La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,13–29

G
V
S

13 Quand j’étais encore jeune

avant que j'erre j’ai recherché ouvertement la sagesse dans ma prière.

13 Tu as élevé ma demeure sur la terre

et j'ai prié pour que la mort s'éloigne.

13 ...

13a jeune Si 6,18 ; Sg 8,2

14 Devant le temple je l'ai demandée

et je la rechercherai jusqu’à la fin.

14 J’ai invoqué le Seigneur, père de mon Seigneur, pour qu’il ne m'abandonne pas au jour de ma tribulation

et qu'il ne me laisse pas sans secours au temps des orgueilleux.

14 ...

15 Dans sa fleur comme une grappe qui commence à mûrir

mon cœur s'est réjoui en elle.

Mon pied a marché dans le droit chemin 

dès ma jeunesse je l'ai suivie.

15 Je louerai sans cesse ton nom

et je le glorifierai dans mon action de grâce :

ma prière a été exaucée !

15 ...

15b s’est réjoui en elle Si 6,28 15c Mon pied s’est avancé dans le droit chemin Ps 25,5 ; 26,3.12

16 J'ai incliné un peu mon oreille et je l’ai reçue

et j’ai trouvé pour moi une grande instruction.

16 Tu m’as délivré de la perdition

et tu m’as arraché au temps injuste.

16 ...

17 Grâce à elle j’ai retiré un grand profit ;

à celui qui m’a donné la sagesse je rendrai gloire

17 C’est pourquoi je te rendrai grâce et je chanterai ta louange

et je bénirai le nom du Seigneur.

17 ...

18 car je me suis résolu à la pratiquer

je me suis appliqué au bien et je ne serai pas confondu.

18 Lorsque j’étais encore jeune

avant de m’égarer j’ai recherché la sagesse ouvertement dans ma prière.

18 ...

19 Mon âme a lutté pour elle

et j’ai été attentif dans l'accomplissement de la loi

mes mains je les ai levées en haut

et j’ai déploré de l’avoir ignorée.

19 Avant le temps je l’ai demandée

et je la rechercherai jusqu’à la fin ;

elle perdra sa fleur comme un raisin précoce.

19 ...

20 J’ai dirigé mon âme vers elle

et dans la purification je l’ai trouvée ;

j'ai acquis l'intelligence avec elle dès le commencement

c’est pourquoi je ne serai pas abandonné.

20 Mon cœur s'est réjoui en elle

mon pied a marché sur le droit chemin :

depuis ma jeunesse, je me suis efforcé de la suivre.

20 ...

21 Et mes entrailles se sont émues à sa recherche 

c'est pourquoi j'ai acquis un bien précieux.

21 J’ai incliné un peu mon oreille et je l'ai recueillie.

21 ...

22 Le Seigneur m’a donné la parole pour ma récompense

et par elle je le louerai.

22 J’ai trouvé en moi-même beaucoup de sagesse

j’ai beaucoup progressé en elle.

22 ...

23 Approchez-vous de moi ignorants

et demeurez dans la maison de l’instruction.

23 À celui qui m'a donné la sagesse je rendrai gloire

23 ...

24 Pourquoi dites-vous en être privés ?

et vos âmes n'ont-elles pas grandement soif ?

24 car je me suis résolu à la pratiquer

je suis zélé pour le bien et je ne suis pas confondu.

24 ...

24b Soif de la Parole Am 8,11

25 J’ai ouvert ma bouche et j'ai parlé.

Procurez-vous-la sans argent

25 Mon âme a lutté pour elle

et je me suis affermi en la pratiquant.

25 ...

25b Acquérez sans argent Is 55,1

26 pliez votre cou sous le joug

et que votre âme reçoive l’instruction 

elle n'est pas loin à trouver.

26 J’ai élevé les mains en haut

et j’ai déploré mon ignorance d'elle.

26 ...

26a sous le joug Si 6,24.30 ; Mt 11,29 26c Proximité de la Parole Dt 30,11-14

27 Voyez de vos yeux que j’ai peu travaillé

et que j’ai trouvé pour moi-même un grand repos.

27 J’ai dirigé mon âme vers elle

et je l’ai trouvée dans la connaissance :

27 ...

27b trouvé du repos Si 6,28

28 Prenez part à l’instruction à grand prix d’argent

et vous acquerrez beaucoup d’or en elle.

