Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
Pour nous apporter votre aide, cliquer ici
8 Et je me suis souvenu de ta miséricorde Seigneur
et de ton œuvre de toute éternité
parce que tu sauves ceux qui espérent en toi
et que tu les délivres des mains des ennemis.
8 Mon âme a loué le Seigneur jusqu’à la mort
8 ...
9 Et je fis monter de la terre ma supplication
et je priai pour la délivrance de la mort.
9 et ma vie était proche de l’enfer en bas.
9 ...
10 J’invoquai le Seigneur père de mon Seigneur pour qu’il ne m’abandonnât pas aux jours de ma tribulation
et au temps des orgueilleux : absence de secours.
Je louerai ton nom continuellement
et je le chanterai dans l'action de grâce.
10 Ils m'ont environné de tous côtés et il n’y avait personne pour me secourir ;
j’attendais qu'un secours me vienne et il n'y en avait pas.
10 ...
11 Et ma prière a été exaucée
car tu m'as sauvé de la ruine
et tu m'as délivré de l'époque du mal.
11 Je me suis souvenu, Seigneur, de ta miséricorde
et de ton œuvre, qui sont depuis l'éternité
11 ...
12 C’est pourquoi je te célébrerai et je te louerai
et je bénirai le nom du Seigneur.
12 parce que tu délivreras ceux qui t'attendent
et que tu les libères des mains des nations.
12 ...
12 (héb. 12a-n) Titulature Pratiquement tous les titres de Dieu dans ce poème sont une expression biblique ou ont un ancrage biblique : Références en marge.
10c jour de catastrophe et de cataclysme (héb. 10d) À Qumrân
1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de , évêque de Mayence au 9e s. (→Comm. Eccl.).
1–8 Lectionnaire sanctoral romain : victoire du martyr
9b la délivrance Sens exceptionnel G : ruseôs ; hapax dans toute la langue grecque (sauf une occurrence dans une inscription trouvée sur l’île de Kos) au sens de « délivrance » (du verbe ruomai « délivrer »). Le sens habituel du substantif rusis est « écoulement ».
10c refuse tout secours Terme rare G : aboêthêsias « manque de secours », deux occurrences dans la langue grecque : ici et chez → 4,3 (PL 93,752). Fr. Lam.
12 louanges (héb. 12b) Terme rare ms.B : htšbḥwt. Le terme tišbaḥôt n’est pas biblique, mais se trouve à Qumrân (→1QM 4,8) et dans le Rituel de prières (avant la récitation du Šᵉma‘ le matin).
8cd : Il (héb.) w explicatif ms.B : wyg’lm, rendu par nos deux points ( : ).
12 (héb. a-o) Psaume authentique ? Quoi qu’il en soit de son origine incertaine (Critique textuelle), ce psaume, à la place que lui confère le manuscrit, pourrait constituer la louange que Ben Sira avait annoncée au v.12cd : il y a pleinement son sens, rejoignant la structure traditionnelle de l’action de grâces qui finit par l’action de grâces proprement dite. Genres littéraires Si 51,1–12-héb ; Genres littéraires Si 51,8–12-héb
2b.12a destruction (G) Inclusion.
8–12 Cadre énonciatif À partir du v.8, l'héb. et S désignent le Seigneur à la 3e pers. du sg., tandis que G et V, conservant le système d’énonciation précédent, continuent de lui adresser le discours à la 2e pers., sauf aux v.10a et v.12d.
11c G V | héb. S (11cd) — Versification G et V réduisent à un stique le distique de l'héb. et de S, en retenant le mot du début du premier stique et celui de la fin du second.
11c fut entendue (G V) Passif théologique Cf. ms.B et S : « YYY/le Seigneur entendit ».
12 (héb. 12o) Citation littérale de Ps 148,14. Grammaire Si 51,12 (héb. 12o)
10a le Seigneur, père de mon seigneur Polémique christologique Guillaume de Bourges, un juif converti au christianisme, dans un ouvrage daté d’environ 1235, mène une polémique anti-juive en prenant à témoin les Écritures, dont deux versets de Ben Sira (en latin), compris dans une lumière christologique :
12 car pour toujours est son amour (héb. 12a-n) Refrain Répétition de kî caractéristique du style hymnique.
12 rocher d’Isaac (héb. 12k) Innovation à partir d'un motif connu Le titre « rocher d’Isaac » n’est pas biblique mais le titre divin de Rocher est bien usité : Dt 32,4.15.18.30-31 ; Ps 18,3 ; Is 30,29 ; etc.
12 Rendez grâce à YYY car il est bon (héb. 12a) Citation Ce premier verset est une citation littérale de l’ouverture des Ps 106-107 ; 118 ; 136.
12 qui rassemble les dispersés d’Israël + qui bâtit sa ville et son temple — (héb. 12f-g) : Citation ? Dans Ps 147,2 Dieu bâtit Jérusalem et rassemble les dispersés d’Israël.
