La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,12

G
V
S

12  C’est pourquoi je te célébrerai et je te louerai

et je bénirai le nom du Seigneur. 

12 parce que tu délivreras ceux qui t'attendent

et que tu les libères des mains des nations.

12 ...

12 (héb. 12c) gardien d’Israël Ps 121,4 (héb. 12d) créateur de tout Si 24,8 ; Jr 10,16 ; 51,19 (héb. 12e) rédempteur d’Israël Is 44,6 ; 49,7 (héb. 12f) qui rassemble les dispersés d’Israël Ps 147,2 ; Is 56,8 (héb. 12g) qui bâtit sa ville Ps 147,2 (héb. 12h) fait pousser la corne de la maison de David Ps 132,17 ; Ez 29,21 ; Lc 1,69 (héb. 12j) bouclier d’Abraham Gn 15,1 (héb. 12l) puissant de Jacob Gn 49,24 ; Ps 132,2.5 12d je bénirai le nom du Seigneur Ps 145,1 12 (héb. 12o) || Ps 148,14 (héb. 12a-n) car pour toujours est son amour Ps 136 (héb. 12m) qui choisit Sion 2R 21,7 ; Ps 132,13 12a (héb. S) de tout mal Gn 48,16 ; Ps 121,7 12b (héb.) jour d’adversité Ps 20,2 ; 41,2 ; 50,15 ; Jr 16,19 ; Ab 12.14 ; Na 1,7 ; So 1,15

Réception

Intertextualité biblique

12 (héb. 12a-n) Titulature Pratiquement tous les titres de Dieu dans ce poème sont une expression biblique ou ont un ancrage biblique : Références en marge.

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.). 

Texte

Vocabulaire

12 louanges (héb. 12b) Terme rare ms.B : htšbḥwt. Le terme tišbaḥôt n’est pas biblique, mais se trouve à Qumrân (1QM 4,8) et dans le Rituel de prières (avant la récitation du Šᵉma‘ le matin).

Texte biblique

12 (héb. a-o) Psaume authentique ?  Quoi qu’il en soit de son origine incertaine (Critique textuelle), ce psaume, à la place que lui confère le manuscrit, pourrait constituer la louange que Ben Sira avait annoncée au v.12cd : il y a pleinement son sens, rejoignant la structure traditionnelle de l’action de grâces qui finit par l’action de grâces proprement dite. Genres littéraires Si 51,1–12-héb ; Genres littéraires Si 51,8–12-héb

Procédés littéraires

2b.12a destruction (G) Inclusion.

Réception

Comparaison des versions

8–12 Cadre énonciatif À partir du v.8, l'héb. et S désignent le Seigneur à la 3e pers. du sg., tandis que G et V, conservant le système d’énonciation précédent, continuent de lui adresser le discours à la 2e pers., sauf aux v.10a et v.12d.

Intertextualité biblique

12 (héb. 12o) Citation littérale de Ps 148,14. Grammaire Si 51,12 (héb. 12o)

Texte

Procédés littéraires

12 car pour toujours est son amour (héb. 12a-n) Refrain Répétition de  caractéristique du style hymnique.

Réception

Intertextualité biblique

12 rocher d’Isaac (héb. 12k) Innovation à partir d'un motif connu Le titre « rocher d’Isaac » n’est pas biblique mais le titre divin de Rocher est bien usité : Dt 32,4.15.18.30-31 ; Ps 18,3 ; Is 30,29 ; etc.

12 Rendez grâce à YYY car il est bon (héb. 12a) Citation Ce premier verset est une citation littérale de l’ouverture des Ps 106-107 ; 118 ; 136.

12 qui rassemble les dispersés d’Israël + qui bâtit sa ville et son temple — (héb. 12f-g) : Citation ? Dans Ps 147,2 Dieu bâtit Jérusalem et rassemble les dispersés d’Israël.

Texte

Procédés littéraires

12 corne (héb. 12h, o) Métaphore de la vigueur. Intertextualité biblique Si 51,12 (héb. 12h, o)

Contexte

Repères historiques et géographiques

12 Çadoq (héb. 12i) Prosopographie Le prêtre désigné par Salomon après la destitution d’Ébyatar (1R 2,27-35).