28 j’ai possédé mon cœur avec elles depuis le début

c’est pourquoi je ne serai pas abandonné.

28 ...

29 Que votre âme se réjouisse de sa miséricorde

et ne rougissez pas de sa louange.

29 Mes entrailles ont été émues en la cherchant

c'est pourquoi je posséderai un excellent bien

29 ...

Réception

Intertextualité biblique

13b dans ma prière Topos biblique de la prière pour obtenir la sagesse, p. ex. le jeune Salomon (1R 3,9 ; Sg 8,21).

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.). 

22 La Pentecôte

  • Guerric d’Igny Serm. (Sermon pour la Pentecôte 2) applique ce v. à la Pentecôte et au parler en langues des apôtres à la gloire de Dieu : « Si j’avais mérité de recevoir une de ces langues, je dirais certainement moi aussi : “Le Seigneur m’a donné une langue comme récompense, et avec elle, je le louerai”, comme les apôtres, dont il est écrit : “Ils publiaient en diverses langues les merveilles de Dieu” (Ac 2,4.11) » (SC 202,301).

27s Disproportion entre effort terrestre et récompense céleste

  • Gérontius Vita Melaniae 45, en évoquant l’enseignement ascétique, se réfère à Ben Sira : « Bien petit est assurément le labeur, mais grand et éternel le repos ».

25 Interprétation intertextuelle : l'Eucharistie

  • Raban Maur Comm. Eccl. « La meilleure aubaine, [on la trouve] lorsqu’on est en mesure de mériter par la piété ce qu’une grande dépense de richesses ne peut obtenir. Celui qui s’applique à l’étude et vit de façon disciplinée obtient vraiment le don de la sagesse céleste. Or ce verset est semblable à cet autre d’Isaïe : “Vous tous qui avez soif, venez vers les eaux ; et vous qui n’avez pas d’argent, dépêchez-vous : achetez et mangez. Venez, achetez du vin et du lait, sans argent et sans rien en échange. […] Écoutez de votre écoute et mangez ce qui est bon, et votre âme trouvera son régal dans l’abondance” (V-Is 55,1-2). Méprisons cet argent et ces ressources par lesquelles il nous est impossible d’acheter l’eau du Seigneur et avançons vers celui qui, tenant [dans la main] le Calice du sacrement, disait à ses disciples : “Prenez et buvez, ceci est mon Sang qui sera versé pour vous en rémission des péchés” (Mt 26,27-28). Ce vin, il l’a mélangé à la sagesse dans son cratère, invitant à boire tous les ignorants du monde autant que ceux qui ignorent la sagesse du monde. Et gardons-nous d’acheter seulement du vin, [achetons] aussi du lait, qui représente l’innocence des enfants. [...] Voilà pourquoi Moïse, qui comprenait que le vin et le lait [se trouvent] mystérieusement exprimés dans la passion du Christ, [nous] offre ce témoignage : “Par le vin, ses yeux regorgent de grâce, et par le lait, ses dents brillent de blancheur” (Gn 49,12) » (PL 109,1124C-1125A).

Tradition juive

26a Mettez votre cou sous le joug de la Tora

  • m. Ber. 1,6 : Réciter le Šᵉma‘ Yiśrā’ēl, c’est prendre le joug de la Tora.

Liturgie

13–19a.20.27 Lectionnaire sanctoral romain

  • 26 novembre : Première lecture pour la fête de saint Jean Berchmans, s.j. (mort en 1621 à l’âge de 22 ans). La piété de ce tout jeune saint jésuite a bien actualisé le programme de vie contenu dans ce passage.

Texte

Critique textuelle

28a Écoutez (S) Variante syriaque Codex ambrosien : « Écoute ».

Vocabulaire

13a mes errances (G) Moralement et spatialement G : planêthênai me. En s’inspirant probablement des voyages de Ben Sira, G emploie le verbe planaômai, qui évoque à la fois la pérégrination spatiale et l’errance morale. Ceci élargit l’idée : il conçoit les voyages comme des expériences morales (cf. Si 39,4).

Réception

Comparaison des versions

18a mettre en pratique : G V | S : faire le bien | héb. : prendre plaisir G et V insistent sur la mise en pratique, aussi bien de la sagesse (v.17b) que de la Loi (v.19b).

