La Bible en ses Traditions

Matthieu 27,32–28,10

Byz S TR Nes
V

32 ...

32 Et en sortant, ils trouvèrent un homme, un Cyrénéen du nom de « Simon ».

C’est lui qu’ils contraignirent pour qu'il portât sa croix.

33 ... 

33 Et ils arrivèrent à un lieu dit « Golgotha » 

(ce qui veut dire « lieu du calvaire ») 

34 ...

34 et ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel. 

Et [l’]ayant goûté, il ne voulut pas boire.

35 ...

35 L’ayant crucifié, ils divisèrent ses vêtements, les tirant au sort.

36 ...

36 Et assis, ils le gardaient.

37 ...

37 Et ils disposèrent au-dessus de sa tête [la] cause [de] sa [condamnation] écrite :

« Ici est Jésus le roi des Juifs ».

38 ...

38 Alors sont crucifiés avec lui deux brigands,

un à droite et un à gauche.

39 ... 

39 Et ceux qui passaient le blasphémaient

en remuant la tête 

40 ...

40 et disaient :

— [L’homme] qui détruit le Temple et en trois jours le rebâtit,

sauve-toi toi-même

si tu es le fils de Dieu, descends de la croix !

41 ...

41 Semblablement, les princes des prêtres, se gaussant avec les scribes et les anciens, disaient :

42 ...

42 — Il en a sauvé d’autres et lui-même il n’arrive pas à se sauver !

S'il est roi d'Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui !

43 ...

43 Il se confiera en Dieu ; qu’il le délivre maintenant s’il veut,

car il a dit : — De Dieu je suis fils.

44 ...

44 Or de même aussi les brigands crucifiés avec lui l’accablaient de reproches.

45 ...

45 À partir de la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure.

46 ...

46 Vers la neuvième heure, Jésus clama d’une voix forte disant : 

— Éli, Éli, lema sabachthani ?

C’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pour quoi m’as-tu abandonné !?

46 = Ps 22,2
Byz V TR Nes
S

47 ...

47 [L']ayant entendu, certains de ceux qui se tenaient là disaient :

— C’est Élie qu’il appelle, celui-ci.

Byz S TR Nes
V

48 ...

48 Et accourant aussitôt, l’un d’eux,

ayant pris une éponge, il la gorgea de vinaigre et la fixa à un roseau et essayait de le faire boire.

49 ...  

49 Mais les autres disaient :

— Laisse, que nous voyions si Élie vient le libérer !  

50 ...

50 Mais Jésus, criant de nouveau d’une voix forte, remit l’esprit.

51 ...

51 Et voici : le voile du Temple fut déchiré en deux 

de haut en bas

et la terre fut ébranlée 

et les rochers furent déchirés

52 ...

52 et les tombeaux furent ouverts 

et beaucoup de corps des saints endormis ressuscitèrent

53 ...

53 et sortant des tombeaux après sa résurrection, 

ils vinrent dans la ville sainte et apparurent à beaucoup.

54 ...

54 Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus,

voyant le tremblement de terre et ce qui était arrivé, furent effrayés à l’extrême disant :  

— En vérité, celui-ci était le fils de Dieu.

55 ...

55 Étaient là aussi de nombreuses femmes à distance,

qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée en le servant,

56 ...

56 parmi lesquelles se trouvaient Marie la Magdeleine

et Marie, mère de Jacques et de Joseph,

et la mère des fils de Zébédée.

57 ...

57 Le soir venu,

vint un homme riche d'Arimathie, nommé Joseph,

qui lui aussi était disciple de Jésus.

58 ...

58 Celui-ci, s'étant rendu chez Pilate, lui demanda le corps de Jésus. 

Alors Pilate ordonna que fût rendu le corps.

59 ...

59 Et ayant pris le corps, Joseph l’enveloppa d'un drap pur

60 ...

60 et il le plaça dans le tombeau neuf qu'il s'était fait tailler dans le roc

et il roula une grande pierre à l'entrée du tombeau et il partit.

61 ...

61 Étaient là : Marie la Magdeleine et l'autre Marie, assises en face du sépulcre.

62 ...

62 Le jour suivant, c'est-à-dire après la Parascève,

les princes des prêtres et les pharisiens s'assemblèrent auprès de Pilate

63  ...

63  disant :

— Seigneur, nous nous sommes souvenus que ce séducteur a dit quand il était encore vivant :

— Après trois jours, je ressusciterai.

64 ... 

64 Ordonne donc de garder le sépulcre jusqu’au troisième jour,

de crainte que ses disciples ne viennent pour le dérober

et qu'ils ne disent au peuple : — Il est ressuscité des morts.

Cet égarement ultime sera pire que le premier. 

65 ...

65 Pilate leur dit :

— Vous avez une garde. 

Allez, gardez comme vous le savez.

66 ...

66 Et s'en étant allés, ils s'assurèrent du sépulcre, 

en scellant la pierre avec les gardes.

28,1 ...

Or, le soir du sabbat, alors que [ça] luisait vers le premier [jour] de la semaine,

Marie la Magdeleine et l’autre Marie vinrent pour voir le sépulcre

28,2 ...

et voici : il se fit un grand tremblement de terre,

car un ange du Seigneur descendit du ciel

et, s’étant approché, roula la pierre et se tenait assis sur elle.

28,3 ...

Son aspect était comme un éclair

et son vêtement comme la neige.

28,4 ...

Par crainte de lui, les gardes furent épouvantés et devinrent comme des morts.

28,5 ...

L’ange répondit et dit aux femmes :

— Ne craignez pas, vous, 

car je sais que vous cherchez Jésus, qui a été crucifié.

28,6 ...

Il n'est pas ici,

car il est ressuscité, comme il [l']a dit.

Venez, voyez le lieu où le Seigneur avait été déposé

28,7 ... 

et, vous en allant vite, dites à ses disciples qu'il est ressuscité 

et voici : il vous précède en Galilée ;

là vous le verrez.

Voilà, je vous [l']ai prédit. 

28,8 ...

Et elles sortirent vite du tombeau avec crainte et grande joie,

courant [l']annoncer à ses disciples.

28,9 ... 

Et voici : Jésus les rencontra disant : — Salut !    

Et elles s'approchèrent, tinrent ses pieds et l'adorèrent. 

28,10 ... 

10 Alors Jésus leur dit :

— Ne craignez pas,

partez, annoncez à mes frères qu’ils aillent en Galilée, là ils me verront. 

Réception

Littérature

27,58a demanda le corps de Jésus Dieu-fait-homme Charles Péguy développe dans la dernière partie de son livre Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle un long commentaire de la Passion selon saint Matthieu, qui affirme avec force sa conviction dans la réalité du corps de Jésus :

  • Péguy Véronique « S’il n’avait point eu ce corps, mon ami, s’il avait été, s’il était resté pur esprit, s’il s’était fait ange, s’il avait été incharnel, s’il n’avait point été l’âme charnelle enfin, s’il ne s’était point fait cette âme charnelle, une âme charnelle, comme nous, comme les nôtres, s’il n’avait point souffert cette mort charnelle, tout tombait, mon enfant, tout le système tombait ; tout le christianisme tombait; car il n’était point homme tout à fait » (1961, 470).

Texte

Vocabulaire

27,33 Golgotha ce qui veut dire lieu du Crâne Transcription et traduction Ce nom propre Golgotha est une transcription de l'araméen gulgoltha qui signifie "lieu du Crâne". Cette traduction est directement donnée par les textes :

  • En grec : kraniou topos
  • Vulgate : calvariae locus, d'où le mot calvaire.

Contexte

Littérature péritestamentaire

27,39.41.43

L'humilité du Seigneur, notre modèle

Clément met sur les lèvres du Christ les paroles du Ps 21 citées en Mt :

  • Clément de Rome  Ep. 16,15-16 ''Et lui-même dit encore: 'Quant à moi, je suis un ver de terre [...] tous ceux qui m'ont vu se sont raillés de moi, ils ont ironisé des lèvres, ils ont secoué la tête: Il a espéré dans le Seigneur, que le Seigneur le délivre, qu'il le sauve, puisqu'il tient à lui'. Vous voyez, bien-aimés, quel est le modèle qui nous a été donné ! Si le Seigneur s'est ainsi humilié, que devons-nous faire, nous qui sommes venus par lui sous le joug de sa grâce ?''

27,48 Parallèle  Accomplissement de la prophétie du Ps 68,22 :

  • Barn. 7,3.5 "Mais, de plus, sur la croix on lui donna à boire du vinaigre et du fiel. ... Pourquoi cela? Parce que vous me ferez boire du fiel avec du vinaigre, à moi qui offrirai ma chair pour les péchés..."

Réception

Tradition chrétienne

27,32 un homme de Cyrène du nom de Simon

Simon souffrit la passion

Irénée mentionne l'hérésie de Basilide selon qui le Christ Jésus ne fut pas crucifié et ne souffrit pas la Passion :

  • Irénée de Lyon  Haer. 1,24,4 ''... il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c'est ce Simon qui, par ignorance et erreur, fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu'on le prît pour Jésus; quant à Jésus lui-même, il prit les traits de Simon et, se tenant là, se moqua des Archontes. Étant en effet une Puissance incorporelle et l'Intellect du Père inengendré, il se métamorphosa comme il voulut, et c'est ainsi qu'il remonta vers Celui qui l'avait envoyé, en se moquant d'eux...''

27,45.51s Irénée montre que les prophètes ont parlé du Christ et non d'un autre :

  • Irénée de Lyon  Haer. 4,34,3 ''Car à la mort d'aucun ancien le soleil ne se coucha en plein midi, ni le voile du temple ne se déchira, ni la terre ne trembla, ni les rochers ne se fendirent, ni les morts ne ressuscitèrent; [...] Ce n'est donc pas d'un autre que parlaient les prophètes, mais du Seigneur, en qui se sont rencontrés tous les signes prédits.''

27,45 À partir de la sixième heure l'obscurité ... sur toute la terre  Argument prophétique

  • Irénée de Lyon  Haer. 4,33,12 ''D'autres [prophètes] ont dit : 'En ce jour-là, dit le Seigneur, le soleil se couchera en plein midi et il y aura des ténèbres sur la terre en un jour serein...'' (Am 8,9): ils annonçaient ouvertement par là ce coucher de soleil survenu lors de sa crucifixion, à partir de la sixième heure...''

Contexte

Littérature péritestamentaire

27,45 Parallèle

27,51–54 Parallèle L'évangile de Pierre souligne que c'est 'au moment même' où survient l'élévation du Seigneur que le voile du Temple se déchire. L'extraction des clous des mains du Seigneur montre la réalité du corps du Christ,un passage qui n'est pas docète. L'allusion aux seuls clous des mains indique une proximité avec l'évangile de Jn. Chez les synoptiques, la neuvième heure marque la fin des ténèbres, tandis que pour Ev. P. c'est le moment où le soleil commence à resplendir :

  • Ev. P. 20-23 "Et au même instant, le voile du Temple de Jérusalem se déchira en deux (Mt 27,51; Mc 15,38; Lc 23,45). Et alors ils retirèrent les clous des mains du Seigneur et le déposèrent à terre. Et toute la terre trembla et il y eut une grande terreur (Mt 27,51.54). Alors le soleil resplendit et il se trouva [que c’était] la neuvième heure (Mt 27,45s; Mc 15,34; Lc 23,45); les Juifs se réjouirent."

27,57–60 Parallèle L'auteur de l'évangile de Pierre 3-5 anticipe l'épisode de Joseph d'Arimathie et ajoute des détails inconnus des évangiles canoniques :

27,62–66 Parallèle

  • Ev. P. 28-33 "Les scribes, les Pharisiens et les anciens (Mt 28,12) se réunirent entre eux, ayant entendu dire que tout le peuple murmurait et se frappait la poitrine (Lc 23,48) en disant : 'Si ces signes merveilleux se sont produits au moment de sa mort, voyez combien il est juste (Mt 27,19; Lc 23,47)!' Les anciens furent épouvantés et ils allèrent vers Pilate (Mt 27,63), le priant en ces termes : 'Donne-nous des soldats poursurveiller sa tombe pendant trois jours (cf. Mt 27,64), afin que ses disciples ne l'enlèvent pas et que le peuple ne croie pas qu’il est ressuscité d'entre les morts et nous fasse du mal (Mt 27,64.28,13).' Et Pilate leur donna le centurion Petronius avec des soldats pour garder le sépulcre (Mt 27,65-66) ; et les anciens et les scribes allèrent avec eux au tombeau. Et ayant roulé une grande pierre (Mt 27,60; Mc 15,46.16,4), le centurion, les soldats et tous ceux qui étaient là la placèrent à la porte du sépulcre. Et ils apposèrent sept sceaux, et, ayant dressé là une tente, ils montèrent la garde (Mt 27,66)."

 

28,6 car il est ressuscité... Parallèles

  • Barn. 15,9 "Voilà bien pourquoi nous célébrons comme une fête joyeuse le huitième jour pendant lequel Jésus est ressuscité des morts et, après être apparu, est monté aux cieux."

Ce qui suit est extrait d'un texte qui se fait l'écho de très anciennes professions de foi christologique :

27,63 cet imposteur Parallèle

  • T. Lévi 16,2 "... vous traiterez d'imposteur l'homme qui vient renouveler la loi du Très-Haut, vous le tuerez, recevant son sang innocent sur vos têtes."

27,25.63 son sang sur nous...cet imposteur Parallèle

  • T. Lévi 16,2 "... vous traiterez d'imposteur l'homme qui vient renouveler la loi du Très-Haut, vous le tuerez, recevant son sang innocent sur vos têtes."

28,1–4 Parallèle Dans le récit de la résurrection, l'auteur de l'apocryphe donne une interprétation de l'événement. Il met en évidence que la résurrection du Kurios est associée à sa mort. Pour le moment de la résurrection, le texte est un témoin très ancien d'une exégèse de Mt 28,1, précisant qu'il a eu lieu non pas à l'aube du dimanche, mais bien avant dans la nuit du samedi quand naît le dimanche : pour l'expression cf. Did. 14,1 et Ignace d’Antioche Magn. 9,1. Au lieu du tremblement de terre dont parle Mt 28,2, c'est une grande voix qui se fait entendre comme en Ap 1,10 que semble suivre notre auteur. Il exprime ainsi la résurrection/gloire en style apocalyptique (cf. Ap 11,13-15 et aussi Ap 12,10 ). Vient ensuite les cieux qui s'ouvrent, image fréquente dans l'Ap. et dans toute la littérature canonique. Enfin, il y une succession de personnages qui descendent du ciel au tombeau et qui en remontent. À l'opposé des évangiles canoniques qui ne décrivent pas la résurrection, mais la présentent entourée de mystère à travers des manifestations, un message, l'év. de Pierre la relate de façon détaillée. La dimension gigantesques des trois personnages et surtout du Kyrios a une valeur ontologique comme dans Ap 10,1-3. Il traduit ainsi le symbolisme du Centre 'l'axe cosmique' de l'histoire des religions. Le Christ se trouve au centre de l'univers et ses dimensions vont jusqu'à embrasser les trois niveaux cosmiques :

  • Ev. P. 35-44 "Or, dans la nuit où commeçait le dimanche (cfMt 28,1; Mc 16,1kuriakê Ap 1,10), tandis que les soldats deux à deux prenaient leur tour de garde, il y eut une grande voix dans le ciel. Et ils virent les cieux s'ouvrir et deux hommes envelooppés de lumière en descendre, et s’approcher du tombeau (cfMt 28,2-4; Mc 16,5; Lc 24,4). Et cette pierre qui avait été jetée contre la porte, roulant d’elle-même, se déplaça de côté et le sépulcre s’ouvrit et les deux jeunes gens entrèrent. Ayant vu cela, les soldats éveillèrent le centurion et les anciens, eux aussi étaient là à monter la garde. Tandis qu'ils racontaient ce qu’ils avaient vu, de nouveau ils voient sortir du sépulcre trois hommes, et deux d'entre eux soutenaient l’autre, et une croix les suivait. Et la tête des deux premiers montait jusqu’au ciel, tandis que celle de celui qu'ils conduisaient par la mains dépassait les cieux. Et ils entendirent une voix qui venait des cieux et qui disait : 'As-tu prêché à ceux qui dorment  (cf. 1P 3,19.4,6)?' Et on entendit une réponse qui venait de la croix : 'Oui.' Ceux-ci décidaient entre eux d'aller rapporter tout cela à Pilate. Pendant qu'ils réfléchissaient encore, on voit de nouveau le ciel s'ouvrir et un personnage descendre et entrer dans le tombeau (cf. Mt 28,2)."

27,65 Parallèle Comme dans l'Évangile de Pierre (cf.Littérature péritestamentaire Mt 27,62–66), Pilate donne aux Juifs des hommes d'armes. Le tombeau de Jésus situé dans une cavité naturelle contredit Mt : 

  • Ev. Naz. Codex 1424 ''L'Évangile judaïque : Et Pilate leur donna des hommes d'armes, pour qu'ils demeurent en faction devant la caverne et la surveillent jour et nuit.''

Texte

Vocabulaire

27,62 la Préparation Spécification chronologique Le terme grec paraskeuê désigne :

  • soit le vendredi, jour où se faisaient les préparatifs du sabbat.
  • soit le jour avant une grande fête, (cf. Jn 19,14+).

À propos du problème de la chronologie, voir Mt 26,17+.

Repères historiques et géographiques Mt 27,6

Genres littéraires

28,1–20 La mort et résurrection dans la mythologie comparée La mort et résurrection de Jésus pourraient évoquer des parallèles avec la thème du Dieu qui meurt dans les mythologies païennes (Osiris, Tammuz, Adonis, Atys, Dionysos). v. →Mythe et évangiles

Contexte

Littérature péritestamentaire

Réception

Tradition chrétienne

Mystique

27,38a deux brigands Le Christ, modèle d’anéantissement

  • Vincent de Paul Entretiens « Aurions-nous quelque crainte d’être reconnus pour misérables, voyant l’innocent traité comme un malfaiteur, et mourir entre deux criminels comme le plus coupable ? Prions, Messieurs, qu’il nous préserve de cet aveuglement ; demandons-lui la grâce de tendre toujours en bas ; confessons devant lui et devant les hommes que nous ne sommes de nous-mêmes que péché, qu’ignorance et que malice. Souhaitons qu’on le croie, qu’on le dise et qu’on nous en méprise. Enfin ne perdons aucune occasion de nous anéantir par cette sainte vertu » (356).

Tradition chrétienne

27,2.26.29.34

  • Méliton de Sardes  Pascha 79,575 ''Car, ayant donné et le fouet à son corps et les épines à sa tête (cf. Mt 27,26.29; Jn 19,2), tu lias encore ses bonnes mains (cf. Mt 27,2) qui te formèrent à partir de la terre, et tu abreuvas de fiel (cf. Mt 27,34) sa bonne bouche, celle qui t'avait nourri de la vie, et tu mis à mort le Seigneur le jour de la Grande Fête.''