12 corne (héb. 12h, o) Métaphore de la vigueur. Intertextualité biblique Si 51,12 (héb. 12h, o)
11b chanterai : G | V : le glorifierai | héb. S : me souviendrai de toi
10c de catastrophe et de cataclysme (héb. 10d) Allitération ms.B : šw’h wmšw’h (šô’â ûmᵉšō’â). Intertextualité biblique Si 51,10c
10a Mon père, c’est toi (héb.) Expression davidique Dans Ps 89,27 déjà, Dieu place l’expression sur les lèvres du jeune David. La royauté faisait de lui le fils du Seigneur à un titre particulier (2S 7,14 ; Ps 2,7). L’invocation au Dieu-Père d’un simple individu au v.10 marque une évolution spirituelle. Le passage souligne l’intimité de la relation entre Dieu et l’orant : Références en marge Si 51,10a ; Critique textuelle Si 51,1ab ; Théologie Si 51,1b.10a.
12 Çadoq (héb. 12i) Prosopographie Le prêtre désigné par Salomon après la destitution d’Ébyatar (1R 2,27-35).
1–12 Anthropologie Les mentions « ma vie », « mon âme », « ma chair », « mon pied » n’impliquent pas une anthropologie dualiste. C’est la personne même de Ben Sira qui est sauvée de la mort, comme l’atteste le pronom personnel 1e pers. sg. (les expressions « tu m’as libéré », « tu m’as protégé », « tu m’as sauvé »). Au v.6 « mon âme » et « ma vie » sont parallèles.
12 corne (héb. 12h, o) Symbole de vigueur (Procédés littéraires Si 51,12 [héb. 12h, o]) Ben Sira invite à louer Celui qui « fait pousser » ou « élève » la corne, c’est-à-dire la vigueur, qu'elle soit celle de la maison de David (héb. 12h) ou du peuple (héb. 12o). Dieu en assure la pérennité. Au temps passé, il a fait pousser la corne de David en lui assurant une lignée, mais même au temps de Ben Sira où le trône a échappé à la lignée davidique, Dieu est celui qui par principe vivifie cette « vigueur ». L’expression « celui qui fait pousser la corne de la maison de David » (héb. 12h) est directement inspirée du Ps 132,17 « là je ferai pousser la corne de David » (cf. Ez 29,21). Cf. « faire lever (rûm) la corne » dans 1S 2,10 ; Ps 148,14.
12–20 Lectionnaire quotidien romain : la joie dans la sagesse
1–12 Action de grâces au terme d'une terrible épreuve
Ben Sira rend grâces au Seigneur qui, d’une véritable descente aux enfers, l’a fait remonter à la vie. Une calomnie l’avait mis en péril (v.1-7 décrivent les dangers dont le Seigneur l’a délivré ; v.8-12 rendent grâces au Seigneur sauveur). Il montre que son enseignement de Si 2 est fondé sur sa propre expérience, autant que sur celle des aïeux, tels Josué (Si 46,5), Samuel (Si 46,16-18) et autres.
Les coupes observées dans les versions ne sont pas identiques.
La numérotation des versets en hébreu, grec et latin est différente. La version syriaque suit la numérotation du grec.
Particulièrement claire en hébreu, la structure littéraire reste ferme dans les versions aussi :
1–12 Le texte héb. du ms.B est bien transmis, hormis quelques détails. Propositions de lecture Si 51,1–12
1–12 (heb.) Action de grâces individuelle — inversée En commençant par l’action de grâces adressée à Dieu proprement dite, la structure normale de ce genre littéraire (connue surtout par Ps 116 ; 118 ; Is 38,10-20) est inversée. Généralement elle se présente ainsi :
Ben Sira en bouleverse le cadre énonciatif et l'ordre :
L’auteur s’adresse d'emblée au Seigneur pour le remercier de l'avoir libéré.
Ben Sira ne s’adresse pas au Seigneur mais plutôt à des tiers, quitte à citer sa prière dans la détresse. En inversant les sections « tu » et « il » (Propositions de lecture Si 51,1–12), Ben Sira opère un choix : non plus une liturgie, mais une action de grâces privée.
Le Ps de louange qui suit, quelle que soit l’hypothèse rédactionnelle retenue, rejoint la 2e partie de la structure traditionnelle (cf. Ps 118,29).
1–12 Scenario du juste en détresse Bien des citations ou des références à l’Écriture renvoient à des situations de détresse critique et exemplaire : Job, le psalmiste en péril (Ps 25 et autres psaumes de détresse), Jérémie persécuté, Jonas dans le ventre du grand poisson, Sophonie devant le Jour de YHWH, etc. Références en marge
1b.10a mon Dieu, mon père + Mon père, c’est toi — (héb. 50,28d ; 51,10a) Innovation théologique : Dieu, Père des personnes individuelles ? Une lecture ’Ĕlōhay, ’ābî « mon Dieu, mon père » (ms.B : ’lhy ’by) dans héb. 50,28d (Critique textuelle Si 51,1ab) permet de voir ici l’idée de Dieu comme père non plus seulement du roi (cf. 2S 7,14) ni du peuple mais de la personne privée ; cf. héb. 51,10a « Et j’ai exalté YYY : Mon père, c’est toi » ; Si 4,10 (surtout héb.) ; Si 23,1.4. Intertextualité biblique Si 51,10a
10c au temps où l’arrogance refuse tout secours Variante grecque G : en kairôᵢ huperêphaniôn/huperêphanôn aboêthêsias , litt. « à un moment d’arrogances (huperêphaniôn) de non-assistance » ou « à un moment de non-assistance des arrogants (huperêphanôn) ».