20d ne serai-je pas abandonné : G V | S : je ne l’abandonnerai pas G et V soulignent l’idée de la récompense des efforts, alors que S prolonge le développement autour de l’idée de persévérance depuis le début jusqu’à la fin.

22a m'a donné pour salaire une langue : G V | S : a donné à ma langue une récompense Dans G et V la langue est le salaire ; en S la langue a une récompense.

16a j’ai accueilli : G | V : je l'ai accueillie V : excepi illam supplée le complément : illam = sapientiam « la sagesse ». Procédés littéraires Si 51,16a

Intertextualité biblique

17a Un progrès m’est advenu Croissance de la sagesse Si 24,13-14.

18a prendre plaisir avec elle (héb.) Écho de Pr ? Selon Pr 8,30-31, la Sagesse jouait (même verbe śḥq), se plaisait avec Dieu comme avec les hommes.

Texte

Procédés littéraires

14a sanctuaire (G) Thème du Temple

Siracide 51

La version grecque du v.14a situe la prière de Ben Sira face au Temple (naos). Dans le livre de Ben Sira, ce serait la seule mention du Temple ou sanctuaire où aurait prié Ben Sira.

Autres occurrences

Le Temple est encore mentionné :

20c l’intelligence (G V) Échos de l'anthropologie sémitique G : kardian et V : cor, litt. « le cœur ». En héb., le cœur (lēb) est le siège de la sagesse, du discernement, de l’intelligence. « Acquérir le cœur », c’est acquérir l’intelligence (de la sagesse). Ce sémitisme et cette anthropologie sémitique se retrouvent dans la version syriaque mais aussi dans les versions non sémitiques, grecque et latine.

Critique textuelle

15a De sa fleur, comme d’une grappe de raisins qui mûrit Distique difficilement compréhensible.

19d et j’ai remarqué (G) Conjecture ? G : epenoêsa ; la conjecture epenthêsa « j’ai déploré » se trouve dans le Codex Venetus (8e s.) et ms. 248 (cf. V : conluctata est).

18–22 (héb. reconstitution)

  • Zaïn  Je résolus de prendre plaisir avec elle / j’étais zélé pour le bien et n’en reviendrai pas.
  • Ḥèt   J’enflammai mon âme pour elle / et ne détournai pas mon visage.
  • Tèt   Je persévérais/purifiai mon âme en elle / et en ses hauteurs je ne me reposerai pas / de l’exalter je ne me lasserai pas (Critique textuelle Si 51,19d).
  • Yod   Ma main ouvrit ses portes / et je compris ses secrets.
  • Kaph Je purifiai mes paumes pour elle / et l’ai trouvée dans son éclat/pureté.
  • Lamed J’en acquis l’intelligence depuis son commencement / aussi je ne l’abandonnerai pas.
  • Mem  Mes entrailles mugissaient comme une fournaise à la contempler / aussi, je l’ai acquise [comme] une bonne acquisition.
  • Nun   Le Seigneur m’a donné [pour] salaire mes lèvres / et de ma langue je le louerai.

Réception

Liturgie

12–20 Lectionnaire quotidien romain : la joie dans la sagesse

  • Eucharistie, samedi de la 8e semaine du TO-I : La première lecture est Si 51,12b-20 (12e et dernier passage de Si dans le lectionnaire quotidien), suivi de Ps 19,8-11, qui souligne la joie que donnent les préceptes du Seigneur. L’Évangile du jour est Mc 11,27-33, 48e passage d’une séquence semi-continue. Le rapprochement est fortuit, mais souligne la sagesse de Jésus.

Texte

Vocabulaire

20c commencement Ou « principe » pour G : archês et S : ršyt’.

19d pour les siècles des siècles (S-20d) Expression figée

  • S : l‘lm ‘lmyn ;
  • ms.B : lnçḥ nçḥym, expression attestée en Is 34,10 : lᵉnēçaḥ nᵉçāḥîm (litt. « pour l’éternité des éternités »). 