27,62–66 Les princes des prêtres et les Pharisiens allèrent ... auprès de Pilate ... scellant la pierre, avec des gardes La garde du tombeau

  • Hippolyte de Rome  Dan.  3,27  ''Tel est le travail de la méchanceté. Les satrapes craignaient qu'en cachette le roi n'ordonnât de tirer Daniel de la fosse, aussi ils avaient cru bon de faire sceller la dalle. Ce furent les mêmes précautions que prirent les princes des prêtres et les Pharisiens à l'égard du Sauveur, quand ils firent sceller la pierre et y firent placer des gardes' (cf. Mt 27,62-66).''
  • Év. Nic. 12,4 [XII, 2] "Ainsi donc, le vendredi étant achevé, le samedi de bonne heure les Juifs se rendirent chez Pilate et lui dirent : 'Seigneur, ce mystificateur a dit, de son vivant, qu'après trois jours il ressusciterait. Afin que ses disciples ne le dérobent pas de nuit et ne mystifient pas le  peuple par cette fraude, ordonne que l'on garde son tombeau.' Pilate, pour cette raison, leur remit cinq cents soldats qu'ils installèrent autour du tombeau pour le garder, après avoir mis des sceaux sur la pierre du tombeau." (282)

Contexte

Repères historiques et géographiques

Réception

Tradition chrétienne

27,63c Après trois jours Surprenant

  • Paschase Radbert Exp. Matt. 12,4660 s’étonne de la mauvaise foi des grands prêtres lors du procès, car ils auraient bien pu faire le rapprochement entre la promesse de rebâtir le Temple en trois jours, et celle de ressusciter le troisième jour. 

27,40.42 Si tu es Fils de Dieu, descends de la croix... et nous croirons en toi

  • Origène  Comm. Rom.  8,5,10  ''Mais les Juifs, jusqu'à maintenant, sont en recherche sur le Christ et interrogent les Écritures à son sujet, et ils ne le trouvent pas ; car sa croix est un scandale pour les Juifs (cf. 1Co 1,23) ; et c'est pourquoi il leur dit : Tout le jour j'ai tendu mes mains vers un peuple incrédule et rebelle (Is 65,2), c'est-à-dire que, alors qu'il était suspendu sur la croix, ceux-là non seulement ne le trouvèrent pas mais en outre ils dirent : Si tu es Fils de Dieu, descends maintenant de la croix et nous croirons en toi (Jn 27,40.42). Mais écoute ce qui est dit encore dans la Sagesse de Salomon : Il ne sera pas trouvé par ceux qui le mettent à l'épreuve (Sg 1,2).''

27,54 Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus... Cf. Tradition chrétienne Jn 10,18

Les manifestations divines à la mort de Jésus

  • Origène  Cels.  2,36  ''Mais Celse, qui tire des griefs contre Jésus et les chrétiens de textes évangéliques qu'il ne sait même pas interpréter correctement et tait ce qui établit la divinité de Jésus, veut-il se rendre attentif aux manifestations divines ? Qu'il lise alors l'évangile et qu'il y voie entre autres ce passage : Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus, témoins du séisme et des prodiges survenus, furent saisis d'une grande frayeur et dirent : Vraiment celui-ci était Fils de Dieu (Mt 27,54).''

28,1s.9 Or sur le tard du sabbat, alors que la journée commençait à poindre ... Sur l'absence d'une manifestation éclatante de la résurrection,  Origène Cels.  2,63  avait répondu que Jésus est apparu selon le mérite de la foule des croyants (cf. 1Co 15,3.5-8) et des disciples en progrès et de plus,  Origène Cels.  2,65 souligne : 'même aux apôtres  eux-mêmes et aux disciples, il n'était pas sans cesse présent et sans cesse visible, parce qu'ils étaient incapables de soutenir sa contemplation sans relâche. Sa divinité était plus resplendissante après qu'il eut mené à terme l'oeuvre de l'Économie' :

  • Origène  Cels.  2,70   ''Car plus haut se trouve écrite la réponse à l'objection : Est-ce que, de son vivant, alors que personne ne le croyait, il prêchait à tous sans mesure, et, quand il aurait affermi la foi par sa résurrection d'entre les morts, ne se laissa-t-il voir en cachette qu'à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie ? Ce n'est pas vrai : il n'est pas apparu seulement à une femmelette, car il est écrit dans l'Évangile de Matthieu : Or sur le tard du sabbat, alors que la journée commençait à poindre vers le premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent pour voir le sépulcre. et voici qu'un grand tremplement de terre survint, car un ange du Seigneur descendu du ciel, s'étant approché roula la pierre (Mt 28,1s). Et peu après, Matthieu ajoute : Et voici que Jésus vint à leur rencontre  — évidemment, les Marie déjà nommées —, en disant : Réjouissez-vous ! S'étant approchées elles lui saisirent les pieds et l'adorèrent (Mt 28,9).''

28,2ss un grand tremblement de terre... un ange du Seigneur... comme un éclair... à cause de la peur, les gardes tremblèrent

  • Ac. Pil.. B 13,2 ''Sur ce, un des soldats qui gardaient la tombe arriva et dit dans la synagogue : 'Apprenez que Jésus est ressuscité.' Les Juifs dirent : 'Comment ?' Il répondit : 'Il y eu d'abord un tremblement de terre ; ensuite, un ange du Seigneur porteur d'éclair est venu du ciel, a roulé la pierre loin du tombeau et s'est assis sur elle ; du fait de la peur qu'il provoqua, nous, tous les soldats, nous sommes devenus comme morts (cf. Mt 28,2ss), et nous ne pouvions ni fuir ni parler.''

28,5ss Vous, n'ayez pas peur...

  • Ac. Pil. B 13,1 "Sur ce, un des soldats [...] dit dans la synagogue : [...] Nous avons entendu l’ange dire aux femmes qui étaient venues là pour voir la tombe : 'Vous, n'ayez pas peur ; car je sais que vous cherchez Jésus. Il n’est pas ici, mais il est ressuscité comme il vous l’avait dit à l’avance (Mt 28,5s). Penchez-vous et regardez la tombe où gisait son corps (cf. Mt 28,6). Allez dire à ses disciples qu’il s’est ressuscité des morts et qu’ils partent en Galilée, car c'est là qu'ils le trouveront. Voilà pourquoi moi je vous dis cela en premier' (cf. Mt 28,7)."

 

28,2 un ange du Seigneur descendit du ciel... roula la pierre...

Un ange ou deux anges ?

Pas de contradiction entre les différents récits évangéliques :

  • Origène  Cels.  5,56  ''Il n'a pas observé, je pense, que Matthieu et Marc ont parlé d'un seul [ange], Luc et Jean de deux, ce qui n'est pas contradictoire. Les auteurs désignent par un seul ange celui qui a fait rouler la pierre loin du tombeau (cf. Mt 28,2; Mc 16,4.5), et par deux anges ceux qui se sont présentés en habit éblouissant aux femmes venues au tombeau (cf. Lc 24,4), ou ceux qui ont été vus à l'intérieur assis dans leurs vêtements blancs (cf. Jn 20,12).  

Polémique avec Celse

Contre Celse qui se moque du Ressuscité qui n'a pu lui-même enlever la pierre :

  • Origène  Cels.  5,58  ''Celse reproche aussi à l'Écriture d'affirmer qu'un ange avait roulé la pierre loin du tombeau où était le corps de Jésus (cf. Mt 28,2) [...] il ajoute : Le Fils de Dieu, à ce qu'il paraît, ne pouvait ouvrir le tombeau, mais il a eu besoin d'un autre pour déplacer la pierre. Mais je ne veux pas perdre mon temps à discuter l'objection [...] Du récit lui-même je dirai que  d'emblée il semble plus digne que ce fût l'inférieur et le serviteur, plutôt que celui qui ressuscitait pour le bien des hommes, qui ait fait rouler la pierre. [...] Mais l'Ange de Dieu [= Jésus] venu sur terre pour le salut des hommes coopère avec l'autre ange et, plus fort que les auteurs de la conspiration, fait rouler la lourde pierre, afin que ceux qui croient le Logos mort soient persuadés qu'il n'est pas parmi les mort, mais qu'il vit et précède (Mt 28,7) ceux qui consentent à le suivre...''

27,34b après l'avoir goûté, il ne voulut pas boire.

  • Origène  Cels.  7,13  ''Ceux qui conspirent contre l'Évangile de la vérité présentent sans cesse au Christ de Dieu le fiel de leur malice et le vinaigre de leur perversité ; et lui, après avoir goûté, ne voulut pas boire (Mt 24,34b).''

27,35 l'ayant crucifié ils partagèrent ses vêtements Argument prophétique Dans ce passage de son Apologie, Justin utilise diverses prophéties concernant la mission du Christ. Les Actes de Ponce Pilate qui y sont mentionnés ne sont pas à confondre avec ceux que l'on trouve dans l'Évangile de Nicodème. Il s'agit vraisemblablement de documents officiels rédigés sous Ponce Pilate et que Justin suppose conservés aux archives impériales.

  • Justin le Martyr  1 Apol.  35,8-9  ''Et après l'avoir crucifié, ils tirèrent au sort ses vêtements, et ceux qui l'avaient crucifié se [les] partagèrent... Vous pouvez vous en assurer en lisant les Actes rédigés sous Ponce Pilate.''

Ici dans son Dialogue, Justin introduit le jet des dés, suivant en cela Jn 19,24 ou les Actes de Pilate mentionnés en 1 Apol. 35, 8-9 :

  • Justin le Martyr  Dial.  97,3  '' ... et ceux qui l'avaient crucifié se partagèrent ses vêtements jetant les dés, chacun ce qu'il voulait choisir selon le jet du sort.''
  • → Justin le Martyr  Dial. 104,2 ''Et que, après l'avoir crucifié, ceux qui l'avaient crucifié se partagèrent ses vêtements, je l'ai déjà montré.''
  • Ac. Pil. 10.1 '' ... et là, les Juifs placèrent la croix, puis ils dévêtirent Jésus et les soldats prirent ses vêtements et se les partagèrent ... ''

26,59–63 ; 27,11–14.17s.28s.39 Jésus se taisait ... Le silence majestueux de Jésus 

La magnanimité de Jésus 

La majesté du silence de Jésus atteste sa grandeur d'âme. Plus loin durant sa passion, sous la cruauté des bourreaux, il montrera une fermeté et une douceur telles qui surpassent toute virtuosité stoïcienne.

  • Origène  Cels.  Préface 1-2  ''Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d'un faux témoignage, se taisait, accusé, il ne répondait rien, bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. [...] Or Jésus, victime d'un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l'attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n'en trouvèrent pas, bien que beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux qui dirent : Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. (Mt 26,59-61). Le grand prètre se leva et lui dit : Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens témoignent contre toi ? Mais Jésus se taisait (Mt 26,62-63a). En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l'interrogea : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus lui répliqua : Tu le dis. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : N'entends-tu pas tout ce qu'ils allèguent contre toi ? Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l'extrême étonnement du gouverneur (Mt 27,11-14). Quel sujet d'étonnement en effet, même pour des gens moyennement doués : l'accusé, victime du faux témoignage, pouvait se défendre, prouver qu'aucune charge ne l'atteignait, faire un long panégyrique de sa propre vie et de ses miracles, manifestement venus de Dieu, pour frayer au juge la voie d'une sentence favorable : bien loin de le faire, il n'eut que mépris et noble dédain pour ses accusateurs. Et que le juge, à la moindre défense, eût sur-le-champ libéré Jésus, c'est ce que montrent soit la parole qu'on rapporte de lui : Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ou Jésus qu'on appelle Christ ?, soit ce qu'ajoute l'Écriture : Il savait qu'on l'avait livré par jalousie (Mt 27,17s). Or Jésus ne cesse d'être en butte aux faux témoignages, et il n'est pas d'instant, vu la malice qui règne chez les hommes, où il ne soit accusé. Et lui, aujourd'hui encore, se tait devant ces attaques et ne répond point de sa propre voix ; mais il a sa défense dans la vie de ses véritables disciples, témoignage éclatant des faits réels, victorieux de toute calomnie, et il réfute et renverse les faux témoignages et les accusations.'' 
  • Origène  Cels.  7, 55  ''Après la liste de ces grands hommes, il [Celse] ajoute : Qu'est-ce que votre Dieu a dit de pareil dans son supplice ? On peut lui répondre : son silence au milieu des coups et des nombreux outrages (cf. Mt 26,63) manifeste plus de fermeté et de patience que toutes les paroles dites par les Grecs soumis à la torture [...] Même insulté et revêtu de la robe pourpre, la couronne d'épines autour de la tête et à la main le roseau en guise de sceptre (cf. Mt 27,14.28s.39), il garda une extrême douceur sans une parole vulgaire ou indignée contre les auteurs capables de ce forfait.''

27,39–43  Argument prophétique Dans ce passage de 1 Apol., Justin fait parler 'l'Esprit prophétique à propos du Christ' :

  • Justin le Martyr 1 Apol. 38,6-8 "Et de même, lorsqu'il dit : Ils ont grimacé des lèvres, ils ont hoché la tête, en disant : Qu’il se sauve lui-même !, vous pouvez apprendre que toutes ces choses sont arrivées au Christ par les Juifs. Car tandis qu’il était crucifié, ils remuaient les lèvres et hochaient la tête (cf. Mt 27,39): Toi qui as éveillé des morts, sauve-toi toi-même ! (cf. Mt 27,42)"

Dans la suite de son commentaire du Ps 21 qui décrit toute l'économie du salut, Justin poursuit sa démonstration du lien entre l'Écriture et le Christ :

  • Justin le Martyr Dial. 101,3 "Car ceux qui le regardaient crucifié, et hochaient chacun la tête, et remuaient les lèvres et, reniflant des narines de l’un à l’autre, ils disaient pour ironiser — ce qui est écrit aussi dans les Mémoires des apôtres — : 'Il se disait fils de Dieu, qu’il descende et marche ; que Dieu le sauve'!"
  • Tatien  Ev. Conc. "Il a vivifié celui-ci, et il ne peut se vivifier lui-même... Il en a délivré d’autres, et il ne peut se délivrer lui-même (cf. Mt 27,42)."
  • Ac. Pil. 10,5 "Mais les Juifs qui se tenaient [là] et voyaient, se riaient de lui et disaient : Si vraiment tu disais que tu es fils de Dieu, descends de la croix, et aussitôt, pour que nous croyions en toi (cf. Mt 27,42s) ! D’autres disaient, en se riant : Il en a sauvé d’autres, il en a guéri d’autres... et il ne peut se guérir lui-même (cf. Mt 27,41) !"

27,46 Eli, Eli... Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Argument prophétique

Justin montre que le Ps 21 a été dit du Christ 'dès les temps anciens' :

  • Justin le Martyr  Dial.  99,1 "Car, crucifié, il dit : 'Dieu, Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?' "
  • Tatien  Ev. Conc. "Eli, Eli, pourquoi m’as-tu abandonné ?" ms B de la traduction arménienne "El, El, pourquoi m’as-tu abandonné ?"
Exégèse gnostique

Irénée rapporte l'exégèse gnostique :

  • Irénée de Lyon  Haer. 1,8,2 ''Quant aux passions subies par Achamoth, le Seigneur, assurent-ils, les a manifestées. Ainsi, en disant sur la croix : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? (Mt 27,46c), il a fait connaître que Sagesse avait été abandonnée par la lumière et arrêtée par Limite dans son élan vers l'avant...''

Contexte

Littérature péritestamentaire

27,34 vinaigre mêlé de fiel  L'auteur de l'évangile de Pierre cite de près le Ps 68,22, reconnu par la tradition comme texte prophétique de la Passion, pour montrer son accomplissement — le mélange de fiel et de vinaigre se trouve seulement en Mt 27,34, suivant de près le Ps 68,22 : 'Ils me donnent du fiel (cholên) pour nourriture et pour ma soif ils me font boire du vinaigre (oxos)' :

Réception

Tradition chrétienne

27,24s ; 28,1 commence à lui le premier jour de la semaine. je suis innocent du sang de ce juste. son sang sur nous Prière pour Israël pendant la vigile pascale 

  • Const. ap.  5,19,3-4  ''Jusqu'à ce que commence à luire le premier jour de la semaine (Mt 28,1), c'est-à-dire le dimanche, restez éveillés, depuis le soir jusqu'au chant du coq, et, rassemblés dans l'église, veillez, en priante et en invoquant Dieu pendant votre veille, en lisant la Loi, les Prophètes et les Psaumes jusqu'au chant du coq ; puis après avoir baptisé vos catéchumènes, lu l'Évangile avec crainte et tremblement et prêché au peuple le salut, mettez fin à votre deuil et priez Dieu qu'Israël se convertisse et que lui soient donnés une occasion de conversion (cf. He 12,17) et le pardon de son impiété. Parce que le juge étranger s'était lavé les mains en disant : Je suis innocent du sang de ce juste, voyez vous-mêmes (Mt 27,24), Israël s'écria : Son sang sur nous et sur nos enfants (Mt 27,25).''

27,34 ils lui donnèrent ... du vinaigre mêlé de fiel Accomplissement des Écritures

  • Irénée de Lyon  Epid. 82 ''Lorsqu'ils l'eurent crucifié, comme il demandait à boire, 'ils lui présentèrent du vinaigre mêlé de fiel' (Mt 27,34). Cela même avait aussi été prédit par la bouche de David : 'Ils m'ont donné du fiel pour ma nourriture et, dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre' ( Ps 68,22).''
  • Méliton de Sardes  Pascha 79,573-574 ''Lors de l'immolation du Seigneur, vers le soir, tu préparas des clous pointus [...] du vinaigre et du fiel (Mt 27,34).''
  • Méliton de Sardes  Pascha 80,582-583 ''Tu buvais du vin et mangeais du pain, mais lui du vinaigre et du fiel (Mt 27,34).''
  • Const. ap.  5,6,9  ''...après avoir été flagellé, il fut cloué à la croix, on lui fit boire du vinaigre et du fiel (Mt 27,34), et après avoir accompli toutes les Écritures...''

27,34s.38.45s.50.60  Récit de la Passion Le compilateur de CA a repris en partie à la Didascalie une chronologie qui lui est particulière  :

  • Const. ap.  5,14,14-17  ''Les bourreaux se saisirent du Seigneur de gloire (cf. 1Co 2,8) et le clouèrent au bois ; à la sixième heure (cf. Jn 19,14) ils le crucifièrent (cf. Mt 27,35), mais ils avaient obtenu la sentence le concernant à la troisième heure (cf. Mc 15,25) ensuite ils lui donnèrent à boire du vinaigre avec du fiel (Mt 27,34), puis ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort (Mt 27,35) ; ensuite ils crucifièrent deux malfaiteurs avec lui (Mt 27,38 ; Lc 23,33), de chaque côté, afin que s'accomplît ce qui est écrit (cf. Jn 19,24) : Ils m'ont donné comme aliment du fiel et pour la soif ils m'abreuvèrent de vinaigre ( Ps 68,22). Et encore : Ils se sont partagé mes vêtements et sur ma tunique ils ont jeté le sort (Ps 21,19 ; Jn 19,24). Et ailleurs : Et il fut compté avec les mauvais (Is 53,12 ; Mc 15,28). Puis ce furent les ténèbres pendant trois heures, de la sixième à la neuvième heure (Mt 27,45), selon qu'il est écrit : Et il n'y aura ni jour ni nuit, mais le soir, la lumière (Za 14,7). Et vers la neuvième heure Jésus poussa un grand cri et dit au Père : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? (Mt 27,46) Et peu après il cria d'une voix forte (Mt 27,50) : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23,34). Puis il ajouta : Entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23,46 ; Ps 30,6), il expira et il fut enseveli avant le coucher du soleil dans un tombeau neuf (Mt 27,60).''

