Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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8 mais ils ne prévalurent pas et une place ne lui
Sune place ne leur
V TR Nesleur place ne fut plus trouvée dans le ciel.
9 Il fut jeté,
Vabattu, le grand dragon, le serpent ancien qui est appelé « Diable » et « Satan »
S« l'accusateur » et « le satan »
qui séduit le monde entier :
Sla terre entière :
il fut jeté
Vprojeté sur la terre et ses anges furent jetés avec lui.
Vexpédiés avec lui.
10 Et j’entendis dans le
Sdu ciel une voix forte qui disait :
— Maintenant
S— Voici que sont arrivés le salut, la puissance et le règne de notre Dieu Byz V TR Neset le pouvoir de son Christ
car il a été abattu, l’accusateur
Sle livreur de nos frères
lui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit !
Snuit et jour devant notre Dieu !
11 Et eux Byz V TR Nesl’ont vaincu à cause du
Spar le sang de l’Agneau et à cause du verbe de leur témoignage
et ils n'ont pas chéri
Saimé leur âme, [acceptant d'aller] jusqu’à la mort !
12 C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux,
S, cieux, réjouisssez-vous et vous qui y demeurez !
Malheur à la terre et à la mer car le diable
Sl'accusateur est descendu vers vous avec une grande fureur
sachant qu’il a peu de temps !
13 Et quand
Vaprès que le dragon se vit jeté
Vprojeté sur la terre
il poursuivit la femme qui avait enfanté le mâle.
14 Alors furent données à la femme les deux ailes du grand aigle
pour qu'elle s’envolât au désert en son lieu
afin qu'elle y fût nourrie
Safin d'y être nourrie
V TR Nesoù elle est nourrie un temps, des temps et la moitié d’un temps loin de la face du serpent.
15 Alors le serpent jeta de sa gueule après la femme
Vémit de sa gueule derrière la femme
TRjeta après la femme, de sa gueule de l’eau comme un fleuve afin de la faire emporter par le fleuve ;
Vde la faire entraîner par le fleuve ;
TRde faire emporter celle-là par le fleuve ;
Sque le courant des eaux l'emporte ;
16 mais la terre vint en aide à la femme :
la terre ouvrit aussi la bouche et engloutit
Vabsorba le fleuve qu'avait jeté
Vémis de sa bouche le dragon...
17 Alors le dragon fut mis en furie contre la femme
et il alla faire la guerre contre ceux qui restent de ses enfants
Vsa semence
qui gardent les commandements de Dieu et tiennent le témoignage de JésusTR Christ.
18 Et je me tins
V Nesil se tint sur le sable de la mer.
6a.14b désert Lieu de refuge en cas de persécution (p. ex. 1M 2,29-30).
10d jour et nuit Leitmotiv L’expression, qui signifie la continuité, revient en Ap 4,8 ; 14,11 ; 20,10.
12 Anticipation Les cieux, désormais purgés de toute présence hostile, sont opposés à la situation de la terre et de la mer qui hébergent le dragon. Ce verset prépare l’entrée en scène des bêtes de la terre et de la mer (Ap 13).
12a réjouissez-vous, cieux Joie céleste (cf. Ap 18,20) dans une formulation proche de Is 44,23 ; 49,13. Le Ps 96,11-12 associe ciel, terre et mer dans la célébration du règne de Dieu.
18 je me tins : Byz TR | Nes : il se tint
Avec Byz et TR, il s’agirait du seul cas où le voyant change de cadre de sa propre initiative et sans intervention angélique (cf. Ap 1,10-12 ; 4,1-2 ; 17,3 ; 21,10).
11b ils n'ont pas chéri leur âme jusqu'à la mort Bible de Sacy
10c accusateur Variante grecque
16b la terre ouvrit sa bouche Allusion à l'Exode La scène peut s’inspirer du châtiment de Coré, Datân et Abiram après leur rébellion contre Moïse (Nb 16,30-34 ; Ps 106,17). Voir aussi le cantique de Moïse (Ex 15,12), qui célèbre l’engloutissement de l’armée de Pharaon.