Propositions de lecture

13–30 Confession et exhortation

Structure 

  • Dans les versions grecque, hébraïque (ms.B), latine et syriaque, même si le caractère alphabétique est perdu et que l’un ou l’autre verset manquent ou sont intervertis, l’ordonnancement des deux ou trois parties demeure.
  • Chacun des trois strophes des v.13-30 culmine dans la louange (v.17b.22b.29b) ; de même pour l'héb. : autant qu’au v.29b l’on modifie širâ (ms.B) en tᵉhillâ, ou que l’on donne à širâ le sens de chant de louange. C’est le but final de toute vie de sage (cf. Si 15,10).
Confession (v.13-22)

En première partie, l'auteur raconte sa propre recherche de la sagesse. Son propos peut être scindé en deux sections :

  • l’une (v.13-17) davantage consacrée aux débuts de l’itinéraire,
  • l’autre (v.18-22) davantage à la persévérance dans la recherche au fil du temps.
Exhortation (v.23-30)

Cette seconde partie invite les « gens sans instruction », ceux qui n’ont pas encore suivi cet itinéraire de sagesse, à suivre son exemple et son enseignement.

Authenticité : ajout ou appendice ?

Considéré souvent comme un appendice, ce poème faisant l’éloge de la quête de la sagesse est bien dans la manière de Ben Sira.

  • En Si 6,18-37, il avait déjà développé une longue exhortation (sans confession préalable) invitant à une semblable recherche de la sagesse. 
  • Si 24,30-34 montrait déjà le rôle médiateur du sage dans la diffusion de la sagesse. 

L'auteur accumule ici des indices autobiographiques (Milieux de vie Si 51,13–30), exceptionnels dans la Bible. 

Critique textuelle

13–30 Présentation générale Du point de vue de la critique textuelle, ce poème final se présente différemment du reste du livre : aucun des manuscrits n’est totalement fiable.

Le grec

La version grecque, le meilleur témoin, présente plusieurs difficultés : v.15a est difficile à interpréter ; v.26c ne donne qu’un stique ; v.28a semble contredire v.25b (cf. Grammaire Si 51,28a, où la contradiction est levée).

Le latin

La Vulgate suit le grec. La plupart et les meilleurs manuscrits latins ne s’achèvent pas sur Si 51 mais sur Si 52,1-13, qui reprend la prière de Salomon de 1R 8,22-31 ; 2Ch 6,12-22. V-Si 52 n’est cependant pas le texte de ces deux passages en V mais retraduit le grec.

L'hébreu

Les témoins de l’hébreu sont problématiques :

  • le manuscrit ms.B, trouvé au Caire, est la rétroversion de la version syriaque. Cette rétroversion, qui présente des rabbinismes, est manifestement tardive. Nous ne proposons pas une traduction de ce ms.
  • le manuscrit 11Q5 (11QPsa), trouvé à Qumrân, est accidentellement incomplet. Le texte apparaît dans un rouleau constituant principalement une compilation de psaumes ou de morceaux de psaumes. Dans la seconde moitié du rouleau, entre des versets du Ps 138 et une apostrophe à Sion, figure ce poème. Il est rédigé non pas en stiques mais en continu.

À partir de toutes les versions il est possible de reconstituer le texte héb. original, en respectant le caractère alphabétique du poème (Genres littéraires Si 51,13–30). Néanmoins, en plusieurs versets cette reconstitution demeure conjecturale. La première partie (v.13-17 : Propositions de lecture Si 51,13–30) correspond à 11Q5 (11QPsa), en complétant le v.13b avec « (je l’ai demandée) et j’ai beaucoup prié » (Critique textuelle Si 51,13b).

Le syriaque

La version syriaque est une traduction assez libre de l’héb. : elle ne suit pas le caractère alphabétique du poème, saute les v.14-15ab (Comparaison des versions Si 51,13–17) et modifie des pronoms.

13b je l’ai demandée (héb.) Conjecture Le stique est manifestement trop court. Proposition de lire « je l’ai demandée et j’ai beaucoup prié ».

17a elle ne cessait de croître : 11Q5 | ms.B : son joug était

  • 11Q5 : ‘lh hyth, comprise comme « elle ne cessait de croître » est grammaticalement correcte et attestée, cadrant bien avec le contexte du poème (cf. G : prokopê ; V : profeci). L’hypothèse de lire « holocauste » (‘lh étant lu ‘ōlâ), grammaticalement correcte, ne s’insère pas dans le contexte.
  • ms.B : ‘lh hyh (cf. S : nyrh) ; ‘ûl « joug » (masc.) + le suffixe féminin (‘ûlāh « son joug »), suivi par le verbe au masc. Ceci anticipe l’idée du joug de la sagesse présente au v.26a, dans toutes les versions. Intertextualité biblique Si 51,26a

17b sa gloire (héb.) Le possessif écrit avec un yod 11Q5 : hwdy ; lire hôdô (« sa gloire ») et non hôdî (« ma gloire »). 11Q5 écrit le yod le plus souvent comme un waw. Ce phénomène apparaît bien plus dans ce ms. que dans les autres mss. hébreux de Ben Sira.