28,1 vers le premier jour de la semaine Accomplissement de la prédiction du Seigneur

  • Const. ap.  5,14,18  ''À l'aube du premier jour de la semaine (Mt 28,1), il ressucitait des morts, accomplissant ce qu'il nous avait prédit avant sa Passion, quand il disait : Il faut que le Fils de l'homme passe dans le coeur de la terre trois jours et trois nuits (Mt 12,40).''

27,52s de nombreux corps de saints... ressuscitèrent   Le Christ descend en enfer pour libérer les saints captifs : 

  • Origène  Comm. Rom.  5,1,36-37  ''Mais le Christ est descendu en enfer, non seulement pour ne par être lui-même détenu par la mort (cf. Ac 2,24), mais pour en retirer aussi ceux qui étaient en ce lieu, non pas tant par suite d'une faute de désobéissance, que par leur condition mortelle, comme il est écrit : De nombreux corps de saints qui dormaient, resuscitèrent avec lui et entrèrent dans la cité sainte (Mt 27,52-53). En cela sont accomplies aussi les paroles du prophète qui dit, en parlant du Christ : Montant dans les hauteurs, il a emmené des captifs (Ps 67,19). Et de cette manière, par sa résurrection, il a certes déjà détruit le royaume de la mort ; c'est pourquoi il est écrit qu'il a libéré des captifs.''

Cf. Tradition chrétienne Mt 12,29 Origène

  • Épiphane de Salamine  Haer. 46,5  "Et ressuscitèrent en effet beaucoup de corps des saints, comme il est écrit dans l'évangile, et ils entrèrent avec lui dans la ville sainte. (Mt 27,52b-53a)"
  • Épiphane de Salamine  Haer.  75,8 "Comme dit le saint évangile : Beaucoup de corps de saints ressuscitèrent et entrèrent avec lui dans la ville sainte (Mt 27,52b-53a)."

Littérature

28,7 Il est ressuscité d'entre les morts Résurrection Stig Dagerman - existentialiste suédois : l'homme peut cesser « de craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine. » (Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, 1952)

Liturgie

27,66 Principes sacerdotum

Antienne et Cantique "Principes" Magnificat

Ténèbres au tombeau - Vêpres: Antienne et Cantique "Principes" Magnificat, (CD, 2005)

Dom Jean Claire, Choeur Des Moines de L'Abbaye De Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Mt 27,66

Islam

27,50 D'après le Coran, Jésus n'est pas mort

  • Coran 4,157-158 : "Ils ont dit : 'Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie, le Prophète de Dieu'. Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi. Ceux qui sont en désaccord à son sujet restent dans le doute ; ils n’en ont pas une connaissance certaine ; ils ne suivent qu’une conjecture ; ils ne l’ont certainement pas tué, mais Dieu l'a élevé vers lui : Dieu est puissant et juste'."

Les "versets de la crucifixion" évoquent un thème qui n'est clairement pas central dans le Coran ou dans l'islam. La question de la crucifixion s'inscrit d'ailleurs avant tout comme un élément d'une polémique anti-juive. En effet, les versets qui précèdent condamnent les Juifs et les versets qui suivent les accusent également. La mise à mort de Jésus y fait échos au thème de l'assassinat des prophètes par les juifs qui ont le coeur "incirconcis" (Coran 4,153). La crucifixion telle qu'elle est racontée dans le Coran répond à un double objectif qui correspond à deux polémiques que l'islam entretient avec les Juifs et les Chrétiens :

  • Polémique contre les Juifs : les versets de la crucifixion de Jésus rappelle la violence des Juifs contre les prophètes et les envoyés de Dieu. Ils rappellent également leur impuissance puisqu'ils n'ont pas réussi à tuer Jésus et qu'ils sont victimes d'une illusion. Ils font également preuve d'orgueil puisqu'ils se vantent d'avoir tué un prophète. 
  • Polémique contre les Chrétiens : la question de la mort et de la résurrection de Jésus étant un élément central la divinité du Christ chez les Chrétiens, l'affirmation selon laquelle Jésus n'est pas mort sur la croix est centrale pour contester l'idée d'une divinité de Jésus. Cette polémique contre les Evangiles canoniques semble s'être appuyée sur une littérature péri-testamentaire gnostique comme Ac. Jn.. Les auteurs musulmans ont donc accusé les quatre Evangiles d'être des falsifications de la vérité dont certains apocryphes sont témoins. L'hypothèse d'un lien entre Coran 4,157-158 et la littérature péri-testamentaire est renforcée par l'obscurité de la formulation que D. Masson traduit par "cela leur est seulement apparu ainsi" et qui en arabe est "shubbiha lahum" difficilement traduisible mais dont le sens précis est également discuté (le sens global d'une illusion quant à la crucifixion ne fait pas débat). Les orientalistes ont en effet rapproché cette expression des phrasés que l'on peut trouver dans Ac. Jn.

Les histoires des prophètes et l'exégèse coranique ont proposé plusieures explications concrètes à l'idée obscure proposée par l'expression "shubbiha lahum". Plusieurs (notamment Tabari) ont proposé que celui qui donne l'impression d'être Jésus était un compagnon qui lui ressemblait. Les Juifs auraient alors crucifié celui qui ressemblait à Jésus et les disciples auraient été victimes aussi de l'illusion. D'autres, comme al-Maturidi, ont proposé que l'image ressemblant à Jésus aurait été un juif crucifié à sa place. Une autre solution, très populaire, consiste à dire que Judas fut rendu semblable à Jésus et fut crucifié à sa place. Cette version a été popularisé par l'Evangile de Barnabé (Év. Barn). 

Le Coran estime enfin que la crucifixion est un châtiment indigne d'un prophète puisque c'est une peine infâmante que Pharaon prononçait contre ses ennemis. 

Tradition chrétienne

27,31s.35 pour le crucifier. à porter sa croix. l'ayant crucifié Esquisse d'une réflexion théologique et symbolique du mystère de la croix

Convenances de la croix

L'obéissance par la croix face à la désobéissance par l'arbre et le symbole cosmique de la rédemption

L'obéissance du Fils de Dieu par le moyen du bois de la croix détruit la désobéissance d'Adam perpétrée au moyen du bois et la préfiguration cosmique de la croix : le Verbe imprimé en forme de croix dans l'univers devenu visible sur la croix :

  • Irénée de Lyon  Epid.  33-34  ''Et la transgression qui s'était perpétrée par le moyen du bois fut détruite par l'obéissance qui s'accomplit par le moyen du bois, cette obéissance par laquelle le Fils de l'homme obéit à Dieu lorsqu'il fut cloué au bois, abolissant par là la science du mal (cf. Gn 3,5) et procurant la science du bien [...] Donc par l'obéissance (cf. Rm 5,19) par laquelle il a obéi jusqu'à la mort (cf. Ph 2,8) en pendant au bois (cf. Ga 3,13), il a détruit l'antique désobéissance qui s'était perpétrée par le moyen du bois (cf. Gn 3,6). Et, parce que lui-même est le Verbe du Dieu tout-puissant, Verbe qui, au plan invisible, est coextensif à la création tout entière et soutient (cf. Sg 1,7) sa longueur et sa largeur et sa hauteur et sa profondeur (cf. Ep 3,18) — car c'est par le Verbe de Dieu que l'univers est régi —, il fut aussi crucifié (cf. Mt 27,35) en ces quatre dimensions, lui, le Fils de Dieu qui se trouvait déjà imprimé en forme de croix dans l'univers : il fallait en effet que le Fils de Dieu, en devenant visible, produisît au jour son impression en forme de croix <dans> l'univers, afin de révéler, par sa posture visible de crucifié, son action au plan <in>visible, à savoir que c'est lui qui illumine la hauteur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les cieux (cf. Col 1,20), qui soutient la profondeur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les régions de dessous la terre (cf. Ep 4,9), qui étend la longueur depuis le Levant jusqu'au Couchant (cf. Mt 24,27), qui dirige à la manière d'un pilote la largeur du Pôle et du Midi, et qui appelle de toutes parts les dispersés (cf. Is 11,12 ; Jn 11,52) à la connaissance du Père.''
  • Irénée de Lyon  Haer. 5,17,4  ''Puisque nous l'avions perdu par le bois, c'est par le bois qu'il est redevenu visible pour tous, montrant en lui-même la hauteur, la longueur et la largeur (cf. Ep 3,18)...''
  • Irénée de Lyon  Haer.  5,18,3  ''Car l'Auteur du monde, c'est en toute vérité le Verbe de Dieu. C'est lui notre Seigneur : lui-même, dans les derniers temps, s'est fait homme, alors qu'il était déjà dans le monde (cf. Jn 1,10) et qu'au plan invisible il soutenait toutes les choses créées (cf. Sg 1,7) et se trouvait imprimé en forme de croix dans la création entière, en tant que Verbe de Dieu gouvernant et disposant toutes choses. Voilà pourquoi il est venu de façon visible dans son propre domaine (Jn 1,11), s'est fait chair (Jn 1,14) et a été suspendu au bois (cf. Ac 5,30.10,39 ; Ga 3,31 ; Dt 21,22s), afin de récapituler toutes choses en lui-même (cf. Ep 1,10).''

Il semble qu'Irénée fasse allusion à un mot de Platon tel que le cite Justin le Martyr  1 Apol. 60, 1 '' Ce que Platon dit dans le Timée (cfPlaton  Tim. 36B) en dissertant sur la nature du Fils de Dieu, à savoir qu'Il l'a imprimé en forme de croix dans l'univers, c'est encore à Moïse qu'il l'a emprunté...'' Il faut encore comprendre que dans la pensée d'Irénée pour le Logos divin, être imprimé en forme de croix dans l'univers, n'est pas autre chose qu'être présent, d'une présence créatrice, continuelle, directrice et illuminatrice, à cet univers dans sa totalité de ses dimensions.

Autres raisons données par Athanase

Athanase reprend une autre symbolique très antique, connue aussi d'Irénée (cf. Irénée de Lyon Haer.  5,17 4), des mains étendues rassemblant les deux peuples  et le thème de la purificaiton de l'air :

  • Athanase d’Alexandrie  Or. incarn.  25,1-16.26,1  ''...pourquoi il ne subit pas une autre mort mais celle de la croix, qu'il apprenne à son tour que c'était précisément cette forme de mort qui tournait à notre avantage, et c'est elle que le Seigneur accepta non sans raison pour nous. [...] si la mort du Seigneur est une rançon pour tous, et que cette mort renverse la barrière de séparation, et que se réalise la vocation des Gentils, comment nous aurait-il appelés, s'il n'avait pas été crucifié ? Car c'est seulement sur la Croix que l'on meurt les mains étendues. Aussi convenait-il que le Seigneur subît cette mort et étendît les mains : de l'une il attirerait l'ancien peuple, de l'autre les Gentils, et il réunirait les deux en lui. Et cela, lui-même l'a dit, en indiquant par quelle mort il rachèterait tous les hommes : quand je serai élevé, je les attirerai tous à moi (Jn 12,32). De plus, si l'ennemi de notre race, le diable, tombé du ciel, erre dans les régions inférieures de l'air, et s'il y exerce son empire sur les démons qui l'entourent et qui lui ressemblent par la désobéissance [...] l'Apôtre dit à ce sujet : Selon le prince de l'empire de l'air (Ep 2,2) [...] Le Seigneur est donc venu pour abattre le diable, purifier l'air, et nous ouvrir le chemin qui fait monter au ciel, comme le dit l'Apôtre : à travers le voile, c'est-à-dire sa chair (He 10,20), et cela devait se faire par la mort; mais par quelle mort, sinon celle arrivée dans les airs, je veux dire par la croix ? Seule meurt dans les airs, celui qui meurt sur la croix. C'est donc avec raison que le Seigneur a subi celle-là. Ainsi, élevé de terre, il a purifié l'air de toutes les machinations du diable et des démons [...] mais il a recréé le chemin qui monte vers les cieux, en frayant la route [...] Car le Verbe lui-même n'avait pas besoin qu'on lui ouvrît les portes (cf. Ps 23,7), lui qui est le Seigneur de tous : aucune des créatures n'était fermée pour leur créateur ; mais c'est nous qui en avions besoin, nous qu'il a porté vers les hauteurs grâce à son propre corps. Car de même qu'il l'a livré pour tous à la mort, de même il a frayé par lui la route qui fait monter vers les cieux. La mort pour nous sur la croix fut donc sensée et adaptée : la cause en paraît raisonnable à tout point de vue, et se fonde sur des arguments valables : ce n'est pas autrement que par la croix que devait s'opérer le salut de tous. En effet, même ainsi il refusa de se rendre invisible sur la croix, mais il a fait témoigner la création tout entière de la présence de son créateur ...''

Symbole cosmique 

Extension cosmique de l'oeuvre de la rédemption

L'explication cosmique de la croix, enracinée en Jn 12,32 et Ep 3,18s, thème très ancien, repris et enseigné par Irénée via Justin,  s'est répandue dans l'antiquité chrétienne : 

  • Méliton de Sardes  Pascha   96  ''Celui qui suspendit la terre est suspendu, celui qui fixa les cieux est fixé, celui qui consolida tout est retenu sur le bois, celui qui est Maître est outragé.'' (117)
  • Méliton de Sardes  Frag.  Du Logos sur la croix 14,12-14  ''Il se tenait devant Pilate et il était assis avec son Père : il était fixé au bois et il soutenait l'univers.'' (241)
  • → Origène  Hom. Gen.  2,5,6-8  ''L'Apôtre, en un passage où il parlait du mystère de la croix plus mystiquement, a cette parole : Afin que vous connaissiez la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur (Ep 3,18).'' (99)

L'homélie suivante est inspirée d'Hippolyte. Il décrit la fonction consolidatrice de la croix :

  • Hom. pasc.  50-51,8-10    ''Et en conséquence, à la place du bois plantant le bois, à la place de la main perverse qui s'était tendue autrefois dans un geste d'impiété clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, il a montré en sa personne toute la vraie vie pendue [à l'arbre]. [...] Cet arbre m'est une plante de salut éternel [...] c'est l'échelle de Jacob et le chemin des anges, au sommet duquel le Seigneur est vraiment appuyé. Cet arbre aux dimensions célestes s'est élevé de la terre aux cieux, se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de toutes choses et appui de l'univers, support de toute la terre habitée et joint du monde, tenant assemblée la variété de la nature humaine et cloué par les chevielles invisibles de l'Esprit, afin qu'ajusté au divin, il n'en soit plus détaché. Touchant par son faîte le sommet des cieux, affermissant la terre par ses pieds, et étreignant de tous côtés par ses mains immenses l'esprit nombreux de l'air entre ciel et terre, il était tout entier en tout et partout.''(176-178)
  • Grégoire de nysse  Hom. pasc.  2,7  ''Il revient au seul grand Paul, [...] d'expliquer ce mystère, tout comme dans un passage de son épître aux Éphésiens il a dévoilé ce secret en disant : Afin d'avoir la force de comprendre avec tous les saints ce qu'est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3,18s). Cet oeil divin de l'Apôtre n'a pas médité en vain sur la forme de la croix [...] Il a vu dans cette forme, constituée de quatre bras partant de son centre, l'image de la puissance universelle et de la providence de celui qui est apparu en elle. [...] il indique clairement qu'il n'est rien au monde qui ne soit soutenu par la nature divine [...] puissance qui supporte l'univers. [...] le grand Apôtre dit que celui qui est au-dessus de tout nom (Ph 2,10) est adoré sous le nom de Jésus-Christ, dans les cieux, sur la terre et sous la terre (Ph 2,10). Là encore, à travers ces paroles, il répartit l'adoration du Christ selon la forme de la croix : la région céleste adore le Seigneur dans la partie supérieure de la croix, la région du monde dans le milieu, tandis que la région souterraine s'attache au bas de la croix.'' (65-67)
  • Grégoire de Nysse  Or. catech.  32,36-57   ''D'autre part, la croix renferme-t-elle encore quelque enseignement plus profond ? C'est ce que pourraient savoir ceux qui sont experts dans le dévoilement du sens caché. Voici ce qui, à ce sujet, nous vient de la tradition. [....]  En effet, c'est le propre de la divinité de pénétrer toutes choses et de se répandre dans toutes les parties de la nature des êtres vivants : car rien ne saurait subsister dans l'être, sans rester en celui qui est ; et la nature divine est ce qui est au sens propre et premier, elle que la permanence des être créés nous oblige à croire présente dans tous les êtres. Par la croix, dont la forme en elle-même est quadripartite, si bien qu'à partir du centre où se trouve le point de convergence de l'ensemble, on peut compter quatre prolongements, nous apprenons que celui qui y fut étendu au moment où se réalisait l'économie selon la mort, est celui-là même qui relie et ajuste à lui-même l'univers...'' (289-291)

27,46 Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'avez vous abandonné ? Clamavit Jesus voce magna dicens : Eli, Eli, lamma sabacthani : inscription médiévale.

13e siècle :

  • France, Angers (49), église des Dominicains, épitaphe de l'évêque Michel Villoiseau : "Clamasti ter : Heli" CIFM 24, 52.

27,33–56 Crucifixion. Vita crucis ligno : inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Italie, Monreale (Sicile), cathédrale, transept : - Jhesus ductus ad crucis pasionem - Crucifixio Jesu Christi  - Descensio corporis Christi -Corpus Christi ponitur in sepulcro -Resurectio Christi" Demus 1970, 162.
  • Mi 12e: Le Puy, cathédrale, porte Saint-Gilles : "Vita crucis ligno patitur discrimina mortis" CIFM 18, 114.

27,1–66 La mort de Jésus. Clamans voce magna : inscriptions médiévales.

15e siècle : 

  • Vers 1400 : Allemagne, Lüneburg, Kloster Ebstorf, vitrail : "jhesus pendens in cruce tradidit spiritum" DI 76, n° 27, 87.
  • Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, cathédrale, croix : "clamans voce magna emisit spiritum"  DI 26, n° 36, 45.
  • 4e quart du 15e s. :  Allemagne, Hanovre Musée Auguste Kostner, antependium : "Jhesus clamans voce magna emisit spiritum" DI 76, n° 62, 142.

27,60 La mise au tombeau. in momento suo : inscription médiévale.

16e siècle : 

  • Vers 1500 : France, Allemans-du-Dropt (47), église, peintures murales : "in monumento suo novo quod exciderat (in petra)" Mesuret 1967, 113-114.

28,5 L'Ange prit la parole et dit aux femmes : pour vous ne craignez pas ;  Angelus dixit mulieribus : Nolite timere vos : inscription médiévale.