10cd accusateur + accusait — Paronomase Rappel du statut de Satan par une figure dérivative qui fait naître une paronomase et un jeu de mots (Gr : katêgôr... katêgorôn ; V : accusator... accusabat ; S : mswr’... msr hw’).
4c.18 se tint + je me tins — Inclusion
1a.3b.9a.10a.12b.14a grand + forte — Polyptote Les six occurrences de l’adjectif megas (« grand », « fort ») soulignent la violence de l’opposition entre la puissance des forces du mal et la toute-puissance de Dieu.
11,19–12,17 Liturgie latine : liturgie des Heures Texte lu à l’office des Lectures du commun de la Vierge Marie durant le Temps pascal.
11,19–12,10 Liturgie latine : lectionnaire Texte lu en première lecture lors de la messe de l'Assomption de la Vierge Marie, le 15 août.
1–17 Liturgie latine : liturgie des Heures Texte lu à l’office des Lectures de la fête des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël (29 septembre). Liturgie Ap 12,7–12
7–12 Liturgie latine : lectionnaire Première lecture dans la messe de la fête des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël. Autre choix pour la première lecture : Dn 7,9-10.13-14. Liturgie Ap 12,1–17
1–18
Au Moyen Âge l’image de la Femme revêtue du soleil se réfère à la Vierge Marie, à l’Église, ou encore à l’âme chrétienne.
Les deux grandes tendances de l’interprétation du dragon jusqu’à l’époque moderne sont d’y voir la force du mal en général ou bien de l’identifier — avec chacune de ses sept têtes — à des personnages historiques ou contemporains, souvent à des fins polémiques. La victoire sur le dragon est normalement attribuée à l’archange Michel, à saint Georges ou à un autre saint.
À l’époque de la Réforme, Ap 12 est sollicité dans la littérature polémique confessionnelle, où l’on prend des options tranchées pour l’une ou l’autre des interprétations traditionnelles de la Femme : les protestants l’interprètent comme la vraie Église (réformée), tandis que les catholiques y voient Marie conçue sans le péché originel et transportée dans les cieux où elle règne. Quant au dragon, il est régulièrement pris par les protestants pour une allégorie de l’Église catholique, de la papauté ou des puissances catholiques d’Europe.
1–18 Interprétations du combat céleste
1,1–22,21 Allusions à l'Apocalypse
11b chéri Aimer avec dilection Deux verbes expriment l’idée d’aimer en grec dans le NT : phileô et agapaô. Le premier signifie « aimer » (latin amo), le second désigne l’amour préférentiel (latin diligo). Gr : êgapêsan désigne ici donc l’amour de dilection (rendu par « ont chéri »). Il évoque dans ce verset les martyrs qui décident de mourir pour le Christ (achri thanatou « jusqu'à la mort » ; cf. Ap 6,9).
Le syriaque ne correspond pas de façon univoque à cette distinction, mais présente d'autres nuances avec deux verbes :
12a demeurez Vie nomade Gr : skênountes, participe de skênoô (litt. « habiter sous une tente », dérivé de skênê « tente »), verbe qui — sur l’ensemble du NT — ne se rencontre que dans le corpus johannique : une fois dans le Prologue et quatre fois dans Ap. Le mot évoque souvent la présence de Dieu parmi les hommes (Jn 1,14 ; Ap 7,15), à travers l’image exodique de la Tente du rendez-vous. En Ap 12,12 il désigne le séjour dans les cieux. Il figure à côté de skênê dans Ap 13,6 ; 21,3.
9ab Emphase par
9c et ses anges avec lui furent jetés Gr : hoi aggeloi autou met' autou eblêthêsan
L’ordre SOV met en relief à la fois le verbe et le complément ; les deux pronoms autou sont rapprochés de manière expressive.