Vocabulaire

13a m’égarer (héb.) Moralement 11Q5 : t‘yty ; le verbe tā‘â signifie l’errance morale et non pas spatiale. Ni dans ce poème ni ailleurs dans le livre l’auteur n’a signalé une telle errance morale. Malgré les voyages qu’il signale, les siens (Si 34,12) ou ceux du scribe en général (Si 39,4), il semble quand même préférable de ne pas opter pour une errance spatiale.

Procédés littéraires

16a j’ai accueilli (G) Élision Pas de complément : probablement la sagesse, ou l'instruction mentionnée au 2e stique. L’absence de complément, que l’on rencontre dans d’autres textes bibliques, élargit le sens du verbe : « j’ai été enrichi ». Comparaison des versions Si 51,16a

Genres littéraires

13–30 Poème alphabétique Le livre se conclut, comme le livre des Proverbes, par un poème alphabétique, c'est-à-dire un poème dont la première lettre de chaque verset (ou strophe selon le cas) suit l’ordre de l’alphabet. Ce procédé poétique est considéré comme recherché. On trouve d’autres poèmes alphabétiques en Ps 9-10 ; 25 ; 34 ; 37 ; 111-112 ; 119 ; 145 ; Pr 31,10-31 ; Lm 1-4 ; Na 1,2-8. Ici,

  • 11Q5 atteste le caractère alphabétique du poème dans le fragment qui est préservé jusqu’à la lettre kaph.
  • ms.B a conservé quelques versets dans l’ordre alphabétique (aleph, ḥèt, yod, mem, nun, aïn, , qoph, resh, tav), c'est-à-dire surtout dans la 2e moitié de l’alphabet.

Le caractère alphabétique du poème avait déjà été détecté sur la base de G et S, avant la découverte des mss. hébreux du Caire et de Qumrân.

Contexte

Milieux de vie

13–30 Traits autobiographiques exceptionnels La pointe du poème est une invitation à se mettre à l’école du maître, ce qui n'est pas sans parallèles : Intertextualité biblique Si 51,23–28. Il est remarquable ici que pour justifier cette invitation, les deux premières strophes soient une auto-présentation de celui qui parle. Ben Sira parle souvent de lui-même dans son livre : 

Aucun sage de la Bible avant lui n’avait agi de la sorte.

Réception

Comparaison des versions

13–17 Abrègement dans ms.B et S La 1e partie de la confession (Propositions de lecture Si 51,13–30) est réduite d’un tiers dans ms.B et S :

  • par rapport à 11Q5, ils omettent la venue de la sagesse elle-même (Bèt = v.14a),
  • et par rapport à 11Q5, G et V, ils omettent la recherche jusqu’à la fin (Bèt = v.14b), la réjouissance dans la sagesse (gimel = v.15ab).

13b la sagesse dans ma prière : G V | héb. S : Ø — Explicitations dans G et V

  • Première mention de l’objet de la recherche, la sagesse. La seconde mention de la sagesse apparaît au v.17b. G et V sont moins allusifs que 11Q5 et S où la première et unique mention de la sagesse n’apparaît qu’en S-25b. Dans l'héb. et S la confession de la recherche de la sagesse se traduit littérairement par une énigme pour le lecteur.
  • Explicitation non seulement de la recherche de la sagesse, mais aussi de la prière pour l’obtenir dans G et V. Intertextualité biblique Si 51,13b

15c mon Seigneur (S-15a) Ou « Seigneur » La mention de Dieu au vocatif dans S est absente de G, V et 11Q5. Elle est toutefois reprise par le ms.B (’dny).

Littérature péritestamentaire

13–30 et 11Q5 : Une composition énigmatique On s’interroge sur la fonction que pouvait remplir le florilège d’extraits de psaumes et de ce poème alphabétique découvert à Qumrân.