9e siècle :

  • Allemagne, Berlin, Kaiser-Friedrich Museum, fragment de reliure, ivoire : "Ubi angelus Domini dixit mulieribus" 

28,6 Il n'est point ici ; il est récussité. Non est hic : inscription médiévale

13e siècle : 

  • Fin 12e-début 13e s. : Allemagne, Bonn, Münster, peintures : "Non est hic s..." DI 50, n°28, 43.
  • Vers 1240 : Pologne, Wrocław, Bibliothèque Universitaire, Ms. IF 440, Psautier de Trzebnica, fol. 98, phylactère : "Resurexit Dominus sicut dixit vobis non est hic"

14e siècle : 

  • 2e quart du 14e s. : Allemagne, Schloss Harburg, Ottingen-Wallerstein' she Kunstsammlungen,  ivoire, Saintes femmes au tombeau, Ange, phylactère : "SURRECIT NON EST HIC"  

15e siècle :

  • Vers 1430 : Allemagne, Nuremberg, German Nationalmuseum, antependium : "surrexit Dominus alleluia sicut dixit allelluia" DI 43, n° 184, 155.

28,9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre disant : je vous salue. Et ecce Jesus occurrit illis, dicens  : Avete : inscription médiévale.

12e siècle :

  • Vers 1155 : Angleterre, Londres, British Library, Add. Ms. 17738, Bible de Floreffe, fol. 79v° : "Avete" (et les 3 Marie)

Liturgie

28,2.5s Angelus Domini

Offertoire "Angelus Domini"

Offertore - Angelus Domini

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,2.5s

Contexte

Littérature péritestamentaire

27,46 Ce verset de l'évangile apocryphe de Pierre pose plusieurs problèmes quand on le compare avec les évangiles canoniques. La citation du Ps 21,2 est très différente : Dieu est remplacé par force — l'intention de l'auteur est de montrer que le Seigneur n'est pas abandonné de Dieu — et le cri n'est plus une question mais un constat : 'tu m'as abandonné!' Ensuite, l'expression 'il fut élevé' ou 'il fut enlevé'

  • Ev. P. 19 ''Et le Seigneur cria en disant : 'Ô ma force, ô force, tu m’as abandonné (cfPs 21,2Mt 27,46; Mc 15,34) !' Et après avoir parlé, il fut élevé."

Réception

Liturgie

28,7 In die resurrectionis

Alleluia "In die resurrectionis"

Alleluia - In die resurrectionis

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,7

28,6 Surrexit Dominus de Sepulchro

Alleluia "Surrexit Dominus de Sepulchro"

Alleluia - Surrexit Dominus de sepulchro

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 28,6

Musique

27,45s.50 L'obscurité se fit

17e s.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Tenebrae factae sunt, H129, 1690

Michel Corboz (dir.), Orchestre de la Foundation Gulbenkian de Lisbonne, Philippe Huttenlocher (basse)

© Licence YouTube standard→, Mt 27,45s.50 Lc 23,44ss

Paroles

Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.

Les ténèbres se firent après que les Juifs crucifièrent Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Et, après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains, je remets mon esprit. Et après avoir incliné la tête, il expira. 

Compositeur

Marc-Antoine Charpentier, né en Île-de-France en 1643 et mort à Paris le 24 février 1704, est un compositeur et chanteur baroque français. Sa musique est issue d'un mélange des styles français et italien, auxquels elle emprunte de nombreux éléments. Il a composé des œuvres sacrées telles que des oratorios, des messes, des psaumes, des magnificats. Il a également composé plusieurs opéras, des sonates, préludes pour orchestre, des noëls instrumentaux.

Arts visuels

27,57–61 Jésus mort descendu de la croix.

17e s. : la Piétà vue par Nicolas Poussin et Seghers Daniel

Piétà en pied

Nicolas Poussin (1594-1665), Descente de Croix, (huile sur toile, ca 1626), Descente de Croix, 119 × 98 cm, Collection d'Heinrich von Brühl,

Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg © Wikicommons→

Plan rapproché

Nicolas Poussin (1594-1665), Seghers Daniel (1590-1661), Piéta, (huile sur toile, ca. 1626-1627), Pendant de la Vierge à l'enfant de Brighton, redécoupé, 57,5 × 48,5 cm

Musée Thomas-Henry, Cherbourg © Wikicommons→

La décoration florale est attribuée à Daniel Seghers.

20e s.

Voici une nouvelle Pietà au pied de la Croix avec la sainte mystique qui se substitue à la Vierge.

George Desvallières (1861-1950), Sainte Thérèse d’Avila, Pietà, (Huile et essence sur papier marouflé sur toile, 1929), 89 x 108,5 cm, Collection particulière, Paris © SEBERT→

En 1927, le projet d’illustration de sainte Thérèse d’Avila de Louis Bertrand (CR 1991) est envisagé et l’artiste compose et expose alors un cycle sur la sainte mystique. Ce grand panneau représente une nouvelle Pietà au pied de la Croix avec la sainte mystique qui se substitue à la Vierge. Le peintre doublement inspiré avec CR 1992, peint la carmélite qui tient à nouveau le Christ descendu de la Croix dans ses bras, avec une compassion et une tendresse dignes d’une mère. Il lui donne les traits de sa fille Sabine qui partage désormais la vie d’une communauté de Clarisses.

Une phrase de Louis Bertrand n’est pas passée inaperçue aux yeux de l’artiste : « D’autres, sans aucun doute, avant elle et depuis elles ont osé dire la même chose. Mais aucune n’a jamais apporté de preuves aussi fortes à l’appui de son témoignage » (Bertrand, p. 20). Exposé aussi chez Druet en 1929 et intitulée Sainte Thérèse d’Avila. – « Je l’ai tenu dans mes bras comme la Vierge de la cinquième angoisse », elle sera présentée au Salon des Tuileries au printemps et à la dernière grande rétrospective de 1937. Ce cycle, réalisé avant la décision des commanditaires, ne fut pas retenu pour l’illustration du livre (cf. Président de la société Les Exemplaires, 19 février 1929).

Dans la revue L’Art sacré de mars-avril 1948, le père Couturier choisit de reproduire cette œuvre pour illustrer son article sur l’art religieux, « Bilan de l’époque 1920-1940. Réalisations. » En 1984, dans le catalogue de l’exposition au Japon, s’il est dit, à propos de ce tableau, que le peintre s’inspire encore de Gustave Moreau, il est ajouté qu’il a trouvé sa voie personnelle : « Ce tableau est très représentatif du style de Desvallières, à l’âge mur qui se caractérise par une manière proche de l’expressionisme en un sens tragique qui fait penser aux compositions de Grünewald ou du Greco » (p. 56).

27,54 le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus Hommes de guerre et Crucifié

20e s.

George Desvallières (1861-1950), La guerre, (Illustration, 1934), 18,4 x 13,8 cm

Collection particulière, Paris, © Succession Desvallières.

Illustration pour le livre de Monsieur Vincent (p.19)  illustrant le chaos de la guerre autour de la croix du Christ.

27,52s La résurrection des morts

20e s.

George Desvallières (1861-1950), La Résurrection des morts, (Huile sur toile marouflée, ca. 1944), 125 x 163 cm

Collection particulière, France © SEBERT→

L’artiste imagine en plusieurs dimensions et sur différents supports la résurrection des morts qu’il avait déjà traitée dans les années 1930 et où il s’était représenté avec son épouse Marguerite (CR 2362-2364). Cette dernière œuvre en largeur, après les quatre esquisses précédentes, fait apparaître un couple plus jeune et apporte des couleurs plus chaleureuses. Le jeune homme vient tirer de la tombe un proche qu’il prend dans ses bras dans une ambiance apocalyptique, avec le réalisme des grands blocs des pierres tombales éparses et ouvertes. La luminosité des rayons qui tombent en biais sur la scène et quelques fleurs parsemées dans la nuit font naître l’espérance.

27,51 Sur le tabernacle vivant

Installation contemporaine

Zogmayer Leo (1949- ), 2015, Eglise Dornbarcher, Vienne (Autriche)

Droits réservés © terredecompassion →

En 2015, l’église Dornbarcher a vu son crucifix disparaître durant quelques mois, dissimulé derrière l’œuvre monumentale que l’artiste Leo Zogmayer a positionnée en amont du maître-hôtel — un voile blanc, déployé dans cet espace habituellement réservé aux représentations de la passion. Une marque rougeâtre vient trancher le mur de tissu en plein cœur, faisant écho aux souffrances endurées par le Christ en même temps qu’à son essence céleste, rendue visible dans la chair humaine pour le bien de tous. Quant à ce qui demeure caché derrière l’étoffe, cela renvoie à cette part d’invisible insaisissable qui participe de la foi chrétienne — les mystères divins que l’œil humain ne peut connaître mais qu’une ouverture du cœur peut pénétrer. (V.L.)

27,50 Crucifixion

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Crucifixion, (Huile sur toile marouflée, ca. 1937), 320 x 346 cm, Panneau central

Chapelle de l'ancien grand séminaire, Meaux © Succession Desvallières→.

Au fond, de part et d’autre du grand crucifix, dans un halo de lumière intense, le peintre déploie en symétrie deux scènes bibliques : la Présentation au Temple (2399a) à gauche, offrande de l’Enfant-Jésus au sanctuaire par Marie et Joseph, dont on connait la première esquisse (2398) et le Sacrifice d’Abraham (2399c) à droite, où le patriarche est prêt à offrir son fils Isaac (Gn 22,1-19). Le père Régamey, quand il découvre l’œuvre, admire « deux grands actes d’offrande et de sacrifice en beau rapport avec la messe et bien choisis pour la méditation de futurs prêtres ». Effectivement, les deux évènements rapportés préfigurent le don du Christ sur la croix, qui se renouvelle par l’intermédiaire du prêtre dans le mystère de l’eucharistie. Sur les côtés et en partie inférieure du panneau, Desvallières peint des draperies et des symboles.

27,45s Douzième station : Jésus meurt sur la Croix

20e s.  George Desvallières (1861-1950)

1930

George Desvallières (1861-1950), Douzième station : Jésus meurt sur la Croix, (Huile sur toile marouflée, 1930), 150 x 361 cm

Eglise Sainte-Barbe, Wittenheim (Haut-Rhin) © P.Lemaitre→

Sommet de tout le Chemin de Croix, la douzième station, sur le bas-côté droit de la nef, présente le Christ crucifié entre les deux larrons, devant le ciel noir de Jérusalem zébré d’éclairs terrifiants. Les regards du Christ et du bon larron sont tournés vers le ciel. Le second larron à droite laisse pencher sa tête vers le sol. Dans son article de 1933, le père Couturier choisit cette illustration pour parler entre autres des stations « magnifiques » du Chemin de Croix d’Alsace de son maître qui, pour lui, sont plutôt « de grandes esquisses passionnées ». Il rappelle le premier souci de Desvallières, montrer avant tout combien le Christ a souffert pour l’humanité : « Ce n’est pas du tout par parti-pris, nous disait-il, mais il me semble qu’en poussant plus loin, j’affaiblirais l’expression. » (Couturier) Pauline Peugniez, après un tour en Alsace avec un groupe d’élèves d’art sacré, écrira : « Nous voyions ces jours-ci en compagnie d’autres peintres, l’église de Wittenheim, en Alsace, décorée par Monsieur Desvallières et nous revenions de cette visite aussi émus qu’au musée de Colmar qui abrite pourtant l’admirable Gruenewald [sic]. » (Hébert-Stevens). L’abbé Vital Bourgeois, curé des lieux, écrit à Desvallières combien la vue de Christ l’aide dans son difficile ministère. Il trouve dans cette contemplation des « leçons de dévouement, d’amour et de courage jusqu’au bout. » (Bourgeois, 13 février 1939) Une gravure non répertoriée de la Tête du Christ a été éditée (collection du musée Rolin).

1933

George Desvallières (1861-1950), Douzième station de Chemin de Croix : Christ en Croix, (Huile et essence sur papier ocre, ca. 1933), 103 x 51 cm

Musée d’Histoire, Belfort © Succession Desvallières→

Ce beau Christ se détache sur un paysage de ville dévastée sous un ciel bleu outremer. Il est probable que George Desvallières l’ait offert au musée de Belfort après la mort du sculpteur Camille Lefèvre, le 23 mai 1933, ami de l’artiste, vice-président du Salon d’automne. Un don de ses œuvres et de sa collection parvient au musée de Belfort, le 2 octobre 1934, en présence de Madame Camille Lefebvre. « Le legs fait au Musée par le sculpteur Camille Lefèvre et sa femme a été installé dans une salle spéciale, inaugurée le 2 octobre, en présence de Mme Camille Lefèvre et de M. Desvallières, représentant le Salon d’Automne, dont Camille Lefèvre était vice-président. Ce legs comprend un bel ensemble des œuvres de Camille Lefèvre, sculptures, peintures et dessins, et, en outre, des morceaux importants de Rodin et de Dalou ; des peintures de Carrière, Guillaumin, Renoir, Luce et Whistler : des céramiques de Lenoble et de Delaherche. Le tout a été habilement présenté par le conservateur M. Delarbre, qui s’est ingénié déjà à renouveler et rajeunir son musée par l’entrée de nombre d’œuvres d’artistes contemporains des jeunes générations. » (Une salle Camille Lefèvre, Bulletin des Musées de France, 6e année, no9, novembre 1934, Musées Nationaux, p. 188 ; musée de Belfort).

1935

George Desvallières (1861-1950), Douzième station : Jésus meurt sur la Croix, (Huile sur toile marouflée, 1935), 125 x 126 cm

Église du Saint-Esprit, Paris 12e arr. © P.Lemaitre→

La mort du Seigneur encadre, avec les dixième et onzième stations (CR 2336), la grande fresque de l’histoire de l’Église de Jean Dupas. Alors qu’au chemin de croix de l’église Sainte-Barbe de Wittenheim, Jésus et le bon larron tournaient leur visage vers le ciel zébré d’éclairs, ici, le Christ rend son dernier souffle en esquissant un mouvement vers le bon larron qui lui lance un regard suppliant. Sa croix domine toute la composition et à ses pieds la vigne porte des grappes de raisin, symbole de l’espérance invoquée par l’artiste aux pires moments de l’existence.

Musique

28,1–20 De la résurrection du Christ à celle du chrétien

Dans la musique populaire (Folk indie, rock alternatif, pop baroque, Electronica)

Sufjan Stevens, " He Woke Me Up Again", Album Seven Swans, piste 10, CD, Sounds Familyre (prod. Daniel Smith), 2004

Sufjan Stevens – composition and performance ; Laura Normandin – calligraphy ; Rafter Roberts – mastering ; Andrew Smith – drums ; Daniel Smith – vocals, bass guitar, and production at his home studio and the New Jerusalem Rec Room in Clarksboro, New Jersey ; David Smith – drums ; Megan Smith – vocals ; Marzuki Stevens – artwork,

© Licence YouTube standard © D.R. Sufjan Stevens

Paroles

He was, he was in the churchyard — My father was in the first part — He came, he came to my bedroom — But I was asleep —— And he woke me up again to say... —— Halle, halle, hallelujah — Holy, holy is the sound — And I hope, I hope you are tired out — And I know, I know there is joy endowed —— But I was asleep — And he woke me up again — And he woke me up again to say... —— Hold on, hold on to your old ways — Or put off, put off every old face — And I know, I know you are changed out — And I hope, I hope you're arranged out —— But I'm still asleep — And you woke me up again — And I'm still asleep — But you woke me up to be holy.

Il était, il était dans le cimetière — Mon père était dans la première partie — Il est venu, il est venu dans ma chambre — Mais j'étais endormi — Il m'a réveillé pour dire : — Halle Halle Halleluiah — Saint Saint est le son — Et j'espère, j'espère que vous êtes fatigué — Et je sais, je sais qu'il y a de la joie à recevoir — Mais j'étais endormi — Et il m'a encore réveillé— Et il m'a encore réveillé pour dire — Accrochez-vous à vos anciennes habitudes — Ou repousser chaque vieux visage — Et je sais, je sais que tu as changé — J'espère, j'espère que ça va mieux — Mais je suis encore endormi — Et tu m'as encore réveillé — Et je suis encore endormi — Mais tu m'as réveillé pour être saint. 

Littérature

27,55b en le servant Interprétation « féministe » antichrétienne : l’aliénation séculaire des femmes par Jésus

  • Rimbaud Poésies « Les Premières communions » se terminent par ce quatrain : « Christ ! ô Christ, éternel voleur des énergies, / Dieu qui pour deux mille ans vouas à ta pâleur, / Cloués au sol, de honte et de céphalalgies, / Ou renversés, les fronts des femmes de douleur » (65).

Arts visuels

27,1–66 Ecce homo

19e s.

Antonio Ciseri (1821-1891), Ecce homo, (huile sur toile, 1860-1880), 292 x 380 cm

Galleria dell'Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence, © Domaine public→, Jn 19, Mt 27

Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan, à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.

Musique

28,6s Ils ont enlevé mon Seigneur

16e s.

Nicolas Gombert (ca.1495-1556), Tulerunt Dominum meum

Jeremy Summerly (dir.), Oxford Camerata

© Licence YouTube standard→, Jn 20,13 Mt 28,6s

Paroles

Tulerunt Dominum meum et nescio ubi posuerunt eum. Dicunt ei angeli: mulier, quid ploras? Surrexit sicut dixit. Praecedet vos in Galileam, ibi eum videbitis. Alleluia. Cum ergo fleret, inclinavit se, et perspexit in monumentum. Et vidit duos angelos [in albis] sedentes, qui dicunt ei: Praecedet vos in Galileam, ibi eum videbitis. Alleluia.

Ils ont pris mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis. Les anges lui dirent : pourquoi pleures-tu ? C'est arrivé comme il l'avait dit. il vous précède en Galilée, là vous le verrez. Alléluia. Comme elle pleurait, elle se pencha et jeta un regard dans le tombeau. Et elle vit deux anges qui lui dirent : il vous précède en Galilée, là vous le verrez. Alléluia.

Compositeur

Nicolas Gombert est un compositeur de l'école franco-flamande, maître des enfants de chœur de la « chapelle musicale » de Charles Quint et, plus généralement, responsable de cet ensemble vocal, également instrumental, composé (comme partout ailleurs dans les églises européennes) d'hommes adultes professionnels et de garçons (souvent futurs professionnels). Dans ses œuvres sacrées, il porte le procédé d'imitation à un degré élevé d'excellence.

28,1–8 Chant de reconnaissance éperdue de la femme qui a rencontré Jésus Une version burlesque, mais non dénuée de tendresse, de l'action de grâces de la femme rachetée par Jésus se fait entendre au cœur du cinéma comique français des Trente glorieuses. 

Jean Yanne, Jésus Tango, 1972, Michel Magne (texte) Ginette Garcin (chant.)

Bande originale du film de Jean Yanne, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (1972)

LP original Barclay 80.460 © Licence YouTube standard

Paroles

Je vivais comme une ombre —  J'avais les idées sombres —  Faisant partie du nombre —  Des desesperados ——  Je ne savais quoi faire —  Pour chasser ma misère —  Quand on est solitaire —  Aïe, on a froid dans les os — —  Quand dans une chapelle —  Sous la blanche et très belle —  Statue de la douce immaculée Concepción —  J'ai senti la foi naître —  Et au fond de mon être —  Du Seigneur Jésus-Christ —  J'eus la revelación ——  Dans les bras de Jésus —  Maintenant tous les jours je danse —  Et désormais mon existence —  Vaut la peine d'être vécue ——  Dans les bras de Jésus —  Maintenant tous les jours je chante —  Pour moi la vie n'est plus méchante —  Et de joie je suis éperdue —  Dans les bras de Jésus.