Effet de contraste par eblêthêsan placé en position emphatique en fin de phrase.
11,17s ; 12,10ss Liturgie latine Cantique de l'Apocalypse (NT10) chanté lors des :
10b son Christ Israël comme le messie Dans le judaïsme, le messie est souvent identifié à Israël ou à sa composante juste.
8 Un évènement historique
9b qui séduit le monde entier Et plus le ciel
11 Une période historique
12bc Malheur à la terre et à la mer + peu de temps — Un évènement historique
15 emporter par le fleuve Néologisme Gr : potamophorêton est forgé par l’auteur d'Ap, litt.: « emportable par le fleuve ». Hapax en grec.
14c là : TR Nes — Sémistime. Grammaire Ap 12,6a
13 Un évènement historique
14a grand aigle
14c un temps, des temps et la moitié d'un temps Tradition chrétienne Ap 12,6b
15 de l'eau
14a les deux ailes
16b la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve
17b au reste de ses enfants
1–18 Depuis le Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine, on n’a cessé de représenter des épisodes d’Ap 12. Les sujets principaux sont la femme revêtue du soleil (avec ou sans son enfant [avec ou sans assimilation à la Vierge et à l’Enfant Jésus] et avec ou sans le dragon), et le combat entre l’archange Michel et le dragon (avec ou sans accompagnement d’autres anges rebelles et avec ou sans représentation de la chute en enfer, autre thème iconographique : Arts visuels Is 14,12–15). Vu le très grand nombre d’œuvres qui traitent d’Ap 12, on ne peut donner ici qu’une présentation des plus célèbres, par sujet et par période, en évoquant les grands moments de la réception d’Ap dans les arts visuels.
Aux approches de l’an mille, beaucoup crurent en une prochaine fin du monde, et l’on se tourna vers l’Apocalypse pour essayer de déchiffrer les signes des temps. La création artistique autour du texte atteint une première apogée, dont témoignent plusieurs chefs-d’œuvre de l’enluminure.
Les enluminures des 10e et 11e s. illustrant le Commentaire de l’Apocalypse écrit quelques décennies après l’invasion musulmane de l’Espagne (fin du 8e s.) par
, moine du monastère de Saint-Martin de Liébana (Asturies) sont particulièrement célèbres. Alors qu’Ap est désormais le livre de la résistance chrétienne à l’Islam, l’enluminure mozarabe déploie ses trésors de couleurs et de formes pour l’actualiser. On connaît une trentaine de manuscrits enluminés dont le Beatus de Facundus, le Beatus de Valcavado (vers 970, 97 enluminures peintes par Oveco pour l’abbé Semporius : Valladolid, Biblioteca de la Universidad, ms. 433 ex ms. 390), le Beatus d’Osma (71 enluminures dues au peintre Martinus, cathédrale de El Burgo d’Osma, Beatus 1086, Cod. 1), le Beatus de Piermont Morgan (Beatus de San Miguel de Escalada, près de León, vers 960, 89 enluminures peintes par Magius, archipictor, ms. 644, Pierpont Morgan Library, New York).Au cours du Moyen Âge, l’Apocalypse s’échappe du livre pour envahir l’espace visuel sur d’autres supports, par exemple :
L’œuvre de Dürer est la première Apocalypse imprimée. L’image y tient la première place, le texte n’apparaissant qu’au verso de chacune des gravures. L’artiste imprime lui-même ses planches sans répondre à une commande, prenant un risque financier qui témoigne de son engagement personnel. À l’époque où il grave son Apocalypsis cum figuris, Dürer n’a que 27 ans, mais il est habité par la foi tourmentée qui précède la Réforme. Il appose son monogramme au bas de chacune de ses images. L’œuvre le rend célèbre : Érasme et Alberti la commentent, et Cranach s’en inspire pour illustrer l’Apocalypse du Nouveau Testament de Luther. En France, Jean Duvet s’en inspire aussi pour une Apocalypse gravée en 1556.