Tradition juive

13–30 Deux œuvres appelées l’Alphabet de Ben Sira La première œuvre appelée Alphabet de Ben Sira est un opuscule qui se compose d’une liste de 22 sentences en araméen, rangées selon l’ordre alphabétique et agrémentées d’un commentaire en hébreu. Listes de sentences (au plus tôt fin de la période des amoraïm ou même la période des gaonim) et commentaire (11e s. ?) ne relèvent pas de la même composition. Il ne semble pas que l’origine de l’opuscule soit liée au poème alphabétique qui clôt le livre de Ben Sira. Il n’est même pas certain que les auteurs de ce pseudépigraphe aient lu l’œuvre de Ben Sira, même si l’on peut trouver une communauté d’esprit entre le livre et la liste. En revanche, cet Alphabet de Ben Sira atteste que la tradition juive attribuait à Ben Sira une série de sentences qui lui étaient plus ou moins étrangères, comme le montre également le Talmud de Babylone (b. Sanh. 100b). Le commentateur de la liste alphabétique des sentences attribue à Ben Sira la paternité de cinq livres, dont la Pesiq. Rab.

Le second Alphabet de Ben Sira (liste alphabétique de 22 sentences en hébreu et commentaire), postérieur au premier, rapporte une série de légendes relatives à Jésus Ben Sira, dont le récit de la naissance virginale, dans une sorte de parodie de la naissance d’un autre Jésus, de Nazareth.

Tradition chrétienne

17b En me procurant la sagesse je rendrai gloire (V-23) Citations

Texte

Critique textuelle

17b À qui m’enseigne (héb.) Singulier ou pluriel ? 11Q5 : mlmdy ; l’absence de vocalisation permet de comprendre un singulier (visant Dieu lui-même) ou un pluriel (« à ceux qui m’enseignent »).

Réception

Comparaison des versions

14a Elle est venue (héb.) Particularité héb. C’est la seule version à mentionner la venue de la sagesse.

Texte

Critique textuelle

18a prendre plaisir (héb.) Interprétation de la racine 11Q5 : w’śḥqh ou w’šḥqh

  • w’śḥqh : le verbe śḥq compte des connotations de jeu, de plaisir, de rire. Il n’y a pas lieu de modifier le verbe.
  • w’šḥqh : le rapprochement avec le verbe šḥq de Si 6,36 en héb. (« broyer », « fouler, user » la pierre) ne convient pas dans ce contexte.

19c persévérais/purifiai (héb.) Conjectures 11Q5 : ṭrty ; hypothèses en présence :

  • lire ṭrdty « je persévérais » (assimilation du dalet). Le verbe, rare, évoque l’idée d’un agir dans la continuité, la persévérance (cf. héb. Si 32,9) ; le second stique va dans le même sens.
  • lire ṭhrty « je purifiai (mon âme) », avant de purifier les mains (v. Kaph).

19d en ses hauteurs (héb.) Lacune et hypothèses 11Q5 : brwmyh.

  • Si le 1er stique indique bien l’idée de persévérance (Critique textuelle Si 51,19c), celle-ci pourrait se retrouver dans le 2e stique, en conservant brwmyh (rôm « hauteur » + un suffixe), mais l’hypothèse est peu probable car le terme rôm n’est pas usité au pluriel.
  • On pourrait aussi penser à mārôm (« hauteur »), et donc à bammᵉrômîm, usité ; cf. la Sagesse sur les hauteurs (Pr 8,2 ; 9,3.14).
  • Certains proposent de modifier en brmmyh, infinitif polel du verbe rûm « élever » + un suffixe : « de l’exalter (je ne me lasserai pas) ».

20b ses secrets (héb.) Lecture ? Dans 11Q5 ne sont lisibles que les lettres ‘rmyh, le et le h étant en plus hypothétiques. Peut-être peut-on supposer ma‘ărūmméhā (« ses secrets ») ? (Cf. ‘ārôm « nu », ‘ārûm « rusé », « subtil ».)

Grammaire

21b ai-je acquis une bonne acquisition Accusatif d'objet interne G : ektêsamên agathon ktêma (cf. V : possidebo bonam possessionem), rendant l’héb. (ms.B : qnytyh qnyn ṭwb) à la suite de S (qnyth qnyn’ ṭb’), pour insister.

Procédés littéraires

20c le commencement Ambiguïté : le commencement de qui ou de quoi ? L'absence d'un possessif (« le commencement ») laisse ouvertes deux lectures. Il acquit la sagesse :

  • depuis son début à lui (sa jeunesse), idée mentionnée à plusieurs reprises dans le poème,
  • depuis son début à elle, c'est-à-dire le commencement de la sagesse ou de son principe ; cf. ms.B : mētᵉḥillātāh « depuis son commencement ». La crainte du Seigneur, principe ou commencement de la sagesse (cf. Si 1,14 ; Pr 1,7 dā‘at ḥokmâ ; Pr 9,10 tᵉḥillat ḥokmâ), est-elle visée ?