Milieux de vie

1–12 Anthropologie Les mentions « ma vie », « mon âme », « ma chair », « mon pied » n’impliquent pas une anthropologie dualiste. C’est la personne même de Ben Sira qui est sauvée de la mort, comme l’atteste le pronom personnel 1e pers. sg. (les expressions « tu m’as libéré », « tu m’as protégé », « tu m’as sauvé »). Au v.6 « mon âme » et « ma vie » sont parallèles. 

Réception

Intertextualité biblique

12 corne (héb. 12h, o) Symbole de vigueur (Procédés littéraires Si 51,12 [héb. 12h, o]) Ben Sira invite à louer Celui qui « fait pousser » ou « élève » la corne, c’est-à-dire la vigueur, qu'elle soit celle de la maison de David (héb. 12h) ou du peuple (héb. 12o). Dieu en assure la pérennité. Au temps passé, il a fait pousser la corne de David en lui assurant une lignée, mais même au temps de Ben Sira où le trône a échappé à la lignée davidique, Dieu est celui qui par principe vivifie cette « vigueur ». L’expression « celui qui fait pousser la corne de la maison de David » (héb. 12h) est directement inspirée du Ps 132,17 « là je ferai pousser la corne de David » (cf. Ez 29,21). Cf. « faire lever (rûm) la corne » dans 1S 2,10 ; Ps 148,14

Liturgie

12–20 Lectionnaire quotidien romain : la joie dans la sagesse

  • Eucharistie, samedi de la 8e semaine du TO-I : La première lecture est Si 51,12b-20 (12e et dernier passage de Si dans le lectionnaire quotidien), suivi de Ps 19,8-11, qui souligne la joie que donnent les préceptes du Seigneur. L’Évangile du jour est Mc 11,27-33, 48e passage d’une séquence semi-continue. Le rapprochement est fortuit, mais souligne la sagesse de Jésus.

Propositions de lecture

1–12 Action de grâces au terme d'une terrible épreuve

Argument général

Ben Sira rend grâces au Seigneur qui, d’une véritable descente aux enfers, l’a fait remonter à la vie. Une calomnie l’avait mis en péril (v.1-7 décrivent les dangers dont le Seigneur l’a délivré ; v.8-12 rendent grâces au Seigneur sauveur). Il montre que son enseignement de Si 2 est fondé sur sa propre expérience, autant que sur celle des aïeux, tels Josué (Si 46,5), Samuel (Si 46,16-18) et autres.

Variations entre versions

Les coupes observées dans les versions ne sont pas identiques.

  • G et V omettent l’un ou l’autre demi-vers de l'héb.
  • S est plus court : sept demi-vers de moins dans la première partie (v.2cde.4b.5ab.6a). En supprimant toute allusion à la calomnie, S rend cette prière plus générale, utilisable pour toutes actions de grâces individuelles au sortir d’une épreuve mortelle. La seconde partie suit davantage le texte hébreu.

La numérotation des versets en hébreu, grec et latin est différente. La version syriaque suit la numérotation du grec.

Structure : variations dans le cadre d’énonciation

Particulièrement claire en hébreu, la structure littéraire reste ferme dans les versions aussi :

  • Une grande inclusion (vv.1 et v.12) englobe le poème (composé en heb. de deux parties de 10 distiques) dans une action de grâces adressée à Dieu.
  • Première partie : v.1-5 (heb. 50,28c-51,5c) : Ben Sira s’adresse à Dieu à la deuxième personne (« tu »). L'héb. contient 3 strophes de 3 distiques. Au centre de la 2e strophe (héb. 3ab), l’auteur reconnaît l’intervention divine.
  • Pivot : v.6bc-7 (2 distiques) : Le tournant du texte correspond au fond de la descente aux enfers : Dieu y est absent.  Le v.6bc (heb. 6) renvoie aux versets qui précèdent, en particulier les v.1b.2b de l'héb. Le v.7 ouvre les v.8-12 (3 strophes de 3 distiques). 
  • Seconde partie : v.8-12 : La seconde partie parle de Dieu à la 3e pers. dans l'héb. (« il ») — tout en intégrant l’anamnèse d’une prière en « tu » (héb. 10-11ab) — tandis que G et V continuent à la 2e pers. (sauf aux v.10a et v.12d : Comparaison des versions Si 51,8–12). Les v.8-11 font l’anamnèse d’une prière passée et de son exaucement, puis rendent grâces, comme promis. En héb., la strophe centrale de l'action de grâces se trouve en v.10-11b, évocation de la prière prononcée naguère dans la détresse, qui place en son centre une unique demande, négative : « Ne m’abandonne pas » (cf. Ne 9,32). 