Liturgie

27,35 L'ayant crucifié PARALITURGIE reliques de la passion : les saints Clous

Art populaire du 19s.

Art populaire, Clou forgé à l'identique de celui de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome (1855), 30,9 x 35 x 7,5 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Clou forgé à l'identique de celui de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome (1876), 28 x 33,5 x 6,8 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

→Reliques de la passion

Arts visuels

27,27–50 Instruments de la Passion

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Croix avec la lance et l'éponge à l'extrémité de la branche d'hysope (18e s.), reliquaire à papiers roulés, France

© Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Crucifix entouré des instruments de la Passion (début 18e s.), 33,7 x 24,4 x 1,5 cm, Clarisses de Chambéry

© Photo : Trésors de ferveur→

27,31–38 La Crucifixion ou Le Calvaire

17e s.

Malgré le drame de la scène, nul ne semble remarquer l'absence de lumière, excepté l'homme nu se relevant, vêtu d'un drap. Dans cette œuvre figurent les six phénomènes extraordinaires racontés par l'évangile de saint Matthieu.

Nicolas Poussin (1594-1665), La Crucifixion ou Le Calvaire, (huile sur toile, 1645 - 1646), 148 × 218 cm

Wadsworth Atheneum, Hartford (Connecticut) © Wikicommons→

18e s.

Art populaire, Le Crucifix miraculeux des clarisses de Chambéry (début 18e s.), estampe sur papier, 35 x 22 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

28,5s L'apparition de l'Ange aux femmes

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Femmes au tombeau, Celui que vous cherchez n'est plus ici, (lavis d'encre, 2015-2016), 100 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 28 ; Mc 16 ; Lc 24

28,8 L'annonce aux disciples

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Marie-Madeleine joyeuse II, (lavis d'encre, 2015-2016), 42 x 29,7 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Jn 20,18 ; Mt 28,8

27,66 Ellipse

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Jérusalem, (lavis d'encre, 2015-2016), 100 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 27,66 ; Mc 15,47 ; Lc 23,56 ; Jn 19,41

La pierre est roulée. Dans la nuit du samedi au dimanche, la lumière de Pâques transfigure les ténèbres de la ville endormie. C’est une lumière qui vient d’en bas, qui remonte du séjour des morts, ramenant avec elle toute l’espérance accomplie des prophètes de l’Ancien Testament. La croix est là, bientôt illuminée elle aussi par la gloire de la résurrection.

Musique

27,35–45 Were you there (when they crucified my Lord)

20e s.

Johnny Cash (1932-2003), Were You There (When They Crucified My Lord) 

© Licence YouTube standard→

Composition

Johnny Cash propose avec ce titre une reprise d'un negro spiritual, chant religieux entonné par les esclaves noirs lors du travail dans les plantations de champs de coton dans le sud des États-Unis.

Paroles

Were you there when they crucified my Lord ? (Were you there ?) / Were you there when they crucified my Lord ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! Were you there when they crucified my Lord ? —— Were you there when they nail'd him to the cross ? (Were you there ?) / Were you there when they nail'd him to the cross ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they nail'd him to the cross ? —— Were you there when they pierced him in the side ? (Were you there ?) / Were you there when they pierced him in the side ? O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they pierced him in the side ? —— Were you there when the sun refused to shine ? (Were you there ?) / Were you there when the sun refused to shine ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when the sun refused to shine ?

Traduction

Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? (Mt 27,35 // Mc 15,24 // Lc 23,33 // Jn 19,18) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? —— Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / (Étais-tu là ?) Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? —— Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? (Jn 19,34) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? —— Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? (Mt 27,45 // Mc 15,33 // Lc 23,44) / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ?

Liturgie

27,26–35 Protège Seigneur

« Protege Domine »

Traditionnel, Offertoire - Protege Domine

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Jn 19,17s Lc 23,26.33 Mc 15,21-24 Mt 27,26-35

Offertoire chanté pour la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix le 14 septembre.

Arts visuels

27,35–56 Les acteurs de la crucifixion dans les représentations visuelles

Moyen Âge

Le nombre de personnages présents autour du Christ en croix (→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié) est relativement restreint et limité : le Crucifié est souvent entouré des deux larrons, en présence ou non de la Vierge et de saint Jean, parfois d’une foule (plus ou moins nombreuse) aux pieds de la croix. Entre composition narrative, symbolique et méditative, la production est donc remarquablement abondante et diversifiée.

Personnages « historiques »
  • la Vierge, saint Jean : Duccio di Buoninsegna (1305-1308, Windsor) ; Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) ; Bernardo Daddi (1325-1340, New York) ; Ugolino di Nerio (1330-1335, Madrid) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) : Mariotto di Nardo (1395-1400, Avignon) ;

Duccio di Buoninsegna (1255-1319), Triptyque : crucifixion et autres scènes, (tempera sur panneau, 1302-1308), 44,9 x 31,4 cm

Collection royale du Royaume-Uni

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) :

Maître de Santa Chiara (actif entre 1290 et 1330), Le Calvaire, (huile et or sur bois, ca. 1330), 27 x 18 cm

Musée du Louvre, Paris

CC © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Ugolino di Nerio (1330-1335, Madrid) :

Ugolino di Nerio (1280-1330), Crucifixion avec la Vierge et saint Jean l'évangéliste, (tempera sur panneau, 1330-1335), 135 x 90 cm

Musée national Thyssen-Bornemisza, Madrid, Esapgne

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Simone Martini (1284-1344), Polyptyque Orsini : Crucifixion, (tempera sur panneau, 14e s.), 24,4 x 15,5 cm

Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, Belgique

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  • le centurion qui se convertit devant la mort du Christ (souvent, dans l’iconographie, identifié au porte-lance) ;
  • les soldats (entre autres ceux jouant aux dés la tunique) ;
  • des spectateurs plus anonymes, représentant des témoins du moment, voire une véritable foule : Giovanni Pisano (1302-1310, Pise) ; Giotto (1305-1306, Padoue et 1330, Berlin et Strasbourg) ; Duccio di Buoninsegna (1308-1311, Sienne) ; Maître de Monteoliveto (1315, New York) ; Simone Martini (1330-1340, Anvers) ; Pietro Lorenzetti (1340-1344, New York) ; Bartolomeo Bulgarini (14e s., Paris) ; Andrea de Florence (1365-1368, Florence) ; Jacopo di Cione (1368-1370, Londres) ; Jean de Beaumetz (1390, Paris et Cleveland) ; Agnolo Gaddi (1390-1396, Florence) ; Mariotto di Nardo (1395-1400, Avignon).

Jacopo di Cione (1325-1399), Crucifixion, (1369-1370), 154 x 138,5 cm

National Gallery, Londres, Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Pietro Lorenzetti (1340-1344, New York) :

Pietro Lorenzetti (actif entre 1320 et 1344), Crucifixion, (détrempe et feuille d'or sur bois, ca. 1340), 41,9 x 31,8 cm

Metropolitan Museum of Art, New York, domaine public→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Personnages « historiques » mais venus du passé ou du futur

Pietro Cavallini (1240-1330), Crucifixion, (fresque, ca. 1308)

San Domenico Maggiore, Naples, Italie

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  • ; Giotto (1310, Assise) ; Puccio Capanna (1330, Raleigh et 1344, Assise) ; Bernardo Daddi (1338-1340, Berlin et 1350, Limerick) ; Francesco di Vanuccio (1356-1389, Paris) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) ; Fra Angelico (1441-1442, Florence) ;

Puccio Capanna (14e s.), Crucifixion, (fresque, ca. 1344)

Sacro Convento, basilique Saint-François d'Assise, Italie

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Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) :

Jacobello Alberegno (1367-?), Triptyque, (tempera sur panneau, 1360-1390), 45 x 56 cm

Gallerie dell'Accademia, Venise

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  • à partir de la fin du Moyen Âge, les commanditaires ou donateurs de l’œuvre se faisant représenter en prière au pied de la croix, parfois la famille entière quand il s’agit de laïcs : Francesco di Vanuccio (1380, Berlin) ; Giovanni di Paolo (1455, Canberra).

Giovanni di Paolo (1403-1482), Crucifixion avec le donateur Jacopo di Bartolomeo, (tempera sur panneau, ca. 1455), 114,5 x 88,5 cm

National Gallery of Australia, Australie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Personnages allégoriques
  • L’Église (recueillant le sang christique) et la Synagogue (se détournant) : on les trouve ailleurs dans l’iconographie, mais leur place principale est d’encadrer la Crucifixion.

→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié Crucifixions allégoriques

Motifs symboliques
  • Le soleil et la lune ;
  • le rideau du Temple qui se déchire ;
  • Adam rappelé au pied de la croix par son crâne seul, ou couché dans son tombeau, ou en en ressuscitant : Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) ;
  • Dieu le Père venant recueillir l’âme du Fils ;
  • l’ange venant recueillir l’âme du bon larron ;
  • le démon venant prendre l’âme du mauvais larron ;
  • les anges recueillant dans un calice le sang du Christ qui jaillit ostensiblement du côté (le plus souvent droit) : Giotto (1305-1306, Padoue) ; Puccio Capanna (1330, Raleigh) ; Lorenzo Monaco (1405-1410, Florence) ;

Lorenzo Monaco (ca. 1370-ca. 1425), Crucifixion, (tempera et or sur panneau, 1405-1410), 50 x 27 cm

Galleria dell'Accademia, Florence, Italie

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  • le symbole typologique du pélican (intégré dans une représentation de la Crucifixion) ;
  • le symbole typologique du lion ressuscitant les lionceaux ;
  • le Christ en croix entouré des →Arma Christi (Instruments de la Passion) (un motif que l'on retrouve notamment dans les compositions de Messe de saint Grégoire) ;
  • le lion et la licorne du Ps 22,21 : Psautier de Stuttgart, fol. 27 (cf. Heck et Cordonnier 2011, 413).

L'iconographie ad minima se retrouve aussi en enluminure, vitrail, sculpture et sur des objets liturgiques ou des ornements sacerdotaux en émail, ivoire, orfèvrerie ou broderie (plaques de reliure, coffrets, tabernacles, autels portatifs, mitres, croix épiscopales, etc.).

À l'aube de l'époque moderne

Différents types s’affirment.

Scènes historiées

dans de grandes compositions narratives :

  • Jacopo Bellini (15e s., Paris) ; Conrad von Soest (1404-1414, Bad Wildungen) ; Jean Malouel (1416, Paris) ; Jan van Eyck (1430, New York) ; Fra Angelico (1420, New York et 1441-1442, Florence) ; Dirk Bouts (1455, Grenade) ; Jean Fouquet (15e s., Chantilly et 1455, Loches) ; Andrea Mantegna (1456-1459, Paris) ; Piero della Francesca (1460, New York) ; Hans Pleydenwurff (1460, Munich) ; Donatello (1465, Florence) ; Hans Memling (1465, Chantilly et Budapest, et 1491, Lübeck) ; Hugo van der Goes (1465-1468, Gand) ; Giovanni Boccati (1470, Venise) ; Stoss Veit (1477-1489, Cracovie) ; Bartolomé Bermejo (1480, Daroca) ; Francesco Francia (1485, Bologne) ; Galeazzo Mondella dit Moderno (1490, Paris) ; Benvenuto di Giovanni (1491, Washington) ; Rueland Frueauf le Jeune (1496, Neuburg).

Conrad von Soest (1360-?), Retable de Bad Wildungen, (tempera sur bois, 1403), 152 x 188 cm

église paroissiale Saint Nikolaus, Bad Wildungen, Hesse, Allemagne

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Jean Fouquet (15e s., Chantilly) :

Jean Fouquet (1420-?), Crucifixion, (enluminure sur parchemin, ca. 1452-1460), 16,5 x 12 cm

Musée Condé, Chantilly, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Andrea Mantegna (1456-1459, Paris) :

Andrea Mantegna (1431-1506), Crucifixion, (tempera et huile sur panneau, 1457-1460), 76 cm x 96 cm

retable pour le maître-autel de l'église San Zeno, Vérone, Italie, Musée du Louvre, Paris

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Piero della Francesca (1460, New York) :

Piero della Francesca (?-1492), Polyptyque de saint Augustin : Crucifixion, (tempera sur panneau, ca. 1460), 37 x 41 cm

Frick Collection, New York, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Hans Pleydenwurff (1460, Munich) :

Hans Pleydenwurff (1420-1472), Crucifixion, (huile sur panneau, ca. 1470), 192 x 181 cm

Alte Pinakothek, Munich, Allemagne, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • Jan Provost (1500, Bruges) ; Lucas Cranach (1500-1503, Vienne et 1538, Boston) ; Jérôme Bosch (1500-1504, Venise) ; Andrea Solario (1503, Paris) ; Giovanni-Antonio Bazzi dit Il Sodoma (1510-1515, Sienne) ; Hans Baldung Grien (1512, Berlin) ; Antonio Campi (16e s., Paris) ; Gaudenzio Ferrari (1513, Varallo) ; Albrecht Altdorfer (1520, Budapest) ; Jörg Breu (1524, Budapest) ; Jean I Pénicaud (1530, Paris) ; Bernard van Orley (1534, Bruges) ; Jean II Pénicaud (1540, Paris) ; Pedro de Campana (1550, Paris) ; Maarten van Heemskerck (1543, Gand et 1545-1550, Saint Pétersbourg) ; Jacopo Tintoretto dit Le Tintoret (1565 et 1568, Venise et 1550-1570, Munich) ; Paolo Caliari dit Véronèse (1580-1582, Venise et 1582, Paris) ; Frans Francken (1585, Séville) ; Pieter I Brueghel (1594, Munich) ; Giovanni Battista Ricci (16e Rome) ; etc.
  • Pieter II Brueghel (1617, Budapest) ; Peter Paul Rubens (1619-1620, Anvers) ; Rembrandt Harmenszoon van Rijn dit Rembrandt (ca. 1633, Munich) ; Giovanni Lanfranco (1637-1639, Naples) ; Nicolas Poussin (1645, Hartford) ; Karel Dujardin (1661) ; 
  • Giandomenico Tiepolo (ca. 1745, Saint Louis) ; etc.
Vierge Marie et saint Jean

Parfois accompagnés des saintes femmes ou de figures de sainteté de l’ordre commanditaire de l’œuvre :

  • Lorenzo Monaco (1400-1405, New York) ; Lorenzo Ghiberti (1404-1424, Florence) ; Conrad Witz (15e s., Berlin) ; Jan de Beer (15e s., Paris) ; Masaccio (1426, Naples) ; Giovanni di Paolo (1430-1435, Altenburg) ; Stéphane Lochner (1435, Nuremberg) ; Fra Angelico (1438-1450, Florence et 1440-1450, Cambridge et Paris) ; Donatello (1440, Paris) ; Rogier van der Weyden (1440, Berlin, 1445, Vienne et 1460, Escurial, Philadelphia et Bruxelles) ; Andrea del Castagno (1440-1441 et 1455, Florence et 1450, Londres) ; Piero della Francesca (1445-1462, Sansepolcro) ; Giovanni Bellini (1455, Venise) ; Francesco Botticini (1440-1460, Londres) ; Antonello da Messina (1450-1455, Bucarest et 1475, Anvers et Londres) ; Paolo Uccello (1460-1465, Madrid) ; Hugo van der Goes (1470, Venise) ; Francesco del Cossa (1473-1474, Washington) ; Jérôme Bosch (1480-1485, Bruxelles) ; Fernando Gallego (1480, Madrid) ; Pietro Vannucci dit Le Pérugin (1481-1485, Washington, 1493-1496, Lyon et 1503-1506, Sienne) ; Carlo Crivelli (1490-1495, Milan) ; Sandro Botticelli (1497, Cambridge) ; Gérard David (1495-1500, New York et 1515, Berlin).

Piero della Francesca (1445-1462, Sansepolcro) :

Piero della Francesca (?-1492), Polyptyque de la miséricorde : Crucifixion, (tempera et huile sur panneau, ca. 1460), 81 x 57 cm

pinacle du polyptyque de la Miséricorde, Museo civico, Sansepolcro, Italie

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  • Jan Provost (1500, Bruges et New York) ; Colin Nouailher (16e s., Écouen) ; Raffaello Sanzio dit Raphaël (1502-1503, Londres) ; Lucas Cranach (1503, Munich, 1515-1520, Colmar et 1536, Washington) ; Marco Palmezzano (1505, Avignon) ; Matthias Grünewald (1501-1505, Bâle et Washington, 1505, Londres, 1510-1515, Colmar et 1523-1524, Karlsruhe) ; Albrecht Altdorfer (1512, Kassel et 1526, Berlin) ; Bramantino (1515, Milan) ; Hans Geller (1515-1520, Paris) ; Adrien Isenbrant (1518-1535, Hambourg) ; Quentin Massys (1520, Anvers) ; Joos van Cleve (1520, New York et 1525, Boston) ; Cornelis Engebrechtsz (1525-1527, New York) ; Simon Bening (1525-1530, Los Angeles) ; Bernardino Luini (1530, Saint Pétersbourg) ; Léonard Limosin (1557, Écouen) ; Tiziano Vecellio dit Le Titien (1558, Ancône) ; Christophe Schwarz (1560-1580, Munich) ; Paolo Caliari dit Véronèse (1580, Venise) ; Otto van Veen (fin 16e début 17e s., Neubourg) ; Federico Barocci (1590-1595, Urbin) ; etc.

Jan Provost (1462-1525/1529), Crucifixion, (huile sur panneau de chêne, ca. 1501-1505), 116,6 x 171,1 cm

musée Groeninge, Bruges

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Jésus seul...

Entouré ou non des larrons, il apparaît régulièrement dans une solitude totale :

  • Andrea Di Bartolo (1415, Washington) ; Fra Carnevale (1450, Urbin) ; Vincenzo Foppa (1456, Bergame) ; Pedro Berruguete (1493-1499, Ségovie) ;

Fra Carnevale (1420-1484), Crucifixion, (tempera et huile sur bois, ca. 1450), 103 x 67 cm

Galleria Nazionale delle Marche, Urbino, Italie

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  • Giovanni Bellini (1501-1503, collection privée) ; Tiziano Vecellio dit Le Titien (1555, Escurial).