Les grands massacres et les profondes interrogations sur l’avenir du monde qui ont endeuillé le siècle de la bombe atomique ont été propices à la reprise du thème de l’Apocalypse. Au tournant du siècle, l’avant-garde expressionniste allemande mêle attente apocalyptique et expressivité artistique : des peintres comme Franz Marc, Vassili Kandinsky, Max Beckmann et Ludwig Meidner se réfèrent explicitement au livre biblique. S’ils ne représentent pas de visions d’Ap 12 en particulier, ils orientent toutefois la réception picturale d’Ap dans deux directions. (1) Chez Kandinsky, le thème de l’Apocalypse s’accompagne d’une recherche spirituelle et esthétique. Selon lui, seule une « purification cataclysmique » pourrait libérer le spirituel enfermé dans le réel. Le passage par la thématique tourmentée d’Ap lui permet d’évoluer à travers l’explosion des couleurs et des formes, vers l’abstraction. (2) Chez d’autres, comme Beckmann et Meidner, Ap suscite un mode de pensée mêlant provocation et révolution, annonçant une ère nouvelle de la pensée et de l’action. Influencés par des catastrophes contemporaines (comme le tremblement de terre sicilien de 1908), à partir de 1909 et 1912, ils composent des toiles inspirées d’Ap, de plus en plus violentes à la veille du conflit mondial.
Parmi les artistes revenus de la Seconde Guerre mondiale :
À notre époque, Ap ne cesse d’inspirer les artistes visuels. Dans un registre expressionniste, on peut citer :
Les techniques digitales permettent de maximaliser à la fois le réalisme et l’onirisme des visions de Jean :
Dans le registre abstrait :
Ce sujet semble avoir intéressé surtout les artistes de la Renaissance.
9a abattu V : ou « projeté » — Connotation militaire On traduit ici projicere comme « abattre » (cf. encore Ap 9,10c ; il signifier littéralement « jeter en avant, projeter », ce qui convient bien à un théâtre d'opérations sur lequel des troupes sont projetées. C'est cette traduction littérale qu'on retient pour les occurences suivantes du même verbe (Ap 12,9c ; 12,13a).
1–18 Genre apocalyptique Littérature de résistance, la littérature apocalyptique doit nourrir la solidarité de la communauté contre une culture hostile ; ici c'est l'espérance de la communauté qui est relevée par l’hymne de louange (Ap 12,10-12) et le récit de la chute de Satan et de ses coreligionnaires. En conséquence, le recours à un langage symbolique est aux antipodes d’un discours abscons réservé à quelques initiés.
Nourris aux Écritures juives, lecteurs et auditeurs du 1er s. savent interpréter le septénaire (v.3bc) ou l’indication concernant la durée du temps de la persécution (v.6b.14c ; Tradition chrétienne passim ; Procédés littéraires Ap 12,6b).
Les figures et représentations symboliques qui animent ce tableau céleste leur sont également familières, qu’il s’agisse du dragon comme symbole du Mal (Intertextualité biblique Ap 12,3b dragon), des contrastes chromatiques entre l’enveloppe solaire de la femme et la robe rouge du monstre polycéphale, ou de l’opposition entre le ciel et la terre. Un tel langage symbolique souligne l’intensité et la gravité du combat spirituel engagé et éveille le destinataire aux réalités d’en haut.
9a le serpent ancien qui est appelé « Diable » et « Satan »
Gr : archaios peut se traduire « originel », ce qui renforce l'allusion au récit de Gn 3 : Intertextualité biblique Ap 12,9a.
Gr : Diabolos... Satanas ; satanas calque l’héb. śāṭān « adversaire », « opposant ».
1–18 Grand signe et combats au ciel La vision de la femme se présente comme un présage (semeion), un symbole à comprendre plus que comme la manifestation d'un être céleste spécifique.