Réception

Comparaison des versions

19ss (S-20-21) Allusion à Dieu S parle de « lui » et « le », c’est-à-dire de Dieu. Le phénomène est-il lié à l’introduction de « mon Seigneur » au v.15 ? S est la seule à le faire, et ms.B ne l’a pas suivie.

  • S oscille entre deux recherches : recherche de Dieu et recherche de la sagesse. Cette dernière encadre la recherche de Dieu.
  • Les autres versions se centrent exclusivement sur la recherche de la sagesse : à Dieu revient la louange.

19cd G V | héb. Le caractère alphabétique du poème en 11Q5 indique que G et V ont interverti les deux stiques.

Texte

Critique textuelle

24a Pourquoi en manquez-vous encore (G) Variante grecque G : ti eti hustereite en toutois. Leçon préférable à ti hoti hustereisthai legete en toutois « pourquoi dites-vous que vous en manquez ? » (cf. V : quid adhuc retardatis et quid dicitis in his « Pourquoi tardez-vous encore et qu’en dites-vous » ; confusion entre dicitis et degitis).

23–30 (héb. reconstitution)

  • Samek Tournez-vous vers moi, insensés / et demeurez dans ma maison d’étude.
  • Aïn      Jusques à quand vous en priverez-vous / et votre âme sera-t-elle si assoiffée ?
  •       J’ai ouvert ma bouche et je dis par elle : / Acquérez pour vous la sagesse sans argent.
  • Çadé   Faites entrer vos cous dans son joug / et que votre âme porte son fardeau.
  • Qoph    Elle est proche de ceux qui la demandent / et qui donne son âme la trouve.
  • Resh    [discuté] Voyez de vos yeux : j’étais jeune (/ j’ai peu peiné) / (J’ai tenu bon en elle) et je l’ai trouvée (en abondance).
  • Shin      Écoutez (nombreux) mon enseignement / et vous acquerrez argent et or en moi.
  • Tav       [discuté] (Que) mon âme se réjouisse de mon salut (/Que votre âme se réjouisse de son salut) / et vous ne serez pas déçus (/n’ayez pas honte de mon chant/de le louer).

26c C’est tout près qu’on peut la trouver (G V) Lacune ? Verset d’un seul stique ; l’original devait en comprendre deux.

Vocabulaire

23b la maison de l’enseignement (S) Vorlage héb. ? S : byt ywlpn’. Le ms.B (byt mdršy) a traduit par bét midraš, expression rabbinique. L’expression originale devait être bét mûsar ; le terme mûsar est connu de Ben Sira : héb. Si 6,22 ; 34[31],12.17.22 ; 35[32],2.14 ; 37,31 ; 41,15 (ms. Massada).

Grammaire

23b maison de l’instruction Sémitisme G : oikôᵢ paideias a respecté la construction périphrastique de l’hébreu (bét midraš ou, plus sûrement, bét mûsarVocabulaire Si 51,23b.

Procédés littéraires

23 gens sans instruction + de l’instruction — Figure de dérivation G : apaideutoi... paideias : répétition de la même racine (seulement en G).

Réception

Comparaison des versions

25b la sagesse : S | G V : Ø Curieusement G et V ne précisent pas l’objet de l’acquisition, mais ils ont déjà mentionné la sagesse avant (v.13b.17b et V-22b). Comparaison des versions Si 51,13b

Intertextualité biblique

23–28 Invitations de/à la Sagesse Deux poèmes peuvent être rapprochés de celui-ci : Pr 8,4-36 et surtout Si 24,3-22 font parler la Sagesse qui, pour inviter ses auditeurs à se mettre à son écoute, se présente elle-même.

26a joug

Dans l'AT

Alors que l’AT (surtout les prophètes) présente le plus souvent le joug comme un signe négatif d’asservissement dont le Seigneur délivre (Is 10,27 ; 58,6 ; Jr 27,2 ; 28,14 ; 30,8 ; Os 10,11 ; Na 1,13), Ben Sira présente le joug de la sagesse du Seigneur comme positif (cf. Si 6,30 ; déjà So 3,9 « servir sous un même joug »).

