

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 15 — Jésus ressuscité !, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Mt 28,1-20 ; Mc 16,1-8 ; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1.11-18

Et voici la station de la Résurrection : Jésus est vivant ! Il est vivant au milieu de cette constellation, de cet univers. De haut en bas, d’un vêtement blanc, de la gloire de cette blancheur ineffable, il bénit la Pologne, tout le peuple. Le Christ s’incorpore au corps de la nation ; de cette force et de ce regard, de cette intensité et de cette puissance. Mais l’artiste va encore poursuivre le commentaire. Et là, il va dépasser les stations traditionnelles d’un chemin de croix. (J.-M. N.)

Contexte

Littérature péritestamentaire

28,11ss Parallèle La disparité entre Mt 28,11ss et l'évangile de Pierre manifeste des intentions différentes chez les auteurs :

  • Ev. P. 45-49 « Ayant vu cela, les hommes de la suite du centurion, dans la nuit, se dépêchèrent d’aller chez Pilate, abandonnant le sépulcre qu’ils gardaient, et rapportèrent avec une grande agitation tout ce qu’ils avaient vu en disant : 'Vraiment, il était Fils de Dieu (cfMt 27,54; Mc 15,39).' Pilate répondit : 'Je suis pur du sang du Fils de Dieu ; c’est vous qui l'avez voulu.' S'étant approchés, tous le priaient et le suppliaient de commander au centurion et aux soldats de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu (Mt 28,12-13). 'Parce qu'il vaut mieux pour nous, disaient-ils, nous rendre coupables devant Dieu du plus grand des péchés, plutôt que de tomber entre les mains du peuple juif et d’être lapidés.' Alors Pilate ordonna au centurion et aux soldats de ne rien dire. (cf. Mt 28,11.15) »

Réception

Liturgie

28,18b–19 Chant grégorien

  • Antienne de communion du vendredi de Pâques et des fêtes de l’Ascension (année A) et de la Trinité (année B) : Data est mihi omnis potestas in caelo et in terra, alleluia: euntes, docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, alleluia, alleluia (« Il m'a été donné tout pouvoir au ciel et sur terre, alléluia. Allant donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, alléluia, alléluia », Grad. 213-214).

Traditionnel, Communion - Data est mihi

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,18s

Tout l’ensemble produit une impression de grande majesté et de plénitude. L’antienne se chante dans un grand souffle et un parfait legato, faisant sentir l’unité à l’intérieur de chacune des deux phrases.

1re phrase, deux incises
  • Le début du 1er membre, Data est mihi, est très simple, presque syllabique. Omnis fait une légère montée au la pour effectuer une descente majestueuse sur potestas et se reposer sur la tonique du 1er mode, faisant sentir la solidité de la puissance donnée au Christ. Omnis se trouve au sommet mélodique de ce 1er membre, accentuant ainsi la puissance universelle donnée au Christ.
  • Dans le 2e membre, la mélodie fait une belle montée à caelo, le mot le plus orné et le sommet de la phrase, tandis que terra est traitée très humblement.
2e phrase, deux incises
  • Le 1er membre s’exécute dans un bel élan en tension vers omnes (« toutes »), qui reçoit un traitement semblable à celui de omnis de la 1re phrase, mais avec un ton plus haut. Les apôtres sont invités à aller enseigner avec ardeur toutes les nations. Au mot gentes, une petite descente au fa laisse la mélodie en suspens.
  • Le 2e membre reprend sur le fa, dans un style syllabique, à baptizantes et avec un beau climacus sur eos, en tension mélodique vers ce qui suit. In nomine décrit un bel enfoncement jusqu’à la sous-tonique. Il est suivi par le même saut de quarte déjà rencontré à caelo, mettant en lumière le « Père ». Le thème mélodique de in nomine est repris tel quel à Filii. L’auteur souligne ainsi la mission du Fils : la révélation du nom divin, de la vie intime de Dieu (Un en trois Personnes) et du mystère de salut. Le thème mi sol la mi fa do mi ré ré se fait entendre sur et Spiritus Sancti, presque les mêmes notes qu’à omnis potestas de la 1re phrase. Il aboutit à la tonique du mode de authente, avec une impression de joyeuse plénitude. Les deux alléluias qui terminent la pièce font entendre une joie calme et douce, dans une mélodie utilisée pour terminer quelques antiennes de 1er mode.