Narration : temporalité : analepses et prolepses

  • La prière en héb. couvre tout le cours du temps : elle est passée (sous forme d’anamnèse, v.10-11b), présente (v.1-5) et promise (v.12cd).

Texte

Critique textuelle

1–12 Le texte héb. du ms.B est bien transmis, hormis quelques détails. Propositions de lecture Si 51,1–12

Genres littéraires

1–12 (heb.) Action de grâces individuelle — inversée En commençant par l’action de grâces adressée à Dieu proprement dite, la structure normale de ce genre littéraire (connue surtout par Ps 116 ; 118 ; Is 38,10-20) est inversée. Généralement elle se présente ainsi :

  • elle commence par le récit de la détresse où sombrait le psalmiste, adressé aux témoins ;
  • elle se continue dans un morceau liturgique, adressé directement au Seigneur et rappelant la prière prononcée dans la détresse et la promesse de rendre grâces ;
  • ellese termine avec le psalmiste exécutant sa promesse, remerciant le Seigneur libérateur.

Ben Sira en bouleverse le cadre énonciatif et l'ordre :   

1. Apostrophe au Dieu sauveur (v.1-7)

L’auteur s’adresse d'emblée au Seigneur pour le remercier de l'avoir libéré.

2. Innovation : hésitations énonciatives (v.8-12)

Ben Sira ne s’adresse pas au Seigneur mais plutôt à des tiers, quitte à citer sa prière dans la détresse. En inversant les sections « tu » et « il » (Propositions de lecture Si 51,1–12), Ben Sira opère un choix : non plus une liturgie, mais une action de grâces privée.

3. Psaume de louange (héb. 12a-o)

Le Ps de louange qui suit, quelle que soit l’hypothèse rédactionnelle retenue, rejoint la 2e partie de la structure traditionnelle (cf. Ps 118,29).

Réception

Intertextualité biblique

1–12 Scenario du juste en détresse Bien des citations ou des références à l’Écriture renvoient à des situations de détresse critique et exemplaire : Job, le psalmiste en péril (Ps 25 et autres psaumes de détresse), Jérémie persécuté, Jonas dans le ventre du grand poisson, Sophonie devant le Jour de YHWH, etc. Références en marge

Texte

Critique textuelle

12 (héb. 12a-o) Plus héb. Ms.B insère ici un psaume de louange de quinze versets. 

Propositions de lecture

12 (héb. 12a-o) Psaume authentique ? Quoi qu’il en soit de son origine incertaine (Critique textuelle Si 51,12), ce psaume, à la place que lui confère le manuscrit, pourrait constituer la louange que Ben Sira avait annoncée au v.12cd : il y a pleinement son sens, rejoignant la structure traditionnelle de l’action de grâces qui finit par l’action de grâces proprement dite (Genres littéraires Si 51,1–12). Son attribution à Ben Sira est discutée. Sa facture et nombre de ses expressions sont empruntés aux Psaumes : Intertextualité biblique Si 51,12.

Grammaire

12 car (héb. 12a-n) Explication ou exclamation ? Selon l’interprétation donnée à la conjonction ,

  • soit la motivation de la louange (« car »),
  • soit une exclamation (« Rendez grâce au Seigneur : éternel est son amour ! »), peut-être l’équivalent de « oui ».

12 gloire à tous ses fidèles (héb. 12o) Apposition ou objet direct ? ms.B : thlh lkl ḥsydyw. Autre traduction possible : « la gloire de tous ses fidèles », comme 2e complément du verbe « il élève » (et non comme apposition du substantif « corne »). Intertextualité biblique Si 51,12 (héb. 12o)

Réception

Intertextualité biblique

12 (héb. 12a-o) Centon des Ps 132 et Ps 136

  • Le Ps 136 donne la forme littéraire à notre psaume : chaque premier stique est suivi de la même explication/exclamation (Grammaire Si 51,12 [héb. 12a-n]) : « car pour toujours est son amour ».
  • Le Ps 132 en donne une partie de la matière. Ce psaume évoque David (Ps 132,1.10-11 ; cf. v.12h), le puissant de Jacob (Ps 132,2.5 ; cf. v.12l), les prêtres revêtus de justice (Ps 132,9 ; cf. v.12i), le Seigneur qui a fait choix de Sion (Ps 132,13 ; cf. v.12m) et fera pousser la corne de David (Ps 132,17 ; cf. v.12h, o) et les fidèles du Seigneur (Ps 132,16 ; cf. v.12o). Autant de traits présents dans ce psaume, au mot près.