10ab J’ai supplié + de ne pas m’abandonner — (G) Construction classique G : epekalesamên... mê me egkatalipein ; le verbe epikaleomai + un infinitif a le sens de « supplier… de... » dans toute la littérature grecque classique, biblique (koinè) et patristique ; cf. 2M 3,15. L’infinitif qui suit n’est donc pas à comprendre comme un ordre (« ne m’abandonne pas »).
9a ma supplication : G | V : ma demeure En raison de iotacisme, le latin a compris « J’exalterai sur terre ma demeure » (le grec oiketia pour iketeia).
10 Cadre énonciatif
8d Il les rédime (héb.) La racine g’l ms.B : wyg’lm ; pour le Dieu-gō’ēl, voir Jb 19,25 ; pour le gō’ēl, Nb 35,12-27.
10c au jour de catastrophe et de cataclysme (héb. 10d) Citation ms.B : bywm šw’h wmšw’h ; cf. M-So 1,15 yôm šô’â ûmᵉšō’â ; M-Jb 30,3 ; 38,27 šô’â ûmᵉšō’â. Procédés littéraires Si 51,10c
12 (héb. 12a-o) Plus héb. Ms.B insère ici un psaume de louange de quinze versets.
12 (héb. 12a-o) Psaume authentique ? Quoi qu’il en soit de son origine incertaine (Critique textuelle Si 51,12), ce psaume, à la place que lui confère le manuscrit, pourrait constituer la louange que Ben Sira avait annoncée au v.12cd : il y a pleinement son sens, rejoignant la structure traditionnelle de l’action de grâces qui finit par l’action de grâces proprement dite (Genres littéraires Si 51,1–12). Son attribution à Ben Sira est discutée. Sa facture et nombre de ses expressions sont empruntés aux Psaumes : Intertextualité biblique Si 51,12.
12 car (héb. 12a-n) Explication ou exclamation ? Selon l’interprétation donnée à la conjonction kî,
12 gloire à tous ses fidèles (héb. 12o) Apposition ou objet direct ? ms.B : thlh lkl ḥsydyw. Autre traduction possible : « la gloire de tous ses fidèles », comme 2e complément du verbe « il élève » (et non comme apposition du substantif « corne »). Intertextualité biblique Si 51,12 (héb. 12o)
12 (héb. 12a-o) Centon des Ps 132 et Ps 136
12 (héb. 12c-i et m) Parallélisme étendu Construction parallèle dans 8 versets : préposition l- + une participe (celui qui garde, qui façonne, qui rachète, qui rassemble, qui bâtit, qui fait pousser, qui choisit [2x]).
12 roi des rois des rois (héb. 12n) Titre divin Dans la Bible, Dieu est « roi » (Si 50,15 ; Ps 98,6 ; 145,1), « roi de gloire » (Ps 24,7-10) et « grand roi » (Ps 47,3). Selon Dt 10,17, Dieu est « le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs » (’ĕlōhé hā’ĕlōhîm wa’ădoné hā’ădōnîm). Nabuchodonosor II est déclaré « roi des rois » (Ez 26,7). Tradition juive Si 51,12 (héb. 12n)
12 fils de Çadoq (héb. i) À Qumrân Expression proche d’expressions qumrâniennes, ce qui, selon certains, conforterait l’hypothèse d’une origine qumrânienne de cette pièce. Les « fils de Çadoq » apparaissent en →CD-A 3,21-4,3, citant Ézéchiel.
12 (héb. 12a-o) Les Dix-huit bénédictions Le psaume héb. est proche du rituel juif, en particulier de la prière des Dix-huit bénédictions (Šᵉmōnê ‘eśré) ou ‘ămîdâ, dont la mise en forme remonterait, selon le Talmud de Babylone (→b. Meg. 17b ; →b. Ber. 28b), à la fin du 1er s. (à la demande de Gamaliel). Les finales (eulogies) des bénédictions sont proches de plusieurs versets du psaume, sans que l’on puisse déterminer l’origine de cette proximité. Ainsi :
12 gardien d’Israël + créateur de tout — (héb. 12c-d) La liturgie du Šema‘
12 roi des rois des rois (héb. 12n) Superlatif sémitique Le titre divin « roi des rois des rois » n’est pas biblique (Intertextualité biblique Si 51,12 [héb. 12n]) mais se retrouve dans →m. ’Abot 3,1 ; 4,22 et dans la liturgie juive (office de Mussaf pour la fête de Rosh Hashana). La formule doublée ou triplée est une forme de superlatif sémitique.