Dans le NT

En Mt 11,29 (« Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école »), Jésus se présente en maître de sagesse. En Ac 15,10, le joug de la Loi (expression rabbinique) est présenté comme trop lourd.

Critique textuelle Si 51,17a

Tradition chrétienne

23b la maison de l’instruction Interprétation ecclésiologique

  • Augustin d’Hippone Disc. 1 : La maison est l’Église et le maître, c’est le Christ. Discunt christiani, docet Christus. En écrivant Accipite disciplinam in domo disciplinae (« Accueillez l’instruction dans la maison de l’instruction »), Augustin combine deux expressions : in domum disciplinae (Si 51,23b [V-51,31b]) et suscipiat anima vestra disciplinam (Si 51,26b [V-51,34b]).
  • Jérôme Ep. 30,5-6 (ad Paulam) : Dans son explication de l’alphabet, le savant de Bethléem explique le sens de l’aleph-beth comme doctrina domus (« enseignement de la maison »), c’est-à-dire doctrina Ecclesiae (« enseignement de l’Église »).
  • Raban Maur Comm. Eccl. « Affectueusement paternel, l’homme sage exhorte les hommes incultes et sans instruction à ce que, sans retard et sans renâcler, ils se dépêchent d’aller se rassembler dans la maison de l’instruction, qu’est l’Église : on y apprend les véritables leçons de la prudence et on y observe de façon assidue l’honnêteté des mœurs. Alors que [ces hommes] souffrent dans la soif de la parole de Dieu, [le sage] leur montre et leur reproche de ne pas vouloir recevoir le rafraîchissement de la doctrine spirituelle, et il leur manifeste aussitôt ce qu’il leur convient de faire » (PL 109,1124C).

26a Mettez votre cou sous le joug

= l'obéissance

  • Clément de Rome 1 Cor. 63,1, dans une invitation à l’obéissance, estime que « Il convient de “courber la nuque” et d’occuper la place que nous assigne l’obéissance. »

= le jeûne

  • Syméon le Nouveau Théologien Or. cat. 9 compare la pratique du jeûne à cette soumission de la nuque au joug : « Je n’étais pas sans savoir que […] chacun d’entre nous les fidèles accueille avec une ardeur brûlante ce (grand) bien qu’est le jeûne ; qu’il n’est personne qui ne soumette à ce joug une nuque docile. »

Texte

Critique textuelle

29a conversion (S) Vorlage héb. ? Ms.B a traduit par yšybty. Le mot yᵉšîbâ étant un terme rabbinique, l’original hébreu devait comporter un autre mot, peut-être tᵉšûbâ, en suivant S : tybwt’ ? Mais le poème ne signale pas de faute dont Ben Sira aurait à se repentir. Supposer yᵉšû‘â « salut », plus proche de la « miséricorde » de G et V : « mon salut » ou « son salut » (c.-à-d. le salut de Dieu) ?

Grammaire

28a elle vaut beaucoup d’argent L'argent : moyen ou valeur ? G : en pollôᵢ arithmôᵢ arguriou. On peut comprendre :

  • « (Prenez part à l’instruction) au prix de beaucoup d’argent » (cf. V : in multo numero argenti), en contradiction avec v.25b mais conformément à la poétique de l’antithèse de tout le passage (Procédés littéraires Si 51,27 ; Procédés littéraires Si 51,30a).
  • que la préposition grecque en + datif introduise un attribut du mot « instruction ». On pourrait alors traduire : « elle vaut une fortune ! ». S’il n’y avait le 2e stique, on traduirait : « qui vaut son pesant d’or ».

Procédés littéraires

27 peu peiné + bien du repos — Antithèse entre les deux stiques. Comparaison des versions Si 51,27b

Réception

Comparaison des versions

27b bien du repos : G V | S : beaucoup d'elle

  • G et V renforcent l'antithèse entre les deux stiques : peu de peine pour beaucoup de repos.
  • Cette antithèse est présente en S, mais sans l’idée de repos : peu de peine pour beaucoup de découverte de la sagesse. Toute la partie « confession » du poème atteste plutôt l’effort soutenu dans la recherche de la sagesse (seul le v.16a [G V : « un peu » ; 11Q5 « à peine »] pourrait aller dans le sens d’une légèreté dans l’effort).