Après le concile de Trente, les représentations du Christ seul se multiplient, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :

  • Dominikos Theotokopulos dit Le Greco (1585-1590, Amsterdam et ca. 1600, Cincinnati) ; Peter Paul Rubens (1612, Munich) ; Antoon Van Dyck (1622, Venise) ; Francisco de Zurbaran (1627, Chicago et 1627-1629, Séville) ; Rembrandt Harmenszoon Van Rijn dit Rembrandt (1631, Le Mas d’Agenais) ; Diego Rodriguez de Silva y Vélazquez dit Vélazquez (1632, Madrid) ; Guido Reni (1637, Rome) ; Jan Boeckhorst (1640, Anvers) ; Alonso Cano (1640, Saint Pétersbourg) ; Jusepe de Ribera (1643, Vittoria) ; Bartolomé Esteban Murillo (ca. 1650-1660, New York et 1675-1680, Madrid) ; Philippe de Champaigne (1655, Grenoble) ; Pierre Puget (1680, Paris) ;

Peter Paul Rubens (1620, Anvers)

Peter Paul Rubens (1577-1640), Le Christ crucifié, (huile sur toile, 1610-1611), 219 x 122 cm

musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, Belgique

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Francisco de Zurbaran (1627, Chicago ) :

Francisco de Zurbarán (1598-1664), Le Christ en croix, (huile sur toile, 1627)

The Art Institute of Chicago, États-Unis © Wikicommons→

Rembrandt (1631, Le Mas d’Agenais) :

Rembrandt Harmenszoon Van Rijn dit Rembrandt (1606-1669), Christ en croix, (huile sur toile montée sur panneau, 1631), 99,9 x 72,6 cm

église de Saint-Vincent, Le Mas-d'Agenais, France

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Diego Vélazquez (ca. 1632, Lyon) :

Diego Vélazquez (1599-1660), Christ crucifié, (huile sur toile, ca. 1632), 248 x 169 cm

Musée du Prado, Madrid

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  • Louis de Silvestre (1734, Dresde) ; Francisco De Goya (1780, Madrid) ; Jacques-Louis David (1782, Mâcon) ;

Jacques-Louis David (1748-1825), Christ en croix, (huile sur toile, 1782), 276 x 188 cm

église Saint-Vincent, Mâcon, France, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Eugène Delacroix (ca. 1837, Yale, 1847, Francfort, ca. 1853, Ottawa) ; Thomas Eakins (1880, Philadelphie) ; Nikolaï Gay (1892, Paris) ; Odilon Redon (1897, coll. priv. et 1910, Paris) ; etc.

Thomas Eakins (1844-1916), Crucifixion, (huile sur toile, 1880), 243,8 x 137,2 cm

Philadelphia Museum of Art, États-Unis

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Une tendance à toujours plus de réalisme se fait jour, à mesure que l'exégèse se veut plus historique. 

Aimé Morot (1850–1913), Martyre de Jésus de Nazareth, (huile sur toile, 1883),

Musée des Beaux-Arts, Nancy (France)

Domaine public→ © (photo Marc Baronnet)  CC BY-SA 3.0 

... ou isolé

La formule qui ne présente qu’un nombre restreint de personnages et permet, par son cadrage resserré, d’insister davantage sur la figure souffrante du Christ, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :

  • Annibale Carracci (1583, Bologne) ; Dominikos Theotokópulos dit Le Greco (1580, Paris, 1588, Athènes et 1596-1600, Madrid) ; Santi di Tito (1593, Florence) ;

Santi di Tito (1536-1603), La Vision de saint Thomas d'Aquin, (huile sur panneau de bois, 1593), 362 x 233 cm

basilique San Marco, Florence

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  • Abraham van Diepenbeeck (17e s., Paris) ; Gaspard de Crayer (17e s., Lille) ; Abraham Janssens (17e s., Valenciennes) ; Bartolomeo Cesi (17e s., Ajaccio) ; Michel Dorigny (17e s., Paris) ; Laurent de la Hyre (17e s., Saint-Denis) ; Quentin Varin (1612, Beauvais) ; Antoon van Dyck (1615-1630, Paris) ; Jacob Jordaens (1620, Rennes) ; Peter Paul Rubens (1620, Anvers) ; Simon Vouet (1622, Gênes, 1620-1630, Paris et 1636, Lyon) ; Guido Reni (1624, Nothumberland) ; Hendrick ter Brugghen (1625, New York) ; Diego Vélasquez (1632, Madrid) ; Nicolas Tournier (1635, Paris et 1637, Rome) ; Eustache le Sueur (1643, Londres) ; Giulio Carpioni (1648, Venise) ; Francisco de Zurbarán (1660, Madrid).

Abraham van Diepenbeeck (17e s., Paris)

Abraham van Diepenbeeck (1596-1675), La Crucifixion, (huile sur panneau, 1630-1675), 62 x 44,5 cm

collection privée

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Simon Vouet (1636, Lyon)

Simon Voüet (1590-1649), Crucifixion, (huile sur toile, 1636), 216 × 146 cm

Musée des Beaux-Arts de Lyon

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Franz Christoph Janneck (1730) ; Pierre Subleyras (1744, Milan) ; Pompeo Batoni (1762, Boston) ; Francisco de Goya (1780, Madrid) ; etc.
Scènes non scripturaires

La peinture peut se faire méditative. Le peintre Charles Le Brun considère qu’en représentant la foule qui assistait à la crucifixion « les peintres satisferaient mal la piété des personnes contemplatives, parce que tant de divers objets interrompraient leur méditation et leur ferveur » :

  • Charles Le Brun Le Christ en croix adoré ou secouru par les anges (17e s., Paris).

Charles Le Brun (1619-1690), Crucifixion, (huile sur panneau, 1637), 52 x 41 cm

Musée des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, Russie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Depuis le 19e s.

Aux côtés des représentations du Christ seul (cf. supra), on retrouve également les grandes formules des siècles précédents.

Vierge Marie et saint Jean

Plus ou moins identifiables, ils sont parfois maintenus dans des scènes de source plus explicitement johannique :

  • 19e s. : Eugène Delacroix (1835, Vannes, 1850, Paris et 1853, Londres) ; Hippolyte Flandrin (1839-1853, Paris) ; Gustave Moreau ; Pierre-Paul Prud'hon (1822) ; Henry Siddons Mowbray ; Odilon Redon (1897, coll. priv. et 1904, Birmingham) ;
  • 20e s. : Max Ernst (1913, Cologne) ; Salvador Dali (1954, New York) ; Otto Dix (1960) ; Jacques Villon (1960) ; Albert Gleizes (1928, 1935) ; Giacomo Manzù ; Henri Matisse ; Pablo Picasso (1930) ; Georges-Henri Rouault (1939) ; Bernard Buffet (1951).

Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.

Grande narration...

La formule narrative représentant la foule ou insérant la scène dans une vaste histoire du salut fut parfois adoptée :

  • Eugène Delacroix (1846, Baltimore) ; Gustave Moreau (ca. 1870) ; James Ensor ; 

Eugène Delacroix (1798-1863), Crucifixion, (huile sur toile, 1846), 80 x 64,2 cm

Walters Art Museum, Baltimore, États-Unis

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  • Max Klinger (1890, Leipzig) présente le Christ ainsi que les deux larrons entièrement nus ;
  • Edvard Munch Golgotha (1900, Oslo) Suggéré sans aucun détail, le crucifié est presque un « blanc » sur la toile, qui détaille en premier plan le premier rang d’une foule compacte massée auprès de la croix. À gauche, un vieil homme chenu semble commenter, un clown blanc et un masque cruels semblent se moquer, les femmes pleurent avec réserve ; en plein milieu un homme chauve et distingué fixe le spectateur de ses yeux grands ouverts ;

Edvard Munch (1863-1944), Golgotha, (huile sur toile, 1900), 80 x 120 cm

Munch Museum, Oslo, Norvège

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  • Marc Chagall La crucifixion blanche (1935, Chicago) Le crucifix est dressé au cœur d’un village de Russes blancs en Pologne ; autour de la croix du supplicié, dont le perizonium est un châle de prière juif, l’avancée des soldats allemands sur la droite résulte partout en scènes de pillage impliquant le rouleau de la Tora, pleurs mêlés de désillusions, fuite et exil. Le crucifix est au centre des événements politiques qui menacent les symboles les plus sacrés du judaïsme ;
... ou solitude

La tendance à centrer les représentations sur la figure du crucifié, dans un isolement parfois total, développée naturellement par les sculpteurs, mais également par certains peintres est prolongée par les artistes de l’époque contemporaine, qui reflètent l’évolution de la christologie (Mt 27,46b).

  • Arcabas, Craigie Aitchison, Francis Bacon, Pierre Burgallo, Gérard Titus-Carmel, Macha Chmakoff, Salvador Dali, Max Ernst, Eric Gill, Pierre Moignard, Pablo Picasso, Paul Robert, Antonio Saura, Egon Schiele, Graham Sutherland, Franz von Stuck, etc.
Iconographies plus insolites ou originales
  • Paul Gauguin (1889, Buffalo) Les saintes femmes sont des bretonnes ;

Henri Eugène Paul Gauguin (1848-1903), Le Christ jaune, (huile sur toile, 1889), Crucifixion, 92,1 × 73 cm

Pont-Aven, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (U.S.A.)

domaine public © Wikicommons→

Catalogues raisonnés W.327: Georges Wildenstein, Gauguin : I. Catalogue, 1964. S.151: Gabriele Mandel Sugana (1972) L'opera completa di Gauguin, Milan: Rizzoli, no. 151. Trois femmes à genoux au pied d'un calvaire breton, pourraient être une simple halte de trois paysannes du début du 20e s. Mais il pourrait s'agit aussi d'une évocation de la crucifixion elle-même, avec les saintes femmes et Marie au pied de la croix. Un petit personnage, en arrière plan du tableau, escalade un mur pour s'éloigner de la croix. C'est peut-être Judas, mais c'est peut-être bien Pierre, aussi, et tout homme, pécheur, qui regarde la croix.

  • Francis Picabia (1924-1925, Paris) La Vierge Marie et saint Jean sont remplacés par André Breton et Louis Aragon ;
  • Renato Guttuso Crocifissione (1942, Rome) Trois femmes dont l'une nue (Marie-Madeleine) s'agitent au pied de la croix ; de même deux soldats (nus également) : l'un tenant un bâton (Longin ?), l'autre le porte-éponge et deux dés.
  • Giacomo Manzù (1942-1957, Paris) Adam et Ève implorent le Christ en croix ;
  • Salvador Dalí Christ de saint Jean de la Croix (1951, Glasgow) Dans une perspective plongeante impressionnante, un Christ aux cheveux courts, non blessé, presque accolé à la croix, regarde vers le bas où des matelots accostent dans une baie impassible ;
  • Paul Delvaux (1951-1952, Bruxelles et 1954, Ixelles) Trois squelettes sont crucifiés au-dessus d'une foule d'autres et de soldats en armure. Sur un tableau du même genre (1957), seul le Christ a encore la peau sur les os, crucifié au milieu d'une foule de squelettes très nombreuse ;
  • Francis Bacon Trois études de figures au pied d'une crucifixion (1944, Londres), Trois études pour une crucifixion (1962, New York) et Crucifixion (1965, Munich) Triptyques terrifiants présentant des figures déformées sur fond orange-rouge : dans le 1er, on ne voit pas le crucifié mais trois figures animales ; dans le 2e, des figures charnues se contorsionnent, le panneau de droite présentant une carcasse de viande pendant à l'envers ; elle se retrouve sur le panneau central de la 3e.

Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.

27,55s Les femmes au pied de la croix

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Jérusalem, (lavis d'encre, 2015-2016), 125 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Jn 11,50 ; Mt 27,55-56 ; Mc 15,40-41 ; Lc 23,49

Derrière les trois croix noires du Golgotha se dessine la ville de Jérusalem en arrière-plan, lavée et illuminée par le sacrifice de son sauveur.

Sr Catherine Bourgeois, Samedi saint, (huile sur toile, 2015), Stabat Mater dolorosa, ca. 100 X 70 cm, Abbaye St-Pierre de Solesmes

Coll. privée, D.R.→ © photo. P.-A. Rochon

Lm 2,13 ; Mt 27,55-56 ; Lc 22,49-56 ; Jn 19,25-27 ; Mc 14,40-41 

L'ermite contemplative voit l'océan de douleur jadis prophétisé de la fille de Sion (Lm 2,13) remplir de larmes amères les yeux de Marie au pied de la Croix. 

Liturgie

28,3ss Tropaire pascal de la liturgie orientale

Tropaire de la Résurrection - 6ème ton

Traditionnel, Tropaire byzantin de Pâques, ton 6

© License YouTube Standard→, Mt 28,3ss

Le 6ème ton du Tropaire de la Résurrection est un chant byzantin très ancien, propre à la célébration de Pâques dans la liturgie orientale. Ses paroles décrivent la scène du Sépulcre victorieusement, dans la louange du Ressuscité: "Les puissances angéliques vinrent à Ton Sépulcre, et ceux qui le gardaient gisaient comme des morts. Marie se tenait près du Tombeau, cherchant Ton Corps immaculé. Toi qui as dépouillé l’enfer, Tu n’as pas été dominé par lui ; Tu es allé à la rencontre de la Vierge, Toi qui donnes la Vie. Ressuscité d’entre les morts, Seigneur, gloire à Toi !"

Contexte

Textes anciens

64s Apparition et apothéose de Romulus

  • Tite-Live 1,16,6-7 « Romulus, père de notre ville, est descendu soudain du ciel, ce matin, au point du jour, et s’est offert à mes yeux ; et, comme je me tenais devant lui, plein de crainte et de respect, et lui demandais instamment la faveur de le regarder en face : ‘Va’, m’a-t-il dit, ‘et annonce aux Romains que la volonté du ciel est de faire de ma Rome la capitale du monde. Qu’ils pratiquent donc l’art militaire. Qu’ils sachent et qu’ils apprennent à leurs enfants que nulle puissance humaine ne peut résister aux armes romaines’. »

Quelques décennies plus tard, le récit d'apparition post-mortem du fondateur de Rome, relevant de la biographie « archéologique » au sens hérodotien du terme, non de l'historiographie, est amplifié, et assigné à un temoin oculaire autorisé :

  • Plutarque Rom. 28 « Pendant le tumulte que cet incident fit naître, un des premiers patriciens, généralement estimé pour sa vertu, qui avait suivi Romulus d’Albe à Rome, et avait joui de la confiance et de la familiarité de ce prince, Julius Proculus, s’avança au milieu de la place publique ; et là, en présence de tout le peuple, il jura, par ce qu’il y avait de plus sacré, qu’en revenant de l’assemblée Romulus lui avait apparu plus grand et plus beau qu’il ne l’avait jamais vu, et couvert d’armes plus brillantes que le feu ; qu’à cette vue, saisi d’étonnement, il lui avait dit : "— Ah ! prince, que vous avons-nous fait ? et pourquoi nous avez-vous quittés, en nous exposant aux accusations les plus graves et les plus injustes, en laissant toute la ville privée d’un père et plongée dans un deuil inexprimable ?" Que Romulus lui avait répondu : "— Les dieux veulent, Proculus, qu’après avoir vécu si longtemps avec les hommes, quoique fils d’un dieu, après avoir bâti une ville qui surpassera toutes les autres en puissance et en gloire, je retourne au ciel d’où je suis descendu. Adieu ; allez dire aux Romains qu’en pratiquant la tempérance, en exerçant leur courage, ils s’élèveront au plus haut point de la puissance humaine. Pour moi, sous le nom de Quirinus, je serai votre dieu tutélaire." Le caractère de Proculus, et le serment qu’il avait fait, firent ajouter foi à son témoignage. D’ailleurs l’assemblée, par une sorte d’inspiration divine, fut saisie d’un tel enthousiasme, que personne ne pensa à le contredire, et que, renonçant à leurs soupçons, ils se mirent tous à invoquer et à adorer Quirinus » (trad. Ricard).

Littérature péritestamentaire

27,35ss Parallèle Le détail de la croix 'dressée' ou 'élevée' s'inspire de Jn 12,32 : l'élévation de la croix est élévation dans la gloire du ciel. Il y a ressemblance sur ce point avec l'homélie sur la Pâque de Méliton de Sardes  cf.Tradition chrétienne Jn 19,19. Pour le texte de l'inscription, contrairement aux évangiles canoniques, le texte donne : 'celui-ci est le roi d'Israël', titre éminemment divin et messianique. Le titre 'roi d'Israël' se trouve en Mt 27,42

Réception

Musique

27,46 Les sept paroles du Christ en croix

21e s.

« The Seven Last Words op.36 »

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), The Seven Last Words op. 36, 2015

Jenny Spanoghe (alto)

© Kris Oelbrandt→, Lc 23,34-46 Jn 19,26-30 Mt 27,46

Composition

La solitude de Jésus sur la croix est traduite dans l'effectif de cette composition: un violon (ou alto) non-accompagné, abandonné par tout le monde, sans contact avec la terre. La pièce suit les sept dernières paroles à travers sept miniatures. Un "motif de croix" reconnaissable sert comme ponctuation entre les paroles: un accord très court et fort (verticalité) suivi d'une longue seconde soutenue douce (horizontalité).

  • I. (00:00 - 00:40)

La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ...") est un jeu très virtuose, diabolique, on dirait fou, dépeignant ceux qui "ne savent pas ce qu’ils font."

  • II. (00:40 - 02:12)

Dans la deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.") deux voix chantent librement et paisiblement ensemble.

  • III. (02:12 - 03:50)

La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) se traduit en une valse noble, intime, pleine d'une joie intérieure.

  • IV. (03:50 - 05:19)

Apogée et centre pivot des sept paroles, la quatrième parole "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est mis en musique en glissandi répétés de dissonants criants dans le suraigu.

  • V. (05:19 - 07:20)

"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) est évoqué par des sons expérimentaux, imitant des gémissements et des souffles secs.

  • VI. (07:20 - 08:01)

"Tout est accompli" (Jn 19,30: sixième parole) est reflété par seulement quelques harmoniques, ne donnant que les contours d'une mélodie presque évaporée. 

  • VII. (08:01 - 10:05)

La septième parole (Lc 23,46:  "Père, entre tes mains je remets mon esprit." - voir aussi Ps 31,6) est une mélodie sereine, dépassionnée.

« Septem verba Christi op.38 »

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), Septem Verba Christi op. 38, 2015

Abdij Maria Toevlucht

© Kris Oelbrandt→, Lc 23,34-46 Jn 19,26-30 Mt 27,46

Composition

Motets en latin sur les sept dernières paroles du Christ en croix. Contrairement aux «The Seven Last Words» qui sont très atonaux et expressionnistes, les «Septem verba Christi» sont dans un langage néo-modal.

  • I. (00:00 - 01:12)

La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ..."; "Pater, dimitte illis ...") se concentre sur la proclamation tranquille, paisible du texte.

  • II. (01:12 - 02:00)

La deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."; "... Hodie mecum eris in Paradiso") est plus mélismatique, évoquant l'atmosphère céleste.

  • III. (02:00 - 03:06)

La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) devient évident avec des mélismes à deux voix, un fleuve tranquille de deux mélodies qui coulent ensemble.

  • IV (03:06 - 03:59)

La quatrième parole "Deus meus, ut quid dereliquisti me?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est le centre pivot des sept paroles. C'est pourquoi elle est traitée de manière spéciale, c'est-à-dire dans un langage plus atonal, donnant expression aux mots dramatiques de Jésus. Les dynamiques sont également plutôt dans le forte, tandis que les autres se situent dans les dynamiques douces.

  • V. (03:59 - 05:00)

"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) n'est en latin qu'un seul mot: sitio. Des quintes ouvertes et une pédale sur "si" (à la fois la syllabe et la note musicale) créent une atmosphère de désert.

  • VI. (05:00 - 05:59)

"Tout est accompli", "consummatum est" (Jn 19,30: sixième parole) est une longue séquence d'harmonies qui glissent de manière chromatique en bas.