Une antienne à Benedictus des laudes du jeudi de la 7e semaine de Pâques a mis en musique Mt 28,19, en ajoutant in mundum après euntes (« allant dans le monde », AM 1,302).

Propositions de lecture

28,1–10 La fête de Pâques vue d'Orient : message divin, calme et volupté

La newsletter

Comment la Résurrection du Christ est-elle annoncée ? Quels sont les mots choisis ? Quel regard porte l'Église d'Orient sur la fête de Pâques ?

Le canon de la Résurrection à mille voix

Pour se plonger au cœur de la fête de Pâques, nous vous proposons une petite pépite : une compilation du chant « Le Christ est ressuscité » de la tradition orthodoxe en 16 langues (arabes, russe, français mais aussi coréen ou japonais). Enregistré çà et là avec les moyens du bord, des voix fluettes de l’Afrique aux profondes basses russes, il y en a pour tous les goûts.

Traditionnel, Tropaire de Pâques 1

Hymne chrétien orthodoxe parmi les plus connus et le plus beaux, il est chanté lors de la Fête des Fêtes - la Sainte Pâque, c'est-à-dire la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, le tropaire est ici chanté par différents chœurs dans différentes mélodies et dans différentes langues : slavon, espagnol, arabe, grec, anglais, araméen, japonais, vieux slavon, lugandien, français, coréen, estonien, latin, turc, hongrois, ethiopien, serbe, polonais, macédonien, biélorusse, géorgien, roumain, albanais, allemand, chinois, hongrois.

À noter : les chrétiens orthodoxes célébrent la Résurrection une semaine après les catholiques et les protestants. Une histoire de calendriers julien ou grégorien — on vous passe les détails pour cette fois !

La fête de Pâques célébrée à l'orientale

Anne Pierrette Marie dite Irma Martin (1814-1876), Les saintes femmes au tombeau, (huile sur toile, 1843), (73 cm x 92 cm), collection privée © Domaine public

La Résurrection s'annonce avec des mots

Résumons : d'aller dire qu'Il est ressuscité comme il l'avait dit et comme il vient de le dire, lui, l'ange ... La résurrection se rencontre d'abord dans une heureuse, une incroyable annonce placée par Dieu dans la bouche de ses témoins.

L'un d'eux a si bien proclamé l'annonce qu'on l'a appelé « la Bouche d'Or », en grec : Chrysostome. Jean Chrysostome a été l'archevêque d’une ville qui au 4e s. portait le nom de Constantinople — et qui aujourd'hui s’appelle Istanbul.

Basilique Sainte-Sophie de Constantinople, Istanbul (Turquie)

La basilique Sainte-Sophie de Constantinople, construite entre 532 et 548, transformée en mosquée après la prise de la ville par les Ottomans en 1453, et devenue musée de l'Aya Sofya depuis 1934.

Pâques, c'est aussi ta fête !

Voilà l’homélie qu’il écrivit pour le jour de Pâques. Dans les rites orientaux, elle est proclamée durant les Matines de Pâques, sous le doux nom de Hieratikon :

  • Jean Chrysostome, Hieratikon « Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse solennité.

Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu'il reçoive aujourd'hui le juste salaire !

Celui qui est venu après la troisième heure, qu'il célèbre la fête dans l'action de grâce !

Celui qui est arrivé après la sixième heure, qu'il n'ait aucun doute, il ne sera pas lésé.

Si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, qu'il approche sans hésiter !

S'il a traîné jusqu'à la onzième heure, qu'il n'ait pas honte de sa lenteur,

car le Maître est généreux,

il reçoit le dernier comme le premier,

il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui de la première.

Il fait miséricorde à celui-là, et comble celui-ci.

Il donne à l'un, il fait grâce à l'autre.

Il accueille les œuvres, il apprécie le jugement ; il honore l'action et loue l'intention.

Aussi, entrez tous dans la joie de notre Seigneur ! »

Je suis trop contente !

Le mot de la fin
  • Jean Chrysostome, Homélie de Pâques « Premiers et derniers, recevez le salaire !

Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble !

Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour !

Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l'avez point fait, réjouissez-vous aujourd'hui !