La vision se divise en deux mouvements :
Une séquence d’épisodes aussi grandioses ne pouvait que retenir l’attention des artistes, qui n’ont jamais cessé de les représenter dans des œuvres souvent spectaculaires témoignant à la fois de la riche imagerie du texte et des interprétations qu’en faisaient leurs époques. Arts visuels Ap 12,1–18
Dans la réception chrétienne, ce passage hautement symbolique (Genres littéraires Ap 12,1–18) a donné lieu à deux grands types d’interprétation :
1–18 Hypotypose, métonymie, synecdoque pour faire entrer au cœur de l’action surnaturelle Les deux occurrences du verbe « apparaître » (v.1a.3a) soulignent combien le voyant entre dans le cœur du mystère divin, des causes de l’histoire du monde : la femme et son enfantement messianique ; le dragon et son hostilité ; l’enfant, Christ vainqueur. L’amplification est rendue plus sensible grâce au cadre céleste de la vision et à sa dimension cosmique (la queue du dragon traîne le tiers des étoiles, v.4a). Les oppositions aspectuelles entre procès non limités (v.2 « crie », v.4a « traînait », v.4b « nourisse », …) et événements (v.1a « apparut », v.4b « jeta », v.5a « enfanta », …) ; le contraste chromatique entre l’éclat solaire de la femme et la robe rouge du dragon ; la métonymie à valeur méliorative désignant la femme grâce à sa couronne, à sa domination sur la lune et à son manteau ; la synecdoque dépréciative à propos du dragon, avec la monstruosité des sept têtes, soulignent le drame qui se joue.
1–18 Contrastes La dimension visionnaire du passage contraste avec l'accent placé par l'évangile de Jean sur l'écoute plutôt que sur la vision, cependant que l'emboîtement symbolique des personnages dans la femme en rappelle une constante littéraire.
Les deux occurrences du verbe « apparaître » (v.1a.3a) soulignent combien le voyant entre dans le cœur du mystère divin, des causes de l’histoire du monde : la femme et son enfantement messianique ; le dragon et son hostilité ; l’enfant, Christ vainqueur.
L'emboitement des personnages ou actants symbolisés par la Femme ressemble à celui qu'on trouve dans l'évangile de Jean : le prophète/le baptiste/l’évangéliste...
6a.14b désert SYMBOLE Lieu refuge
La situation de la femme au désert est analogue à celle d’Israël fuyant la colère de Pharaon. Du coup, le salut final peut être envisagé sur le modèle d’une réitération de la première Pâque. Ce parallélisme avec le séjour au désert lors de la sortie d’Égypte est renforcé par la mention de la nourriture (reprise au v.14c), qui évoque la manne (Ex 16 ; Dt 8,3 ; voir aussi Jn 6,31-58 ; Ap 2,17).
Le désert est le refuge traditionnel des persécutés dans l'AT (Ex 2,15 ; 1M 2,29-30), particulièrement associé aux prophètes (1R 17,3 ; 19,4).
Dans la tradition évangélique, le séjour au désert en vint à être associé à l’action salvifique du Messie (Mc 1,12-13 ; 13,14).
7s Michel et ses anges combattaient le dragon Angélologie, art martial ... Motif principal des nombreuses représentation de la chute des anges (Arts visuels Is 14,12–15), le combat de l'archange Michel contre le dragon ne cesse d'inspirer les artistes.
Nombre de portails romans de Poitou et de Saintonge représentent dans la pierre la Psychomachie reprise du manuscrit antique de Prudence ; ici c’est la victoire de l’Ange et non le combat des Vices et des Vertus qui est mise en scène. Le combat entre saint Michel et le dragon a été sculpté au 12e s. au tympan du portail occidental de l’église de Saint-Michel-d’Entraigues (Charente, →CIFM 3,72). L'inscription sur l’arc cite en belles lettres onciales le texte de l’Apocalypse, entre deux croix :
Le texte biblique (V : et factum est proelium in caelo / Michahel et angeli eius proeliabantur) est cité presque verbatim, l’inscription reprend la dérivation (Procédés littéraires Ap 12,7ab) qui est une figure de style particulièrement appréciée des médiévaux. La répétition du nom et du verbe est encore renforcée par la figuration du combat de saint Michel juste au-dessous du texte épigraphique. Le caractère agonistique de la scène est donc mis de trois façons différentes sous les yeux des spectateurs, comme autant de variations sonore, scripturale et iconographique.