  • VII. (05:59 - 07:42)

La septième parole (Lc 23,46:  "Père, entre tes mains je remets mon esprit."; "Pater, in manus tuas comendo spiritum meum." - voir aussi Ps 31,6) reprend la musique de la première parole, les deux commencant par l'acclamation "Pater".

Partition→

Propositions de lecture

28,1–10 La Résurrection du Christ : comment ça « le troisième jour » ? Pourquoi dit-on que Jésus ressuscite « le troisième jour » après sa mort ? Comment est calculé ce décompte temporel ? Que dit le texte biblique même ?

Procédés littéraires Mt 28,1a 

Précision temporelle sur le décompte des jours dans la Bible

L’évangile de Matthieu annonce que les femmes se rendent au tombeau « le soir du sabbat ». Pourquoi attendent-elles ce moment-là ? Précisons un peu :

  • Jésus a été crucifié dans la journée du vendredi. Il a vite fallu lui trouver une sépulture avant la tombée de la nuit. En effet, le jour de grand repos du sabbat commence le vendredi au coucher du soleil et se termine le samedi au coucher du soleil. Dans l’Orient ancien, la journée ne commençait pas à minuit mais au coucher du soleil.

On a donc enseveli Jésus en toute hâte dans l’après-midi du vendredi, parce que pendant le sabbat, il était hors de question de toucher un mort sous peine de ne pouvoir célébrer le sabbat pour cause d'impureté.

Voilà pourquoi les femmes attendent « le soir du sabbat » pour retourner au tombeau. En comptant à partir du jour de la crucifixion, on est donc au début d’une nouvelle journée, le troisième jour.

Autrement dit, on reformule pour mieux comprendre
  • 1er jour : Jésus meurt et est enseveli dans la journée du vendredi avant que ne commence le sabbat.‍
  • 2ème jour : Le sabbat commence le vendredi soir et dure jusqu’à la tombée du soleil le samedi. Les femmes ne peuvent pas se rendre au tombeau.‍
  • 3ème jour : Les femmes viennent au tombeau dès le soir du sabbat, le samedi soir pour vénérer le tombeau.

Vous trouvez ça clair ? Alors vous n'avez pas bien lu !

Une fin de phrase qui remet tout en question

Le résumé chronologique qu'on vient de vous faire est bien clair et pratique mais le problème, c’est qu’il se fonde seulement sur la première partie de la phrase : « le soir du sabbat »... et qu’on oublie la fin de la phrase, qui complique tout.

Déjà comme ça, c'est difficile : « Le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] de la semaine »

Mais en plus, en grec, on lit, très littéralement : « Le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] du sabbat »

Une drôle de répétition

On est d’accord, en français, « le soir du sabbat alors que [ça] luisait vers le premier [jour] du sabbat », ça ne veut rien dire et c’est même assez moche. C’est comme si on disait « le dimanche soir alors que le dimanche matin allait commencer ». C’est sans doute pour cette raison que la majorité des traductions françaises « grand public » de cette phrase la simplifient, pour lui rendre une cohérence chronologique :

  • « Après le jour du sabbat, comme le premier jour de la semaine commençait à poindre, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent visiter le sépulcre. » (Traduction de la Bible de Jérusalem)
  • « Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine » (Traduction liturgique)

Cette traduction simplifiée est possible, car il se trouve que le mot grec « sabbatôn » peut signifier « sabbat » ou « semaine », mais c'est bien le même mot qui est répété au début et à la fin de ce verset.

Si c'est bizarrement dit, c'est qu'il y a quelque chose à interpréter
Une signe pour creuser et chercher le sens de cette signification

Si le texte biblique nous donne une phrase aussi obscure en apparence, c’est peut-être qu’il y a un mystère à creuser : soit le texte biblique est débile, soit il est prodigieux. On est d'accord, il est pro-di-gieux.

Délibérément, l’Évangile intensifie l'obscurité sur ce point pour forcer notre intelligence à chercher le sens. Après avoir donné une mention chronologique claire (le soir du sabbat), le texte brouille les repères temporels.

Par-delà le temps chronométrique : l'éternité divine

Ce brouillage signale un mystère divin : il inaugure une nouvelle temporalité à l'intérieur de nos journées.

  • La résurrection est dans le temps (le soir du sabbat)
  • mais elle est déjà hors du temps : avec elle commence l’éternité.

Et justement, le sabbat est le jour où Dieu lui-même s'est reposé ! Et pour l'humanité, jour de la joie de la communion, temps consacré à Dieu.

Si la résurrection a lieu le soir du sabbat alors que le sabbat va commencer, cela veut dire qu’elle nous fait entrer dans un temps circulaire qui n’a pas de fin : celui du grand Repos de Dieu lui-même. C'est comme si, dès que le dimanche prenait fin, il recommençait aussitôt (avouez que c’est alléchant !). C’est l’avènement du jour sans déclin, de la lumière qui ne s’éteint jamais.

Arts visuels

28,1–20 La Résurrection est-elle représentable visuellement ?   La résurrection, qui n’est guère matière à récit (Genres littéraires Mt 28,1–20), et dont l’appréhension repose sur la foi aux dires de témoins, eux-mêmes « prouvés » par les Écritures (→Résurrection, Écritures et parole de Jésus), est encore moins matière à représentation visuelle. Avant les grandes « machines » qui remplissent notre mémoire  avec des images représentant les apparitions du Christ ressuscité, quand ce n'est pas le Christ en train de ressusciter (!), les artistes se sont posé la question de la représentation de l’Irreprésentable.

Antiquité

L’on n’est guère étonné que les évocations visuelles du Ressuscité aient commencé par la reprise de symbolismes conventionnels de victoire (Arts visuels Mt 28,6b).

Moyen-Âge

De l'irreprésentabilité de la résurrection, les plasticiens anciens eurent la profonde conviction, surtout lorsqu'ils travaillèrent au service de la liturgie. La description d’une de leurs plus belles réussites, vaut bien tous les discours théoriques :

Nicola Pisano (1225?-1284 ?), ambon, détail : Nativité et Adoration des Mages (sculpture en ronde-bosse sur marbre, traces de polychromie, 1257-1260), H. 4,65 m

Baptistère, Pise © CC BY-SA 3.0

Son innovante base hexagonale est posée sur une colonne centrale (à la base sculptée de trois atlantes) et six colonnes latérales (à chapiteaux représentant les vertus de charité, force, humilité et foi, ainsi que les hérauts du jugement saint Jean Baptiste et l’archange Michelet) qui abritent des arceaux trilobés à écoinçons sculptés représentant des prophètes et des évangélistes. Sur le monument hexagonal, cinq panneaux en bas-relief représentent les scènes principales de la vie du Christ, du point de vue de l’humain sur le point d’être baptisé : nativité, adoration des mages, présentation au Temple, crucifixion et même, bien sûr, le Jugement dernier ; à l’exception de la résurrection.

Nicola Pisano (1225?-1284 ?), ambon, détail : Nativité et Adoration des Mages (sculpture en ronde-bosse sur marbre, traces de polychromie, 1257-1260), H. 4,65 m

Baptistère, Pise

© CC BY-SA 3.0

C’est que le sixième côté de l’ambon est ouvert pour donner accès à la plateforme d’où le ministre peut, depuis l’aigle-pupitre à la charnière de la crucifixion et du Jugement dernier, proclamer l’Écriture — comme si l’annonce de la Parole était la seule « présentation » possible de la résurrection, l’expérience même, avec le baptême qu’on est en train de célébrer, de la rencontre avec le Ressuscité (→Phénoménologie des rencontres avec le Ressuscité; Théologie Mt 28,17 Voir, adorer ou douter).

Renaissance

Un concentré d'Écritures

Le maître lissier (sans doute flamand) auteurs des célèbres tapisseries de la Chaise-Dieu (France), donne à voir plusieurs des témoignages de rencontres du Ressuscité  depuis la visitation de la Cité sainte jusqu'aux disciples d'Emmaüs, en passant par l'apparition à Madeleine, autour du Christ ressuscitant, sur sa composition sur la Résurrection.

Anonyme, Tapisserie de la Résurrection (tapisserie, 1501-1518), chœur

Abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu→, Auvergne

© CC BY-SA 3.0→

19e siècle

Gustave Doré peignit la scène de la résurrection quelques jours avant sa mort.

Gustave Doré (1832-1883), La Vallée de larmes, (huile sur toile, 1883), 4,13 x 6,27m

Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris 

© Wikicommons→

Jésus Christ est proclamé Dieu fait homme. Il s’est laissé condamner et tuer sur la croix. Mourant dans son humanité, il descend jusqu’aux enfers où l’homme était enfermé depuis le péché d'Adam et Ève. La résurrection du Christ est pour les croyants cette espérance folle : la mort est vaincue par la Vie, puisque Dieu libère la création des enfers.

20siècle

Le mystère glorieux

George Desvallières (1861-1950), La Résurrection, (Huile sur toile marouflée et fresque, 1931), 368 x 485 cm

Chapelle Saint-Yves, Paris 14e 

©D.R. SEBERT→,  Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-12; Jn 20,1-2

Sur le mur droit de la chapelle, Desvallières représente le mystère glorieux, la Résurrection, dans un grand panneau faisant face à celui de la Nativité, complété par la suite de trois vitraux. Les mêmes rayons de lumière descendent du vitrail central du Cœur du Christ et irradient du tombeau vide dans une représentation proche de de la Résurrection réalisée par Desvallières pour la chapelle de Saint-Privat (CR 1653). La scène est fixée à l’instant où le flamboiement du tombeau vide saisit les femmes recueillies dans la prière. L’évènement mystérieux prend place dans un jardin fleuri et luxuriant, Paradis retrouvé, où l’annonce de l’ange est accueillie dans un tourbillon de grâce. Sous cette scène biblique, l’artiste proclame l’ultime étape du salut : « IL EST RESSUSCITÉ. »

Les trois vitraux délivrent le même message : « PAR MOI – VOUS VIENNENT – LUMIÈRE ET VIE. » Ces verrières, comme celles du mur gauche, sont réalisées en 1933, après celles de Marguerite Huré pour le chœur. On ignore le nom du verrier et leurs dessins ne suivent pas les esquisses du maître qui reprenaient en fait les rayonnements et les nuées des décors (CR 2115).

Mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau

George Desvallières (1861-1950), Résurrection, (Huile sur toile, 1942), 900 x 350 cm

Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption et Saint-Vaast (dépôt du CNAP, Paris), Arras

© Succession Desvallières→,  Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-12; Jn 20,1-2

À la suite du panneau de la nativité achevé à l’automne 1941, Desvallières continue la décoration entreprise pour la cathédrale d’Arras avec le panneau de droite où il représente un mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau. Le 25 octobre 1941, George écrit à sa fille France dans le Limousin : « […] Pour ma part, j’ai attaqué ma seconde grande toile très humblement, très tranquillement m’en remettant à la volonté du bon Dieu pour sa réussite ou non réussite. » Il traverse chaque jour la Seine pour se rendre dans son atelier non chauffé de Saint-Fargeau. Marguerite raconte à sa fille le 6 novembre les conditions dans lesquelles il travaille : « Papa exécute son deuxième panneau de 9 m, de l’autre côté de l’eau et il a oublié tout à l’heure la paire de chaussettes de laine qui lui sert de gants ».

Elle ajoute le 16 novembre « Papa est tellement acharné à sa grande toile afin de la terminer comme la première en deux mois qu’il vaudrait mieux pour lui ne pas s’absenter. » Et pourtant il fait quand même ses expéditions à Paris entre temps, puisqu’elle signale le 22 : « Papa est parti ce matin à 7 h 1/2 par une nuit étoilée pour son Institut, l’École des Beaux- Arts, ses 2 ateliers. » Le jour de Noël, George avoue à sa fille « Le bon Dieu me donne la force et la joie pour À la suite du panneau de la Nativité achevé à l’automne 1941, Desvallières continue la décoration entreprise pour la cathédrale d’Arras avec le panneau de droite où il représente un mystère glorieux du Christ sortant triomphant du tombeau. Le 25 octobre 1941, George écrit à sa fille France dans traverser tous les jours la Seine, pour travailler à ma Résurrection au milieu de toutes les fleurs du printemps. »

Le tableau prend forme. Le Christ ressuscité au cœur rayonnant de lumière domine le trou noir du tombeau qu’il a quitté et dans un merveilleux paysage de renaissance de végétation, il brandit le drapeau de la victoire sur la mort. La nature luxuriante qui environne le Christ libéré de son suaire illumine ce mystère glorieux. Le 23 mars 1942, l’artiste écrit au directeur général des Beaux- Arts : « Cher Monsieur Poli, Voudrez- vous dire à M. Hautecoeur que mon second panneau de l’église d’Arras est terminé aussi, c’est la “Résurrection”. Vous avez pu voir la “Nativité” au dernier Salon d’Automne. […] Ma toile est malheureusement ici à Seine-Port. Étant donné les dimensions, je n’ai pu la peindre que par terre comme les décorateurs de théâtre, les murs de mon atelier n’ayant pas les 9 mètres de hauteur voulus. » (Arch. Nat. Lettre manuscrite de G. Desvallières, F. 21/6/1737.) Desvallières expose les deux grands panneaux imaginés pour la cathédrale d’Arras au Salon d’automne 1942.

Tradition chrétienne

28,1–20 Pâques avec Jean Chrysostome Premiers et derniers, recevez le salaire ! Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble ! Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour ! Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l'avez point fait, réjouissez-vous aujourd'hui ! La table est prête, mangez-en tous ! Le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun ! Jouissez tous du banquet de la foi ! Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous. Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau. Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés. Il a détruit la mort, celui qu'elle avait étreint. Il a dépouillé l'enfer, celui qui est descendu aux enfers. Il l'a rempli d'amertume, pour avoir goûté de sa chair. Isaïe l'avait prédit en disant : — L'enfer fut rempli d'amertume lorsqu'il t'a rencontré rempli d'amertume, car il a été joué bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti. Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu. Il prit de la terre et rencontra le ciel. Il saisit ce qu'il voyait, et tomba sur celui qu'il ne voyait pas. Ô mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire?

Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé. Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie. Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau, car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles Amen. 

St Jean Chrysostome, Homélie de Pâques, trad. M. Jeannin , Bar-le-Duc : Guérin, 1864.

Propositions de lecture

28,1–20 La fête de Pâques depuis l'Eglise d'Orient Comment la Résurrection du Christ est-elle annoncée ? Quels sont les mots choisis ? Quel regard porte l'église d'Orient sur la fête de Pâques ?

La Résurrection s'annonce avec des mots

L'ange de Pâques dit aux femmes d'aller dire qu'Il est ressuscité comme il l'avait dit et comme il vient de le dire, lui, l'ange.

La résurrection se rencontre d'abord dans une heureuse, une incroyable annonce placée par Dieu dans la bouche de ses témoins. L'un d'eux a si bien proclamé l'annonce qu'on l'a appelé « la Bouche d'Or », en grec : Chrysostome. Jean Chrysostome a été l'archevêque de Constantinople — aujourd'hui Istanbul au IVe siècle.

Pâques, c'est aussi ta fête !

Voilà l’homélie que saint Jean Chrysostome écrivit pour le jour de Pâques. Dans les rites orientaux, elle est proclamée durant les Matines de Pâques, sous le doux nom de Hieratikon Tradition chrétienne Mt 28,1–20.

Liturgie

27,32 PARALITURGIE Chemin de croix : cinquième station

CONTEMPLATION Jésus rencontre Simon de Cyrène

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 5 — Simon de Cyrène, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,32 ; Mc 15,21 ; Lc 23,26 ; Jn 19,16

Jésus en son chemin passe par des espaces nouveaux, dans des villages, et ici un jour de mariage. Un mariage à la polonaise : tout à fait au fond, on voit une église, un couple de jeunes mariés : Il passe dans la vie, Il passe aussi dans la joie. Simon de Cyrène est issu du peuple. Il a une moustache, il a les cheveux blancs. Il y a des gens qui travaillent. Il y a même un violon, un violoniste qui joue ! Mais, pour quelques instants, la fête semble s’arrêter ; parce qu’il n’y a peut-être pas d’amour sans Passion, il n’y a pas de vie sans la réalité de ceux qui œuvrent, de cet homme au fond sur la gauche avec un béret, de cette petite fête de village, parmi les paysans qui sont endimanchés. Il y a en cette croix le bouquet de la mariée, et devant, tout à fait devant, au pied de Simon de Cyrène, une bouteille vide et un verre. Et à droite, il y a du pain, ce pain jeté à terre, ce pain Corps du Christ, ce sac de blé, de farine : le pain de la fraction, le pain du sacrifice, ce Pain qui avance, ce Pain de Vie qui au levain de la foi va donner la Vie. (J.-M. N.)

Arts visuels

27,59 ; Jn 19,40 ; Lc 23,53 ; Mc 15,46 l'enveloppa d'un drap Saint Suaire

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Saint Suaire de Turin (17e s.), reliquaire à papiers roulés, France

© Photo : Trésors de ferveur→

Description

Au centre, accompagnée de l'inscription Il verissimo ritratto del Santissimo Sudario (représentation véridique du Saint Suaire), se trouve une reproduction fidèle de la relique contenue dans le reliquaire : le fameux linceul dans lequel le Christ aurait été enveloppé avant d'être mis au tombeau. À gauche, la colonne de la flagellation ; à droite, la croix ainsi que deux des instruments de la Passion, l'éponge au bout du la branche d'hysope et la lance de laquelle un soldat aurait transpercé le corps du Christ selon Jn 19,34.

Art contemporain

Szymon Ryczek (1991 - ), Sans titre, (linogravure, 2020), (120 x 80 cm)

© Courtesy Vera Icon→, Mc 15,46

Liturgie

27,35s PARALITURGIE Chemin de croix : dixième station

CONTEMPLATION

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 10 — Jésus est dépouillé de ses vêtements, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Ph 2,5-11 ; Mt 27,35-36 ; Mc 15,24 ; Lc 23,34 ; Jn 19,23-24

Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)

27,35 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station

CONTEMPLATION Jésus cloué sur la croix

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 11 — Jésus est cloué à la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,35 ; Mc 15,23 ; Lc 23,33 ; Jn 19,18

 Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.

Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.

C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.

Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.

On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)

27,45–50 PARALITURGIE Chemin de croix : douzième station

CONTEMPLATION Jésus et les ténèbres autour de la croix jusqu'à la fin du monde

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 12 — Jésus meurt sur la croix, entouré de trente saints polonais, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 234 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Mt 27,45-50 ; Mc 15,33-39 ; Lc 23,44-48 ; Jn 19,25-30

Jésus meurt sur la croix : il est étendu sur la croix, et il est étendu sur la Pologne ; sur toute l’histoire de la Pologne. Ce qui va des premiers martyrs jusqu’à Jean-Paul II. L’artiste meurt en 2004 ; Jean-Paul II est mort en 2005. Et lorsqu’on voit Jean-Paul II au pied de la croix, ce n’est pas simplement un portrait de Jean-Paul II, c’est le portrait de l’Eglise ; et la multitude de croix, ce foisonnement de croix au fond, manifeste que tous ceux qui sont saints et tous ceux qui sont baptisés portent la croix. Et toujours Marie au pied de la croix : l’icône de Notre Dame de Czestochowa. Il y a une intelligence de cette présence, de cette vie et de ce Christ dont le sang coule toujours sur ce peuple ; et ce peuple a aussi, avec d’autres, versé son sang pour la patrie. C’est donc effectivement le Golgotha de Jasna Gora, le Golgotha du sanctuaire de la Pologne. Comme disait Jean-Paul II, Jasna Gora, le sanctuaire, c’est le lieu de la liberté des Polonais. Tout est mêlé, associé : on voit Saint Venceslas, on voit la multitude des saints et des saintes, des ermites, des pasteurs, des prêtres, des fidèles qui sont là, tout le peuple est en marche parce qu’une nation n’existe qu’à travers et que par son histoire. Et Marie dans sa fidélité associe cette présence, où l’Emmanuel qu’elle porte, cet enfant Jésus, prouve sa révélation dans la croix. (J.-M. N.)