La table est prête, mangez-en tous ! Le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun !

Jouissez tous du banquet de la foi !Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous.

Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau.

Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés.

Il a détruit la mort, celui qu'elle avait étreint.

Il a dépouillé l'enfer, celui qui est descendu aux enfers.

Il l'a rempli d'amertume, pour avoir goûté de sa chair.

Isaïe l'avait prédit en disant :

— L'enfer fut rempli d'amertume lorsqu'il t'a rencontré

rempli d'amertume, car il a été joué

bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti.

Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu.

Il prit de la terre et rencontra le ciel.

Il saisit ce qu'il voyait, et tomba sur celui qu'il ne voyait pas.

Ô mort, où est ton aiguillon ?

Enfer, où est ta victoire ?

Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé.

Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie.

Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie.

Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau,

car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis.

A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles Amen. »

(trad. M. Jeannin, Bar-le-Duc : Guérin, 1864)

Arts visuels

28,1–7 Les myrophores Les myrophores (du grec muron, « parfum liquide » et du verbe phoreo, « porter ») sont les femmes qui , à l'aube du Troisisème jour, viennent au tombeau de Jésus avec des onguents pour embaumer son corps. L'identité de ces femmes et leur nombre varint selon les évangiles: 

  • Mt 28,1 parle de Marie de Magdala et de l'autre Marie  qui d'après ce qu'il dit précédemment (Mt 27,56) serait Marie , mère de Jacques et Joseph. 
  • Mc 16,1 cite Marie de Magdala et Salomé
  • Lc24,10 donne le nom de 3 femmes; Marie de Magdala, Jeanne et Marie, mère de Jacques.
  • Jn 20,1 ne mentionne que Marie de Magdala

La présence de Marie Madeleine au tombeau est donc attestée par les 4 évangelistes, ce qui fait d'elle le personnage principal des Myrophores. 

3e siècle

Procession des femmes au tombeau (fresque du baptistère de la domus ecclesiae de Douras Europos, 240 ap; J.C.)

Galerie d'art de l'Université de Yale, © Domaine public→

6e siècle

Bien qu'il soit difficile dans les oeuvres des premiers siècle de déterminer, parmi les femmes venant au tombeau, qui est Marie de Magdala, on peut supposer qu'étant toujours citée en premier dans les évangiles, elle tient aussi la première place dans l'iconographie. Ici elle est représentée avec une torche et un onguent. 

 Evangelio siríaco de Rabbula (586),

Bibliothèque des Médicis Laurentiens (Florence), © Domaine public→,

Jn 19,18-42 ; Mt 28,1-10

Dans le manuscrit de l’Évangile de Rabbula la scène du dessous représente la Résurrection du Christ selon Mt 28: deux femmes parlent à un seul ange puis voient Jésus ressuscité devant qui elles se prosternent. Bien que Matthieu identifie les deux femmes à Marie Magdeleine et à "l'autre Marie", l'identité de ces femmes dans l'evangiles de Rabula n'est pas claire. Qui est la femme avec l'auréole? Serait-ce la Vierge Marie comme dans la scène du haut où elle est représentée avec le même type de vêtement, auprès de st Jean? Serait-ce Marie Magdeleine avec son flacon de parfum?

14e siècle

Maître de la Résurrection, Crucifixion avec saints / Noli me Tangere (Tempera et or sur bois, 1350)

Vatican Pinacothèque, © Domaine public→ 

Mc 16; Mt 28; Jn 20

Avec le 14e siècle, les émotions des personnages transparaissent d'avantage. Ici, dans la scène de la Resurrection en bas , les saintes femmes se rendent au lieu de la sépulture où, sur un cercueil en pierre ouvert, un ange leur indique de la main que Jésus n'est plus ici. Marie madeleine, toujours vêtue de rouge, s'agenouille aux pieds de Jésus ressuscité. Dans cette représentation sont donc représentées 4 femmes qui correspondraient aux 4 noms donnés en adittionnant les 4 évangiles: Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, Salimé et Jeanne. 