Le combat de l'archange saint Michel contre le dragon, figure allégorique du mal, (Ap) est enrichi de scènes annexes inspirées de L'Enfer de La Divine Comédie de Dante, décrivant le châtiment des hypocrites et des voleurs. Les premiers sont figurés, ici à gauche, drapés de chapes de plomb doré, sortant de terre et marchant en procession devant la ville de la colère embrasée ; les autres, à droite, sont représentés nus et livrés à des serpents et à des oiseaux noirs.
Les combats angéliques semblent actualisés durant les guerres mondiales
Pour la composition de ce grand tableau, Desvallières s’inspire des recherches qu’il a menées dès ses années de guerre. Il a pour la première fois l’idée de réaliser une apothéose du poilu lors de la Fête-Dieu du 6 juin 1915 (Ambroselli de Bayser, novembre 2013). Le commandant et ses chasseurs, alors en première ligne sur le front des Vosges, se réunissent pour partager un déjeuner après un temps de recueillement.
Dans cette atmosphère sereine, l’artiste réalise quelques croquis de son fils Daniel en se souvenant de leurs rencontres à Saint-Laurent-du-Var, puis à Saint-Amarin, quelque temps avant que le jeune soldat ne perde la vie au cours d’un assaut particulièrement violent sur le Reichackerkopf. Le peintre « cherche quelque chose de son apothéose » (ibid.), faisant de son fils le symbole du sort de tous les poilus, et émet le souhait d’en tirer un vitrail qui ornerait une chapelle. Dès lors, il semble vouloir parfaire cette composition verticale, où les personnages sont saisis dans un élan ascendant. Il croque ainsi en 1915 un soldat dans une position similaire, qui semble étrangement juché sur des ressorts (Soldat, bras tendu vers le soleil, CR 1546).
En avril 1916, alors que le bataillon de Desvallières campe non loin de la montagne où son fils a perdu la vie, il dessine Daniel, pris dans l’éclatement d’un obus, dont le corps droit se dresse au-dessus du sol meurtri du champ de bataille (Souvenir de l’Hilsenfirst, CR 1566). Après la guerre, il place à plusieurs reprises le poilu dans les bras du Christ ou d’un ange qui l’entraîne dans son ascension. Ici, « Saint Michel armé, casqué, cuirassé d’or, le beau chevalier des légendes, subitement apparu dans la flamme, ravit au ciel, de son bras vigoureux, la forme pacifiée du jeune soldat », alors que « l’obus vient d’éclater, jonchant le sol de choses informes » (Janneau, 1922). Cette apothéose représente un aboutissement des recherches de l’artiste, qu’il expose au Salon de la Société nationale des beaux-arts en 1922, où la critique salue « ses qualités étonnantes de poète, d’imaginatif, servies par un tempérament d’artiste d’une rare qualité » (Fosca).
Fidèle à son premier vœu, Desvallières réalise vers 1923 un projet de vitrail (CR 1737) d’après la même esquisse, dont la composition est resserrée autour de la figure pathétique du poilu et de celle de l’archange triomphant. Après être entré dans les collections nationales en 1939, le tableau est présenté en 1947 dans la salle VIII consacrée à George Desvallières au Musée national d’art moderne. Il réapparaît aux cimaises du musée d’Orsay le 12 octobre 2011, intitulé L’Ascension du Poilu, dans la galerie consacrée au symbolisme, au rez-de-chaussée.