27,57ss PARALITURGIE Chemin de croix : treizième station, Jésus est descendu de la croix

CONTEMPLATION Une actualisation polonaise

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 13 — Jésus est descendu de la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Ga 4,4-5 ; Mt 27,57-59 ; Mc 15,42-45 ; Lc 23,50-53 ; Jn 19,38-42

Il y a là une idée spirituelle de génie, où l'on retrouve l’icône de Notre-Dame de Czestochowa : c’est le thème de la Pietà, c’est à-dire la descente de croix, où Marie porte le Christ soutenu sous les aisselles par une main qui sort de l’icône : Marie donne cette main, alors que de cette main elle montrait l’enfant Jésus, pour révéler que cet Emmanuel, c’est Dieu au milieu de ce peuple. Et la tête du Christ mort est à la place de l’enfant, avec son auréole ! Un ermite blanc, tonsuré, soutient l’icône : le sanctuaire de Czestochowa est confié à un ordre religieux, les Paulins, et c’est l’habit de chœur des Paulins. Et l’on voit des soldats, derrière, et aussi un soldat à genoux, avec le sabre dans son dos : il risque d’être exécuté… Mais il y a des soldats qui ressemblent à des cadavres, des soldats morts, exécutés.

Le Christ regarde, il porte tout cela, il porte à la fois ceux qui exécutent et ceux qui meurent. C’est bien pour cela que lorsqu’on prie pour les victimes, il faut aussi prier pour les bourreaux, pour leur conversion. La main tendue de cette Mère qui présente le Christ est prière, et lorsqu’on prie Notre Dame de Czestochowa, on prie à travers et par tout ce chemin de croix.

Ainsi les choses s’accomplissent, ainsi la vie se révèle, ainsi tout se dit : Marie est là, Marie est présente, mais ce n’est pas que Marie, c’est Marie mère de Dieu et mère de l’Église, et c’est l’Église qui porte le Christ souffrant, pour porter toute souffrance. (J.-M. N.)

28,1–20 Représentations du Ressuscité

ICÔNE : Art byzantin

15e s.

Andreï Roublev, La descente aux Enfers ou Descente aux Limbes (tempera sur tilleul, 1408-1410)

Galerie Tretiakov, Moscou (Russie)

© Domaine public→

Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques (pseudo-Épiphane, Homélie pour le Samedi Saint, cité selon Hans Urs von Balthasar, Dieu et l’homme d’aujourd’hui, 1956) décrit cette descente du Christ aux enfers :

« Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla : — J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. […] Et lui ayant saisi la main, il lui dit : — Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton Fils. Lèves-toi, toi qui dormais car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image […] Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi, qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle des noces est préparée. Les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend. »

PARALITURGIE occidentale. Chemin de croix contemporain : une quinzième station !

Pour retrouver une spiritualité moins doloriste, plus authentiquement pascale, de nombreux artistes occidentaux ne s'arrêtent pas à la mise au tombeau de Jésus et ajoutent des stations à la dévotion si populaire du →chemin de croix.

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 15 — Jésus ressuscité !, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Mt 28,1-20 ; Mc 16,1-8 ; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1.11-18

Et voici la station de la Résurrection : Jésus est vivant ! Il est vivant au milieu de cette constellation, de cet univers. De haut en bas, d’un vêtement blanc, de la gloire de cette blancheur ineffable, il bénit la Pologne, tout le peuple. Le Christ s’incorpore au corps de la nation ; de cette force et de ce regard, de cette intensité et de cette puissance. Mais l’artiste va encore poursuivre le commentaire. Et là, il va dépasser les stations traditionnelles d’un chemin de croix. (J.-M. N.)

27,60s PARALITURGIE Chemin de croix : quatorzième station, Jésus est mis au tombeau

CONTEMPLATION Une actualisation polonaise

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 14 — Le Christ au tombeau, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Jn 19,41-42 ; Mt 27,57-61 ; Mc 15,46-47 ; Lc 23,50-56

Le Christ au tombeau : dans quel tombeau ? Il est dans le tombeau des camps de concentration. On y voit les fils barbelés ; on y voit les livres qui ont été brûlés, des livres où l’on a voulu effacer la mémoire de la vie. Des cierges entourent Celui qui est au tombeau, enfoui dans l’horreur de cette humanité. Dans ce fatras de piliers qui encerclaient les hommes à l’intérieur des camps et dont plusieurs ont la forme de croix, tout s’écroule, mais aussi tout se libère. Car c’est bien dans le tombeau que tout se libère. Aujourd’hui au cimetière polonais d’Oswiecim, c’est la montagne des croix profanes : on voit une montagne où sont plantées une succession de croix, de croix qui disent la vie des êtres, de communautés, l’histoire de ceux et de celles qui ont combattu pour la liberté, des croix que l’on dépose encore. Les croix de la mémoire qui ne sont pas simplement un enfouissement au cœur de la mort, parce que si on regarde une croix, c’est parce qu’on a foi en la résurrection : on ne croit pas en un Dieu mort mais en un Dieu vivant ! Ce troisième jour, « ô mort, où est ta victoire ? » ; « En mourant il a détruit notre mort et en ressuscitant il nous a redonné la vie ». (J.-M. N.)

Texte

Critique textuelle

27,35b Variante TR, VL et la Sixto-Clémentine lisent « afin que s'accomplît ce qui avait été dit par le prophète : — Ils se sont partagé mes vêtements et ont tiré au sort ma tunique », une citation de Ps 22,19 (cf. Jn 19,24).

Réception

Liturgie

27,21–52 Le voile du Temple fut déchiré

« Velum templi scissum est » Répons

Traditionnel, Ténèbres du Golgotha - 1° Nocturne: Répons " velum templi", (cd, 2005)

Dom Jean Claire, Choeur Des Moines de L'Abbaye De Solesme, Ténèbres, Abbaye de Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Mt 27,21-52

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

32s Le Saint-Sépulcre

La basilique du Saint-Sépulcre à travers les siècles, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 27,32-28,10 ; Mc 15,22-16,9 ; Lc 23,33-24,12 ; Jn 19,17-20,17

Réception

Liturgie

27,52s ICONOGRAPHIE Anastasis et Descente aux enfers  L’icône orientale la plus fréquente montre :

  • Au centre, revêtu de vêtements d’or (ou blancs comme la neige), le Fils de Dieu retrouvant sa créature perdue. Souvent le tissu volette sur ses épaules : le sens du mouvement, de la descente, est ainsi rendu.
  • Le Christ porte un rouleau en main gauche : c’est le « chirographe » du péché, affreuse lettre de change souscrite par nos deux premiers aïeux, donnant le sens de la prédication de la Bonne Nouvelle chez les morts. Le rouleau est parfois déployé, déchiré en son centre.
  • Sous les pieds du Christ figurent les portes arrachées aux enfers et les âmes blanches des justes, qui attendent dans l’ombre. Les enfers s’ouvrent comme une caverne noire, obscure. Les cimes des montagnes soulignent la profondeur de l’anfractuosité, les abysses.
  • Aux côtés du Christ, au premier plan, se trouvent Adam et Ève. Ève est vêtue de rouge, symbole de la chair, de l’humanité (elle est la mère des vivants : Gn 3,20) et a les mains couvertes en signe d’adoration.
  • Derrière Adam et Ève s’alignent des rangées de justes, certains reconnaissables : David (barbu) et son fils Salomon (en habits royaux) ; Jean-Baptiste et Daniel avec leur coiffure caractéristique ; Moïse avec les tables de la Loi en mains, Isaïe et les autres prophètes.

L’histoire connaît quelques variantes, p. ex.

  • le Christ — le rouleau entre les mains, sans la croix (ou avec la croix sur l’épaule plus ou moins soutenue par des anges) — prenant la main d’Adam (et d’Ève), placés latéralement ou symétriquement à sa droite et à sa gauche ;
  • la représentation du monde infernal plus ou moins peuplée ou scénographiquement plus pittoresque.

Andreï Roublev, La descente aux Enfers ou Descente aux Limbes, (tempera sur tilleul, 1408-1410)

Galerie Tretiakov, Russie

©Wikicommons→

Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques décrit cette descente du Christ aux enfers :

  • Pseudo-Épiphane de Salamine, Homélie pour le Samedi Saint (PG 43, 444-464) « Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla : — J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. […] Et lui ayant saisi la main, il lui dit : — Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton Fils. Lèves-toi, toi qui dormais car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image […] Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi, qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle des noces est préparée. Les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend » (trad. tirée de H. Urs von Balthasar, Dieu et l’homme d’aujourd’hui, Foi Vivante 16, Paris : Cerf, 1966, 258-262).
Dans le monde byzantino-slave

On trouve des représentations épisodiques : le Christ bondit hors du sépulcre ; il descend aux enfers et entraîne les justes vers le paradis, précédés par le bon larron. Il apparaît à Pierre et aux autres apôtres sur la mer de Galilée.

Propositions de lecture

28,1–10 La fête de Pâques vue d'Orient : message divin, calme et volupté

La newsletter

Comment la Résurrection du Christ est-elle annoncée ? Quels sont les mots choisis ? Quel regard porte l'Église d'Orient sur la fête de Pâques ?

Le canon de la Résurrection à mille voix

Pour se plonger au cœur de la fête de Pâques, nous vous proposons une petite pépite : une compilation du chant « Le Christ est ressuscité » de la tradition orthodoxe en 16 langues (arabes, russe, français mais aussi coréen ou japonais). Enregistré çà et là avec les moyens du bord, des voix fluettes de l’Afrique aux profondes basses russes, il y en a pour tous les goûts.

Traditionnel, Tropaire de Pâques 1

Hymne chrétien orthodoxe parmi les plus connus et le plus beaux, il est chanté lors de la Fête des Fêtes - la Sainte Pâque, c'est-à-dire la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, le tropaire est ici chanté par différents chœurs dans différentes mélodies et dans différentes langues : slavon, espagnol, arabe, grec, anglais, araméen, japonais, vieux slavon, lugandien, français, coréen, estonien, latin, turc, hongrois, ethiopien, serbe, polonais, macédonien, biélorusse, géorgien, roumain, albanais, allemand, chinois, hongrois.

À noter : les chrétiens orthodoxes célébrent la Résurrection une semaine après les catholiques et les protestants. Une histoire de calendriers julien ou grégorien — on vous passe les détails pour cette fois !

La fête de Pâques célébrée à l'orientale

Anne Pierrette Marie dite Irma Martin (1814-1876), Les saintes femmes au tombeau, (huile sur toile, 1843), (73 cm x 92 cm), collection privée © Domaine public

La Résurrection s'annonce avec des mots

Résumons : d'aller dire qu'Il est ressuscité comme il l'avait dit et comme il vient de le dire, lui, l'ange ... La résurrection se rencontre d'abord dans une heureuse, une incroyable annonce placée par Dieu dans la bouche de ses témoins.

L'un d'eux a si bien proclamé l'annonce qu'on l'a appelé « la Bouche d'Or », en grec : Chrysostome. Jean Chrysostome a été l'archevêque d’une ville qui au 4e s. portait le nom de Constantinople — et qui aujourd'hui s’appelle Istanbul.

Basilique Sainte-Sophie de Constantinople, Istanbul (Turquie)

La basilique Sainte-Sophie de Constantinople, construite entre 532 et 548, transformée en mosquée après la prise de la ville par les Ottomans en 1453, et devenue musée de l'Aya Sofya depuis 1934.

Pâques, c'est aussi ta fête !

Voilà l’homélie qu’il écrivit pour le jour de Pâques. Dans les rites orientaux, elle est proclamée durant les Matines de Pâques, sous le doux nom de Hieratikon :

  • Jean Chrysostome, Hieratikon « Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse solennité.

Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu'il reçoive aujourd'hui le juste salaire !

Celui qui est venu après la troisième heure, qu'il célèbre la fête dans l'action de grâce !

Celui qui est arrivé après la sixième heure, qu'il n'ait aucun doute, il ne sera pas lésé.

Si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, qu'il approche sans hésiter !

S'il a traîné jusqu'à la onzième heure, qu'il n'ait pas honte de sa lenteur,

car le Maître est généreux,

il reçoit le dernier comme le premier,

il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui de la première.

Il fait miséricorde à celui-là, et comble celui-ci.

Il donne à l'un, il fait grâce à l'autre.

Il accueille les œuvres, il apprécie le jugement ; il honore l'action et loue l'intention.

Aussi, entrez tous dans la joie de notre Seigneur ! »

Je suis trop contente !

Le mot de la fin
  • Jean Chrysostome, Homélie de Pâques « Premiers et derniers, recevez le salaire !

Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble !

Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour !

Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l'avez point fait, réjouissez-vous aujourd'hui !

La table est prête, mangez-en tous ! Le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun !

Jouissez tous du banquet de la foi !Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous.

Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau.

Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés.

Il a détruit la mort, celui qu'elle avait étreint.

Il a dépouillé l'enfer, celui qui est descendu aux enfers.

Il l'a rempli d'amertume, pour avoir goûté de sa chair.

Isaïe l'avait prédit en disant :

— L'enfer fut rempli d'amertume lorsqu'il t'a rencontré

rempli d'amertume, car il a été joué

bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti.

Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu.

Il prit de la terre et rencontra le ciel.

Il saisit ce qu'il voyait, et tomba sur celui qu'il ne voyait pas.

Ô mort, où est ton aiguillon ?

Enfer, où est ta victoire ?

Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé.

Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie.

Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie.

Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau,

car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis.

A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles Amen. »

(trad. M. Jeannin, Bar-le-Duc : Guérin, 1864)

Arts visuels

28,1–7 Les myrophores Les myrophores (du grec muron, « parfum liquide » et du verbe phoreo, « porter ») sont les femmes qui , à l'aube du Troisisème jour, viennent au tombeau de Jésus avec des onguents pour embaumer son corps. L'identité de ces femmes et leur nombre varint selon les évangiles: 

  • Mt 28,1 parle de Marie de Magdala et de l'autre Marie  qui d'après ce qu'il dit précédemment (Mt 27,56) serait Marie , mère de Jacques et Joseph. 
  • Mc 16,1 cite Marie de Magdala et Salomé
  • Lc24,10 donne le nom de 3 femmes; Marie de Magdala, Jeanne et Marie, mère de Jacques.
  • Jn 20,1 ne mentionne que Marie de Magdala

La présence de Marie Madeleine au tombeau est donc attestée par les 4 évangelistes, ce qui fait d'elle le personnage principal des Myrophores. 

3e siècle

Procession des femmes au tombeau (fresque du baptistère de la domus ecclesiae de Douras Europos, 240 ap; J.C.)

Galerie d'art de l'Université de Yale, © Domaine public→

6e siècle

Bien qu'il soit difficile dans les oeuvres des premiers siècle de déterminer, parmi les femmes venant au tombeau, qui est Marie de Magdala, on peut supposer qu'étant toujours citée en premier dans les évangiles, elle tient aussi la première place dans l'iconographie. Ici elle est représentée avec une torche et un onguent. 

 Evangelio siríaco de Rabbula (586),

Bibliothèque des Médicis Laurentiens (Florence), © Domaine public→,

Jn 19,18-42 ; Mt 28,1-10

Dans le manuscrit de l’Évangile de Rabbula la scène du dessous représente la Résurrection du Christ selon Mt 28: deux femmes parlent à un seul ange puis voient Jésus ressuscité devant qui elles se prosternent. Bien que Matthieu identifie les deux femmes à Marie Magdeleine et à "l'autre Marie", l'identité de ces femmes dans l'evangiles de Rabula n'est pas claire. Qui est la femme avec l'auréole? Serait-ce la Vierge Marie comme dans la scène du haut où elle est représentée avec le même type de vêtement, auprès de st Jean? Serait-ce Marie Magdeleine avec son flacon de parfum?

14e siècle

Maître de la Résurrection, Crucifixion avec saints / Noli me Tangere (Tempera et or sur bois, 1350)

Vatican Pinacothèque, © Domaine public→ 

Mc 16; Mt 28; Jn 20

Avec le 14e siècle, les émotions des personnages transparaissent d'avantage. Ici, dans la scène de la Resurrection en bas , les saintes femmes se rendent au lieu de la sépulture où, sur un cercueil en pierre ouvert, un ange leur indique de la main que Jésus n'est plus ici. Marie madeleine, toujours vêtue de rouge, s'agenouille aux pieds de Jésus ressuscité. Dans cette représentation sont donc représentées 4 femmes qui correspondraient aux 4 noms donnés en adittionnant les 4 évangiles: Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, Salimé et Jeanne. 

16e siècle

Annibale Carracci, Saintes Femmes au tombeau du Christ (huile sur toile, 1590)

, Musée de l'Ermitage,© Domaine public→

Encore dans la pénombre, les femmes arrivent au tombeau où elles trouvent assis sur la pierre , un ange tout illuminé qui leur indique que celui qu'elles cherchent n'est plus ici. Toute l'expression des personnages passe par les mains et non par les visages qui restent dans l'ombre. Tout près de l'ange, se tient Marie de Magdala habillée de rouge et les cheveux découverts. Elle tient de ses deux mains un grand vase de parfum, attribut qui lui est propre.  

Peter Paul Rubens, Les saintes femmes au Sepulcre, (huile sur toile)

Norton Simon Museum, © Domaine public→

Dans son tableau Les saintes femmes au Sepulcre, Rubens a réprésenté deux anges et non un seul, à l'entrée du tombeau ouvert du Christ. Seule la lumière émanant du tombeau permet d'éclairer la scène. Ce n'est plus deux ou trois femmes qui sont là pour l'enbaumement mais six. Qui parmi elles est Marie Madeleine? Peut etre cette femme à la robe rouge qui tourne le dos et ne porte pas de voile? A moins que ce soit celle qui se penche en avant et qui tient en ses mains un onguent ?

Musique

26,3.47 ; 27,46 Les ténèbres se firent

18e s.

Johann Michael Haydn (1737-1806), Tenebrae factae sunt, 1772

Mandák Kórus

© Licence YouTube standard→, Mt 25,45ss Jn 19,30 Lc 23,46

Paroles

Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. V. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.

Les ténèbres se sont faites pendant que les Juifs crucifiaient Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? Et après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains je remets mon esprit. Et après aovir incliné la tête, il expira.

Composition

Michael Haydn est un compositeur autrichien, né le 14 septembre 1737 à Rohrau (Autriche) et décédé le 10 août 1806 à Salzbourg. Il est le frère cadet de Joseph Haydn (1732–1809). Ses œuvres comportent plus de huit cents compositions, essentiellement religieuses.