16e siècle

Annibale Carracci, Saintes Femmes au tombeau du Christ (huile sur toile, 1590)

, Musée de l'Ermitage,© Domaine public→

Encore dans la pénombre, les femmes arrivent au tombeau où elles trouvent assis sur la pierre , un ange tout illuminé qui leur indique que celui qu'elles cherchent n'est plus ici. Toute l'expression des personnages passe par les mains et non par les visages qui restent dans l'ombre. Tout près de l'ange, se tient Marie de Magdala habillée de rouge et les cheveux découverts. Elle tient de ses deux mains un grand vase de parfum, attribut qui lui est propre.  

Peter Paul Rubens, Les saintes femmes au Sepulcre, (huile sur toile)

Norton Simon Museum, © Domaine public→

Dans son tableau Les saintes femmes au Sepulcre, Rubens a réprésenté deux anges et non un seul, à l'entrée du tombeau ouvert du Christ. Seule la lumière émanant du tombeau permet d'éclairer la scène. Ce n'est plus deux ou trois femmes qui sont là pour l'enbaumement mais six. Qui parmi elles est Marie Madeleine? Peut etre cette femme à la robe rouge qui tourne le dos et ne porte pas de voile? A moins que ce soit celle qui se penche en avant et qui tient en ses mains un onguent ?

Cinéma

26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).

Pier Paolo Pasolini, Il Vangelo secondo Matteo, film, 137', Italie-France : Arco film-Lux Compagnie cinématographique, 1964.

Photographie : Tonino Delli Colli ; musique : Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Sergueï Prokofiev, Anton Webern, Père Guido Haazen (Missa Luba), Sometimes I Feel like a Motherless Child (Negro spiritual), chants de l’Armée Rouge ; distribution : Enrique Irazoqui (Jésus), Mario Socrate (Jean-Baptiste), Margherita Caruso/Susanna Pasolini (Marie)

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La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.

De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.

La passion

La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.

  • Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.

  • Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.

  • La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.

Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.

Jésus

À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.

La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.

Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.

Colère de Dieu, colère des hommes

Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :

  • Péguy Porche « Cette aventure par laquelle mon Fils m’a lié les bras. Pour éternellement liant les bras de ma justice, pour éternellement déliant les bras de ma miséricorde » (307).

Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?

Le mystère de la croix

Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.

Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.

La figure de Marie

Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :

  • En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)

  • Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.

Antijudaïsme ?

Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.

L’Église

Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :

  • Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.

  • La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.

  • Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.

Conclusion

Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.

La passion dans Il Vangelo secondo Matteo, verset par verset

Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.