Texte

Procédés littéraires

12 (héb. 12c-i et m) Parallélisme étendu Construction parallèle dans 8 versets : préposition l- + une participe (celui qui garde, qui façonne, qui rachète, qui rassemble, qui bâtit, qui fait pousser, qui choisit [2x]).

Réception

Intertextualité biblique

12 roi des rois des rois (héb. 12n) Titre divin Dans la Bible, Dieu est « roi » (Si 50,15 ; Ps 98,6 ; 145,1), « roi de gloire » (Ps 24,7-10) et « grand roi » (Ps 47,3). Selon Dt 10,17, Dieu est « le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs » (’ĕlōhé hā’ĕlōhîm wa’ădoné hā’ădōnîm). Nabuchodonosor II est déclaré « roi des rois » (Ez 26,7). Tradition juive Si 51,12 (héb. 12n)

Littérature péritestamentaire

12 fils de Çadoq (héb. i) À Qumrân Expression proche d’expressions qumrâniennes, ce qui, selon certains, conforterait l’hypothèse d’une origine qumrânienne de cette pièce. Les « fils de Çadoq » apparaissent en CD-A 3,21-4,3, citant Ézéchiel.

Tradition juive

12 (héb. 12a-o) Les Dix-huit bénédictions Le psaume héb. est proche du rituel juif, en particulier de la prière des Dix-huit bénédictions (Šᵉmōnê ‘eśré) ou ‘ămîdâ, dont la mise en forme remonterait, selon le Talmud de Babylone (b. Meg. 17b ; b. Ber. 28b), à la fin du 1er s. (à la demande de Gamaliel). Les finales (eulogies) des bénédictions sont proches de plusieurs versets du psaume, sans que l’on puisse déterminer l’origine de cette proximité. Ainsi :

  • héb. 12j-l // 1re bénédiction : « Béni sois-tu, Seigneur, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob ».
  • héb. 12e // 7e bénédiction : « […] Béni sois-tu, Seigneur, rédempteur d’Israël ».
  • héb. 12f // 10e bénédiction : « […] Béni sois-tu, Seigneur, qui rassembles les dispersés du peuple d'Israël ».
  • héb. 12g // 14e bénédiction : « […] Béni sois-tu, Seigneur, qui bâtis Jérusalem ».
  • héb. 12h // 15e bénédiction : « Tu fais pousser la pousse de David […]. Béni sois-tu, Seigneur, qui fais pousser la corne du salut ».

12 gardien d’Israël + créateur de tout — (héb. 12c-d) La liturgie du Šema‘

  • héb. 12c : Le titre « gardien d’Israël » est repris dans l’eulogie de la prière qui suit la récitation du Šᵉma‘ le soir : « Béni sois-tu, Seigneur, qui gardes ton peuple Israël à jamais ».
  • héb. 12d : Pour le titre « créateur de tout » ; cf. l’eulogie qui précède la récitation du Šᵉma‘ le matin : « Béni sois-tu Seigneur notre Dieu […] qui façonnes la lumière et crées les ténèbres, qui fais la paix et crées le tout ». Citations d'Is 45,7, qui finit par « et crée le mal ». Selon b. Ber. 11b, le rituel a changé « le mal » en « le tout », qui ne serait qu’un euphémisme.

12 roi des rois des rois (héb. 12n) Superlatif sémitique Le titre divin « roi des rois des rois » n’est pas biblique (Intertextualité biblique Si 51,12 [héb. 12n]) mais se retrouve dans m. ’Abot 3,1 ; 4,22 et dans la liturgie juive (office de Mussaf pour la fête de Rosh Hashana). La formule doublée ou triplée est une forme de superlatif sémitique.