  • Mt 26,1-5 : complot contre Jésus (1:38). 
  • Mt 26,6-13 : la protestation « des disciples » contre l'onction vient de Judas seul ; Marie Madeleine perçoit avec effroi le choix que Judas fait, dans son cœur, de trahir le Christ (1:39-41). 
  • Mt 26,14-16: trahison de Judas (1:41-42).
  • Mt 26,25 : dénonciation de Judas (1:42-43). 
  • Mt 26,26 : la communion au pain (1:43). 
  • Mt 26,27:  lors de la communion au calice, Jésus sourit (contentement de l’époux après avoir consommé ses noces ; 1:43-44).
  • Mt 26,30: le jardin des Oliviers (1:44).
  • Mt 26,38: pendant l’agonie de Jésus, la lumière disparaît ; la pellicule noircit (1:45-49).
  • Mt 26,39: Jésus tombe, mais pas face contre terre (1:45-49).
  • Mt 26,43: en train de dormir En train de dormir : Jésus prie en 2 fois et pas 3 (il ne réveille ses disciples qu’une seule fois, puis les soldats arrivent) (1:45-49).
  • Mt 26,49: un baiser le baiser de Judas Ignoré par Pasolini (1:45-49).
  • Mt 26,51-52: Jésus, par sa parole, empêche que l’oreille du garde soit arrachée par le disciple zélé (1:48-49).
  • Mt 26,55 : l’arrestation de Jésus (1:49).
  • Mt 26,59 : pendant l’interrogatoire au sanhédrin, un point de vue de Pierre, qui déambule, perdu dans les rues de Jérusalem. Jérusalem est montrée comme une ville en ruines (1:50).
  • Mt 26,65 a: déchira ses vêtements l’indignation de Caïphe : Caïphe se déshabille plutôt qu’il ne déchire ses vêtements (1:52).
  • Mt 26,67-68 : les outrages chez le grand prêtre sont suggérés (cohue). Cette scène est montrée de loin, avec le point de vue de Pierre qui est un spectateur éloigné. Pasolini qui insiste tout au long de son œuvre sur la colère du Christ devant l’injustice faite aux hommes par les hommes, édulcore l’injustice faite par les hommes à l’Homme (1:53).
  • Mt 26,70 b: Je ne sais pas ce que tu veux dire le reniement de Pierre : Le coq n’est pas montré ; Pierre est montré perdu sur une rue pavée dévorée de mauvaises herbes (Cf. la parabole). On s’éloigne de Pierre pour rejoindre Judas (1:53-54).
  • Mt 27,4-5 les remords de Judas : Puis point de vue de Judas pour montrer Jésus emmené chez Pilate pour mourir (1:55-57).
  • Mt 27,5 Mort de Judas : Judas se pend nu. Il a tout perdu. Il se retrouve seul dans la création, séparé de Dieu, comme Adam après le péché originel ? (1:57).
  • Ajout de Pasolini : Jean et Marie chez Pilate (1:57-58).
  • Mt 27,1 Devant le gouverneur : Jésus chez Pilate est montré du point de vue de Jean, avec les yeux de Jean (1:58).
  • Mt 27,11 b: le gouverneur l’interrogea l’interrogatoire par Pilate (1:58).
  • Mt 27,24 b: se lava les mains le lavement des mains Pilate prononce les paroles du lavement des mains mais ne se lave pas les mains (1:58).
  • Mt 27,26-27 dans le prétoire la flagellation et les outrages au prétoire Jésus marche librement vers sa mort, un bâton de pèlerin à la main jusqu’à ce que ce dernier soit remplacé par la croix. A part un mouvement de cohue, Jésus n’est pas supplicié (1:59).
  • Mt 27,31 c : ils l’emmenèrent la montée au Calvaire : Marie est cramponnée à Jean. Susana Pasolini est tres convaincante en mère assistant au supplice de son fils ; cependant elle n’est pas n’importe quelle mère. Lorsque son fils meurt, il porte le monde et dans sa compassion qui est une union mystique, un cœur à cœur avec le Fils de Dieu qui aime l’humanité à mourir d’amour pour elle, Marie aussi porte le monde. Elle ne peut dès lors être représentée comme « simplement » éplorée (évaporée).  Les soldats donnent à boire à Jésus pour monter au Calvaire. Marie se bat pour être proche de son fils (1:59).
  • Mt 27,32 a : un Cyrénéen du nom de Simon Simon de Cyrène : Jésus tombe une fois, puis Simon de Cyrène est réquisitionné pour porter (seul). Jésus n’a pas un cheveu décoiffé, pas une égratignure. Rupture entre la promenade dominicale d’un Christ étranger/indifférent/désincarné [ou encore philosophe face] à son fardeau. Ici Jésus sous-traite le problème (2:01).
  • Mt 27,35 a l’ayant crucifié la crucifixion (2:03). L’image s’interrompt pour expliquer, par une parole du Christ, le caractère mystérieux (incompréhensible ?) de la Passion : « Vous verrez mais ne comprendrez pas… »
  • Mt 27,38  deux brigands le bon et le mauvais larron : Visibles mais non identifiés (2:02).
  • Mt 27,45 de la ténèbre sur toute la terre l’obscurcissement à la sixième heure (2:04).
  • Mt 27,48 b : vinaigre la gorgée de vinaigre (2:05).
  • Mt 27,51-53 les signes accompagnant la mort du Christ : Seul le tremblement de terre est représenté. Un groupe de femmes en noir jaillit en courant d’une habitation (2:06).
  • Mt 27,59-60 Ensevelissement de Jésus : Cortège comprenant Marie et Jean. Plusieurs jeunes hommes pieds nus, habillés comme des moines franciscains (sans capuche), portent le corps de Jésus jusqu’à son tombeau (2:07-08).
  • Mt 28,1 vinrent pour voir le sépulcre visite des saintes femmes au tombeau (2:09).
  • Mt 28,2 et voici la résurrection Le visage de Marie s’illumine de gratitude, sans trace de surprise lorsque la pierre roule découvrant le tombeau vide (2:10).
  • Mt 28,16-20 : apparition du Christ ressuscité aux disciples (2:11).

(avec fr. Benoît Ente o.p.)